Un très bel essai qui décrit les mécanismes de la sphère publique numérique et sa tendance apparente à finir par aider les réactionnaires et les extrémistes de droite. Le politologue William Davies s’intéresse davantage à l’interaction de la technologie et de la psychologie qu’aux questions véritablement politiques. Par exemple, il se pose une question qui me tracasse ces derniers temps : bien sûr, les gens se sont toujours parlé et ont lu un, peut-être même plusieurs journaux par jour depuis plus d’un siècle (il y avait aussi des éditions supplémentaires du soir, si quelqu’un s’en souvient ). Mais : qu’est-ce que ça veut dire qu’aujourd’hui on vit sans arrêt dans un système médiatique et d’information grâce aux smartphones ?
chacun de nous (célébrités comprises) devient une boîte de jonction dans un réseau vaste et complexe, recevant, traitant et émettant des informations de manière semi-automatique, et en temps réel. Les informations et les émotions rebondissent entre ces jonctions, mutant au fur et à mesure qu’elles voyagent, comme en témoignent les mèmes et les blagues qui se propagent de manière virale via les plateformes de médias sociaux. Dans ce modèle, chaque réaction individuelle est une information de plus renvoyée dans le réseau, à la recherche de contre-réactions
Ainsi, la différence avec l’ère analogique – et avec le numérique stationnaire – n’est pas le réseau lui-même – les sociétés, les emplois, les familles, les sphères publiques n’ont-elles pas toujours été des réseaux ? C’est que le réseau s’enflamme en permanence et oblige toutes les personnes impliquées à réagir ou du moins les séduit.
Je trouve la description de Davies du sentiment étrange après avoir supprimé son compte Twitter très amusante :
Comment étais-je supposé réagir à la nouvelle maintenant ? Et si je n’avais aucun moyen de réagir à l’actualité, qu’est-ce que j’attendais de l’actualité ? Suis-je même intéressé par l’actualité, si je n’ai pas la possibilité d’y réagir ? Se retrouver dans l’espace public numérique sans aucun moyen de réagir, c’est un peu comme se retrouver piégé dans un centre commercial sans argent.
J’ai rarement lu une description plus juste du public numérique et de la motivation de ses habitants.
Beaucoup de pensées intelligentes dans un seul texte pour le week-end de Pâques.
(Trouvé à Johannes Kuhn)
