Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche
Le laser le plus puissant du Canada se situe au Québec, et c’est une femme qui se trouve aux commandes du laboratoire. Portrait de la chercheuse Heide Ibrahim, pour qui les lasers de l’Advanced Laser Light Source du Centre énergie matériaux et télécommunications de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) n’ont plus de secrets… ou presque.
D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, Mmoi Ibrahim a toujours eu un penchant pour la lumière et la photographie. « Quand j’ai vu un laser pour la première fois, j’en suis tombée amoureuse », dit en riant celle qui a terminé son baccalauréat en génie à l’Université de Cologne en sciences appliquées. Ce sont d’ailleurs ces générateurs d’ondes lumineuses qui l’ont motivée à s’inscrire au doctorat en physique à l’Université libre de Berlin, et ensuite à entamer un postdoctorat à Okazaki, au Japon.
C’est en 2009 que la savante allemande s’est installée au Québec, pour entrer en poste à l’INRS. Depuis octobre, Mmoi Ibrahim est à la tête du Laboratoire de sources femtosecondes ou Advanced Laser Light Source (ALLS), une infrastructure de recherche unique au monde spécialisée dans la création d’un nouveau type de lasers. Cet établissement où elle travaille avec le directeur du Centre énergie matériaux et télécommunications, François Légaré, possède une variété de lasers de haute intensité aux applications diverses. Celles-ci vont de la recherche fondamentale à la fabrication de pointe et la médecine, en passant par l’art. « On a aussi des utilités en environnement et en agriculture, ajoute Mmoi Ibrahim. On peut prendre des images de racines dans la terre. Nous sommes en train de développer des techniques pour déterminer quels minéraux y sont déposés et comment ceci est modifié avec les changements climatiques ».
Des recherches fondamentales
Au sein d’ALLS, les travaux de Mmoi Ibrahim se penchent sur l’imagerie moléculaire ultrarapide. À l’aide d’un microscope de réaction, celle qui se décrit sur LinkedIn comme « cinéaste moléculaire » utilise deux impulsions de laser distinctes. La première, en vue d’instaurer une dynamique dans une molécule et la seconde, pour la faire exploser.
« On enlève les électrons très vite et il ne reste que les fragments positifs qui ne sont plus stables. On guide tous ces éléments dans un détecteur, et l’on répète la même chose de l’autre côté avec les électrons », explique la physicienne. Elle arrive ainsi à observer les ions et les électrons afin de comprendre comment était structurée la molécule au moment de la deuxième impulsion. « Comme ça, je peux faire des films moléculaires », ajoute-t-elle.
Ces mouvements sont si brefs que, pour les voir, Mmoi Ibrahim a besoin de lasers à impulsions très courtes, de l’ordre de dix -15 secondes, soit imperceptibles à l’oeil nu. « Les mouvements des atomes sont très rapides, mais mon laser l’est encore plus. Je peux donc prendre des images ou la spectroscopie de quelque chose qui bouge à l’échelle atomique, décrit-elle. Et pour moi, c’est incroyable de voir ce qui se passe dans une si petite molécule avec ce laser. »
Comme ce sont des travaux menés en recherche fondamentale, il n’existe toujours pas à ce jour d’application directe qui y est reliée. « On a d’autres expériences chez nous où l’on peut clairement découvrir à quoi ça sert. Mais ma recherche est vraiment consacrée à améliorer le savoir », résume la directrice d’ALLS.
Une femme dans un milieu d’hommes
Mmoi Ibrahim reste l’une des rares chercheuses dans un milieu traditionnellement masculin. Déjà, lors de son postdoctorat au Japon, elle se souvient avoir été la seule femme du laboratoire.
Si elle s’estime heureuse de son parcours, elle ajoute avoir reçu un très bon soutien de ses pairs afin de concilier ses travaux et sa vie familiale. « Généralement, ça fonctionne très bien », se réjouit-elle.
Pour ses innovations, la directrice d’ALLS a obtenu la bourse Kavli en 2022 afin de souligner ses contributions à la recherche, où elle a notamment chapeauté une équipe internationale qui a réussi le premier road movie de fragments moléculaires en mouvement. Ses activités ont par ailleurs retenu l’attention de grandes revues scientifiques comme Science et La physique aujourd’hui. Plus près de nous, le magazine Québec Sciences a mentionné son étude lors de sa 29e édition des découvertes de l’année au Québec.
Mmoi Ibrahim concède qu’il manque encore des modèles féminins dans son domaine. Elle cite toutefois, en exemple, le cas de la Canadienne Donna Strickland, pionnière en matière de lasers et lauréate du prix Nobel de physique en 2018. La chercheuse espère à son tour pouvoir également amener de futures scientifiques à suivre ses traces. « Je serais heureuse de pouvoir un jour inspirer les filles à continuer le chemin de la curiosité. »
Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoirrelevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.
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