«Parce que je vous dis qu’ils sont les meilleurs (et parce qu’il n’y a pas d’Italiens, pas même Elena Ferrante)»- Corriere.it

2024-07-21 16:50:53

De FRANCO CORDELLI

Après deux cas qui ont fait débat – la liste des cent auteurs italiens choisis pour la Buchmesse et le classement du “New York Times” qui couronne Elena Ferrante – le critique du “Corriere” Franco Cordelli propose ses préférences

Il y a quelques semaines, à propos de la Foire de Francfort, Alfonso Berardinelli écrivait dans une de ses notes : « Tout d’abord, la quantité de narrateurs invités est impressionnante (la plupart capables de ne parler que d’eux-mêmes, j’imagine). Aujourd’hui, le mot « livre » est synonyme de roman, même si presque aucun auteur ou lecteur ne sait plus ce qu’est un roman. Il y a le nom de la chose, mais la chose n’est pas là. » C’est vraiment comme ça ? Personnellement, je suis d’accord avec Berardinelli. Mais sa vérité est partielle. Il faut dire, pour être précis, que la raison pour laquelle « la chose n’est pas là » dépend d’abord de sa quantité débordante ; deuxièmement, par la multiformité que ce que nous appelons (et appelons encore) le roman a en réalité assumé au fil du temps, et de plus en plus au XXIe siècle. La troisième conséquence inévitable est l’impossibilité de saisir en quantité quelque chose qui ressemble à une qualité quelconque. Ce qui n’existe vraiment plus, ce n’est pas le roman mais la critique : ou du moins ce qu’on appelait : la critique éclair, la critique quotidienne. La critique académique est restée. Mais elle ne repose que sur des valeurs consolidées : en fin de compte sur une éternelle répétition ou, tout au plus, des variations et autres variations.

J’ai consacré une bonne partie de mon temps dans les semaines qui ont suivi l’article de Berardinelli à tenter de réorganiser dans ma mémoire (et d’explorer la bibliothèque) les livres, que je n’appellerai pas nécessairement des romans, qui y avaient été déposés. Sous les formes les plus disparates – contrairement aux XIXe et XXe siècles – venant des pays les plus lointains : les livres qui, au cours des vingt-cinq dernières années, méritent selon moi d’être lus. Je ne pourrais pas dire de chacun d’eux lequel est le meilleur et lequel est le moins convaincant ; qui est plus récent et qui est somme toute « traditionnel » ; mais je sais avec certitude que mon expérience est très différente du classement des cent meilleurs romans publié il y a quelques jours par le « New York Times ». Cent! Une énormité. Et pas seulement : très peu, les noms des auteurs et les titres du « New York Times » coïncidant avec ceux que je liste sur cette page. Si des noms comme Donna Tartt ou Jonathan Lethem ou Stephen King ou Elizabeth Strout apparaissent il ne peut y avoir qu’une seule signification : qu’aux États-Unis, les livres d’écrivains américains sont majoritairement lus et que pour les lecteurs américains, rien n’a changé : le roman est ce qu’il était et que si le nombre choisi était cent, il aurait pu être deux cent ou trois cents.

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Même mes cinquante-quatre auteurs sont de trop et J’ai délibérément exclu les noms d’écrivains italiens pour la raison inverse de celle du « New York Times » : parce que la distance était trop petite. Quoi qu’il en soit, vous trouverez ci-dessous la liste complète.

En parcourant une nouvelle fois cette liste, dressée à la mesure de mes penchants individuels, je constate quelques singularités. La première est presque arbitraire : J’ai cité certains noms (Bolaño, Desai, Yehoshua, Munro, Kincaid, Enquist, Otsuka) sans leurs meilleurs titres pour la simple raison que les meilleurs sont de l’autre siècle mais j’aurais été désolé de les omettre. Je vais vous donner un exemple : Le livre de Blanche et Marie c’est un roman entièrement exclamatif et pourtant beau ; mais plus beau encore, du même auteur, Enquist, est Le médecin du tribunal de 1999. Autre exemple : Rose et mortel chez Francisco Umbral Je l’aurais mis malgré la règle, mais ça date de 1998 ! Et puis : j’ai mentionné deux livres de McCarthy qui ont été publiés la même année. Je n’ai pas mentionné celui de Javier Marías Thomas Nevinson — évidemment jumeau du précédent Berta Isla, car il est sorti en 2021, soit quatre ans plus tard. Et encore : bien au-delà des classifications toujours académiques (modernisme, post-modernisme, autofiction, etc.) nombre de titres pourraient rentrer dans une famille : c’est une famille thématique, peut-être pas du tout et proprement familière : mais pas tellement autant d’histoires de famille que d’histoires de pertes les plus douloureuses : parents, enfants, frères (le plus éloigné est naturellement Kenzaburo Oe). Et enfin : même s’il existe, comme je l’ai dit, des écrivains nés aux quatre coins du monde (Chimamanda Ngozi Adichie est née au Nigeria, Sonali Deraniyagala est née au Sri Lanka), la langue anglaise reste dominante et les écrivains américains sont plus nombreux, suivis par les Espagnols et par les Irlandais : l’Espagne et l’Irlande, les deux nations qui ont mis le plus de temps à se libérer de l’oppression politique et sociale. Même si le roman n’existe plus, la liberté d’écrire des livres n’a pas diminué qui leur ressemblent au moins.

