Pascal Quignard : “Il y a quelque chose de sauvage dans l’écriture qui nécessite de s’isoler”

Pascal Quignard : “Il y a quelque chose de sauvage dans l’écriture qui nécessite de s’isoler”

2023-09-22 20:46:59

En 1994, Pascal Quignard décide tout quitter et prendre sa retraite de la vie publique pour se consacrer à la littérature. « Cela faisait 25 ans qu’il était éditeur chez Gallimard, il avait travaillé avec trois générations, Claude, Antoine et Gaston. J’avais deux options : y consacrer encore 25 ans ou tout quitter. J’ai choisi cette dernière solution, même si j’ai eu peur“, reconnaît l’auteur du best-seller “Tous les matins du monde”.

Le roman, adapté au cinéma par Alain Corneau et interprété par Gérard Depardieu, est devenu un phénomène au début des années 90 (dix millions de téléspectateurs rien qu’en France) et a scellé à jamais son amitié avec Jordi Savall, auteur de la bande originale et coupable, avec Quignard, de la reprise populaire de musique baroqueprotagoniste du roman et du film.

Quignard avoue aujourd’hui, trois décennies plus tard, que cette décision Cela lui a coûté de l’argent ainsi qu’à tous ses amis. « Les amis aiment partager des valeurs et détestent quand on les remet en question », glisse-t-il. Mais il assure que couper les liens avec la scène littéraire et les milieux intellectuels parisiens l’a rendu « de plus en plus heureux » et lui a permis se livrer à l’écriture comme quelqu’un qui est ordonné prêtre.

Il le dit calmement et souriant à l’hôtel Gare de Canfrancà Huesca, à quelques kilomètres de la frontière française, la gare qui a été témoin dans le passé d’un effort de guerre formé par Nazis, espions juifs et fugitifs, aujourd’hui transformé en hôtel qui accueille ce week-end le Conversations littéraires de Formentor, dans lequel l’écrivain français est mis à l’honneur.

Sainte-Colombe revient

Galaxia Gutenberg vient de rééditer ‘Tous les matins du monde’ et publie son dernier roman, ‘J’aime la mer’, tous deux unis par le fil d’un personnage réel, Monsieur de Sainte-Colombe, le compositeur et altiste français du XVIIe siècle dont on ne connaît pratiquement aucune donnée biographique et qui réapparaît comme personnage. “Nous ne savons pas grand chose de lui, mais nous avons sa musique. Et cela nous permet de comprendre leurs émotions. Je joue ses partitions tous les soirs au piano pour me fondre dans son univers. Et chaque année, depuis 30 ans, je retrouve mon ami Jordi Savall pour un concert dans lequel nous nous souvenons de lui. On pourrait dire que j’ai une amitié particulière avec lui », déclare l’écrivain et musicien, un ermite heureux qui reste fièrement à l’écart de l’écosystème littéraire, même s’il n’a jamais cessé de remporter des prix.

Pascal Quignard, Prix Formentor. Begoña Rivas


“La littérature est quelque chose de vertical”

« Le métier de l’édition a changé. Quand j’étais au comité de lecture de Gallimard, on ne voyait pas les auteurs. Il a été André Gide Celui qui a eu cette idée ne voulait pas qu’il y ait de contact, qu’il n’y ait aucune influence entre l’auteur, le lecteur et l’éditeur », se souvient-il. « Puis cela a changé et nous avons commencé à accompagner les auteurs parce qu’ils en avaient besoin. Pour moi la littérature est quelque chose de vertical, quelque chose qui existe entre soi. La critique, la publication, ce qui paraît dans les journaux… tout cela n’appartient pas à l’écrivain. Il y a quelque chose sauvage par écrit qui nécessite l’isolement. Au fond, celui qui écrit est toujours un peu prisonnier“, rappelle l’auteur de “Villa Amalia” et “Les Ombres errantes”, avec lesquels il a remporté le Goncourt en 2002.

Où est alors le lecteur dans cette équation ? « Nous sommes ici, à Canfranc, entourés de montagnes et de forêts imposantes, dans un endroit magnifique où les cerfs, bien sûr, ont leurs disputes. Je pense que, de la même manière que La nature n’a pas de public, il en va de même avec la littérature. En réalité, il n’y a pas de public cible.

Contre le puritanisme

Pour Quignard, l’homme qui décide de partir de la société a toujours existé. « C’est quelque chose qui existe dans le taoïsme, le bouddhisme et le christianisme, ce n’est pas si rare. Je ne sais pas pourquoi notre société aime tant l’intégration. Il y a toujours eu des individus qui décident de se séparer du groupe, comme cela arrive dans les sociétés animales », reflète un auteur qui avoue baroque, plus soucieux d’intensité celui de la perfection, dont le jury a loué son « éblouissante érudition » et « l’habileté avec laquelle il échappe à la banalité textuelle » et qui voudrait qu’on se souvienne de lui dans une catégorie similaire à celle de Colette.

« La littérature que j’ai le plus appréciée est celle des sens. J’aime écrire sur expériences sensuelles avec admiration. J’ai écrit trois essais sur le sexe et je C’est triste de voir le puritanisme et la censure« La transformation du désir féminin a perdu en chemin l’idée riche et révolutionnaire de Freud sur le sexe et l’amour. “Les rôles sont revenus à la dispute sexuelle.”



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