Charlotte Gainsbourg magistrale et convaincante dans le film de Mickal Hers qui fait oublier pour un temps la lourdeur de la vie
Vous sortez plus léger du film de Mickal Hers en oubliant pour un temps la lourdeur de la vie. Non pas que l’effet dure longtemps, mais le ressenti de ceux qui ne passent pas inaperçus : Passagers de la nuit un film qui essaie de rechercher l’harmonie plutôt que le conflit, la résilience plutôt que les regrets, à la recherche d’une relation aux autres qui aide à affronter les obstacles de la vie. Parce que les obstacles ne disparaissent pas, et dans le film il y en a beaucoup de types différents, mais tous racontés avec le désir de les surmonter, de ne pas s’apitoyer l’un sur l’autre.
Situé dans les années 80 à Parisle film s’ouvre sur la victoire de Mitterrand en 1981 et passe aussitôt en 1984 : Elisabeth (Charlotte Gainsbourg) vient d’être quittée par son mari et doit affronter la vie avec deux enfants à charge, Judith (Megan Northam) 19 ans et 17- Mathias (Quito Rayon-Richter), le premier plus indépendant et sûr de lui, le second plus intolérant (surtout à la discipline scolaire) et fragile.
Le film, pour (écrit par le réalisateur avec Maud Adeline et Mariette Dsert), évite de montrer les moments de confrontation : on ne saura pratiquement rien de son mari et de ses choix, même les raisons qui poussent Elisabeth à écrire à l’animatrice d’une émission de radio nocturne, Vanda Dorval (Emmanuelle Bart) restent vagues : on ne voit que le protagoniste qui est convoqué pour un entretien et qui est embauché comme collaborateur, notamment chargé de filtrer les appels téléphoniques qui arrivent en direct. Il n’y a pas de compassion ni de piétisme ni quoi que ce soit d’autre, juste le sens d’une vie qui offre des possibilités qu’il faut expérimenter, avec lesquelles il convient de se mesurer. Même dans les relations avec ses enfants, où tout ne se passe certainement pas de la meilleure des manières, Elisabeth fait preuve d’une disponibilité, d’un choix d’écoute qui peut parfois s’apparenter à de la résignation mais qui s’avère alors le moyen le plus efficace pour retrouver une harmonie et une solidarité inégalées. . .
De temps en temps, le film cède la place au rythme calme et le calme de la diffusion nocturne, où le programme qui donne son titre au film comprend une invitée qui partage son histoire, et la voix polie et respectueuse de l’intervieweur finit par contribuer à ce sentiment de calme empathique qui semble envelopper tout, y compris le présence (invité un soir de l’émission) d’un jeune squatteur, Talulah (Noe Abita), qu’Elisabeth n’a pas envie de laisser sur un banc et qu’elle invite chez elle.
Encore une fois, cependant, pour ne pas souligner un acte de générosité ou de pitié, mais plutôt d’offrir au film l’occasion de se confronter – dans les tons calmes et non excités qui sont typiques – à quelqu’un de substantiellement différent, donc capable de mettre davantage en valeur les caractéristiques des différents personnages. A commencer par Mathias qui voit en la fille un peu plus âgée que lui ce monde d’où il se sent confusément attiré. Même sexuellement.
À un moment donné Passagers de la nuit
saute brusquement à quatre ans plus tard, et précisément à 1988. Entre-temps, la vie a continué, chacun ayant appris à se prendre en charge et à trouver ses forces et trouvant en soi les ressources pour grandir : Judith choisissant cette indépendance qu’il recherchait, Mathias confrontant ses ambitions de poète et les déceptions sentimentales auxquelles une Talulah (presque) ressuscitée l’oblige à faire face et enfin Elisabeth trouvant en elle-même la force de s’accepter véritablement et de se savoir toujours désirable. Pour y mettre un terme il y aura un déménagement qui oblige tout le monde à fermer définitivement avec un appartement tantôt niche tantôt aquarium, où l’on se cache ou s’exhibe, toile de fond muette d’une vie avec laquelle on a essayé de composer.
Peut-être qu’au final tu n’apprends pas grand chose de ce filmmais laisse néanmoins l’impression d’avoir vu une bonne tranche de vérité, un aperçu de la vie telle qu’on aimerait la vivre, grâce aussi à la prestation vraiment magistrale de Charlotte Gainsbourg, jamais aussi convaincante dans sa recherche d’un sous-ton capable de restituer le sens de la vie.
10 avril 2023 (changement 10 avril 2023 | 21:19)
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