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Voici les livres choisis par Franco Cordelli (répartis selon la date de sortie en langue originale) :

2000

Zadie Smith, DENTS BLANCHES -Mondadori
Edmond Blanc, L’HOMME MARIÉ – Cour de récréation

2001

Roberto Bolano, TUER DES PUTES – Adelphes
Anne Carson, LA BEAUTÉ DU MARI – La tortue
Philippe Roth, L’ANIMAL MOURANT -Einaudi
Winfried Sebald, AUSTERLITZ – Adelphes
Claude Simon, LE TRAM– Malgré

2002

Anita Brookner, LA PROCHAINE AVENTURE – Janus
Jeffrey Eugenides, MIDDLESEX- Mondadori
Rohinton Mistry, QUESTIONS DE FAMILLE -Mondadori
Amos Oz, UNE HISTOIRE D’AMOUR ET D’OBSCURITÉ-Feltrinelli

2003

Monique Ali, CHEMIN DE BRIQUES -Mondadori
Bernardo Atxaga, LE LIVRE DE MON FRÈRE -Einaudi
Dasa Drndić, FORMAT LEICA – Le neuf de Thésée

2004

Par Olov Enquist, LE LIVRE DE BLANCHE ET MARIE – Hyperborée
Colm Tobin, LE MAÎTRE -Bompiani
Abraham Yehoshua, LE RESPONSABLE DES RESSOURCES HUMAINES -Einaudi

2006

Chimamanda Ngozi Adichlé, DEMI-SOLEIL JAUNE -Einaudi
Donald Antrim, LA VIE APRÈS -Einaudi

2007

Anita Desaï, TOUTES LES HISTOIRES -Einaudi
Cees Nooteboom, TOMBEAUX – Hyperborée
Zachar Prilepine, LE PÉCHÉ -Voland
Christophe Tezza, ENFANT POUR TOUJOURS – Moineau et cuivre

2009

Javier Cercas, ANATOMIE D’UN INSTANT -Guanda
Edgar Doctorow, HOMÈRE ET LANGLEY -Mondadori
Pierre Michon, LES ONZE – Adelphes
William Trevor, AIMEZ UN ÉTÉ -Guanda

2010

Jane Urquhart, LIGNE SANCTUAIRE – Nutriments

2011

Julien Herbert, BALLADE POUR MA MÈRE – Gran Via

2012

Alice Munro, SORTIR VIVANT -Einaudi

2013

Sonali Deraniyagala, ALORS -Néri Pozza
Sergio del Molino, À L’HEURE VIOLETTE – Vendeur
Jamaïque Kincaid, VOIR MAINTENANT PUIS – Adelphes
Ricardo Piglia, UNIQUEMENT POUR IDA BROWN-Feltrinelli

2015

Jenny Erpenbeck, ENTRÉES DU VERBE ALLER – Vendeur
Mathias Énard, BOUSSOLE – et le

2016

Graham Swift, UN JOUR DE FÊTE -Néri Pozza
Richard Ford, ENTRE EUX -Feltrinell
Javier Marias, ÎLE BERTA -Einaudi
Georges Saunders, LINCOLN DANS LE BARDO -Feltrinelli

2018

Ottessa Moshfegh, MON ANNÉE DE REPOS ET D’OBLIGENCE -Feltrinelli

2019

Viyun Li, OÙ TERMINENT LES RAISONS – M. Editeur

2020

Colum McCann, APEIROGON -Feltrinelli
Marilynne Robinson, JACK -Einaudi
Martin Amis, L’HISTOIRE DE L’INTÉRIEUR -Einaudi

2022

Cormac McCarthy, LA PASSAGER, STELLA MARIS -Einaudi
Julie Otsuka, BAIGNADE LIBRE -Bollati Boringhieri

2023

Jean Coetzee, LE POLONAIS -Einaudi
Didier Eribon, VIE, VIEILLESSE ET MORT D’UNE FEMME DU PEUPLE – L’empreinte

21 juillet 2024 (modifié le 21 juillet 2024 | 15h50)



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