Post-fascisme : la jeunesse de droite italienne dans le roman de Davide Coppo

Lire la gauche, dénigrer la droite ? C’est ce que dit un cliché persistant même dans les milieux de droite : « Attention à ne pas trop lire, sinon vous deviendrez communiste », c’est ce qu’entend l’adolescent Ettore et narrateur à la première personne du roman de Davide Coppo dans le locaux de l’organisation de jeunesse milanaise d’un parti de droite non précisé.

En tant que récit, « intellectuel » est tellement synonyme de « politiquement de gauche » que des récits générationnels entiers de personnes âgées de 1968 et après 68 ans ont longtemps tourné autour des cercles de lecture de Karl Marx, de la théorie française et des « années folles de la lecture » (autour de un livre d’Ulrich pour citer Raulff). Ce qui a été négligé et qui continue de susciter l’émerveillement aujourd’hui, c’est qu’il existe également une scène de droite folle de lecture qui se qualifie de « nouvelle droite » à travers l’Europe. Un journaliste allemand comme Benoît Kaiserné en 1987, pourrait provenir du roman « Demain nous appartient » de l’Italien Davide Coppo, né en 1986.

Davide Coppo et son héros de droite

A Milan est Coppo Propriétaire d’un petit bar à vin et rédacteur en chef d’un magazine sportif. Il a publié son premier roman chez Edizioni E/O, la maison d’édition interne de l’auteure à succès italienne Elena Ferrante, c’est-à-dire à une adresse renommée. Son roman sur la jeunesse de droite en Italie est publié en allemand chez Kjona, un petit éditeur munichois ambitieux sous le titre « Demain nous appartient ». Le titre italien « La parte sbagliata » aurait été traduit littéralement par « Le mauvais côté » et aurait pu être plus approprié car les jeunes (comme la plupart des gens) aiment être du bon côté.

C’est aussi pourquoi la rébellion ne semble possible qu’à Ettore et ses camarades de droite. “L’un de nous ?”, demande quelqu’un quand Ettore rejoint la clique. Ettore ne déteste rien de plus que de faire partie de la masse sans visage, presque semblable à un troupeau, qui se rend chaque jour à Milan pour aller à l’école et au travail ; il les compare à une horde de gnous. Et de son point de vue, cela s’applique également au fait d’être à gauche.

Il raconte comment les jeunes dérivent vers la droite politique parce qu’être à gauche est devenu un folklore permanent. Pendant la guerre froide, l’Italie était l’État européen avec le plus grand parti communiste en dehors du bloc de l’Est. Cette influence s’est poursuivie même après la chute du Mur. L’histoire de Coppo se déroule à Milan au début des années 2000. Tout est sous l’impression d’un folklore altermondialiste de gauche contre le sommet du G8 à Gênes.

Mais Ettore se rend vite compte qu’il ne veut pas faire partie des cliques dominantes et que bien qu’il soit intégré à son gang de basket-ball, celui-ci est finalement trop apolitique pour lui. Ettore commence à s’intéresser à la politique. Au début, un professeur montrait en classe des films d’actualités de l’époque Mussolini, mais bientôt il y en eut d’autres. Approché par un camarade de classe plus âgé, décrié comme fasciste, Ettore se retrouve dans l’organisation de jeunesse d’un parti de droite.

Pour lui, c’est avant tout une porte d’entrée vers des amitiés qu’il n’a pas autrement, vers une bibliothèque que ses parents n’ont pas, vers des sujets politiques dont lui – enfant unique – n’a jamais pu aborder avec ses parents apolitiques. Le premier livre qu’Ettore achète est une biographie de Mussolini, et il rapporte une croix celtique de son échange étudiant en Irlande. Il s’intéresse également à Pierre Drieu La Rochelle, écrivain français et pionnier de la nouvelle droite ; pour Jan Palach (le héros déchu du Printemps de Prague), pour le terroriste de l’IRA Bobby Sands, pour la Saint-Patrick et la Palestine – une grande partie d’Ettore vient d’un mélange d’anticapitalisme, d’anti-impérialisme et d’anti-mondialisme, qui est également le récit de droite et de gauche est.

Le roman de Coppo n’apporte pas de réponses claires quant aux raisons pour lesquelles une jeunesse sensible serait attirée par le post-fascisme. Même si l’adolescent Ettore passe par une initiation hétérosexuelle discrète, une certaine composante homoérotique traverse le livre et des corps masculins définis sont plus d’une fois décrits avec admiration dans les détails physionomiques. Dans des moments comme celui-ci, l’histoire de Coppo se lit comme une mise à jour du “Men’s Fantasy” de Klaus Theweleit.

Quand la haine devient un bon sentiment

L’expérience de la violence est au moins aussi importante que la peur et le désir sexuel, deux éléments classiques des livres pour jeunes adultes. «Les gens me détestaient et cette haine m’a fait», pense Ettore après une bagarre liée à une occupation scolaire («Les fascistes sortent de l’école»). L’adrénaline qui traverse le corps d’Ettore est connue grâce à d’innombrables représentations de hooligans et de violence. Le livre de Coppo ne s’y livre pas, mais suggère seulement que le style – même dans la douce traduction de Jan Schönherr – est subtil et atmosphérique envoûtant.

Le roman est écrit dans le regard rétrospectif de l’adolescent plus âgé ; l’analyse de ce qui a été purifié se retrouve dans l’intrigue, ce qui le rend pédagogiquement précieux et adapté à l’enseignement des enseignants. Un message du roman que les enseignants n’apprécieront toujours pas est le suivant : “Il n’est pas vrai, comme j’entendais souvent dans les années qui ont suivi, que la haine puisse être combattue par la lecture et l’éducation.”

Pour les lecteurs allemands connaissant l’Italie, le roman constitue avant tout le portrait d’une scène politique alors isolée qui, avec le parti Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, fait désormais soudainement partie de l’establishment – l’étiquette « post-fasciste » est plus compliqué qu’il ne l’est à première vue pour les lecteurs allemands. Les partis du successeur de Mussolini ont connu plusieurs changements.

La Première ministre italienne Meloni, née en 1977, a passé sa jeunesse politique au sein de l’organisation de jeunesse Fronte della Gioventù du parti Movimento Sociale Italiano (MSI), fondée par des partisans du dictateur fasciste Benito Mussolini. En 1996, elle prend la tête de l’Azione Studentesca, dont l’emblème est la croix celtique utilisée par les extrémistes de droite à travers l’Europe. En 1998, Meloni a fondé le festival Atreyu, du nom du personnage du même nom dans l’épopée fantastique de Michael Ende « L’histoire sans fin ». Atreyu monte sur son cheval Artrax pour sauver les fantasmes de la destruction.

Le garçon vient du peuple des Peaux-Vertes de la Mer d’Herbe, qui l’ont élevé ensemble après la mort de ses parents. Il est orphelin – et pourtant « fils de tous ». Bien entendu, Atreyu est une figure d’identification née, tout comme les personnages de la littérature fantastique ont généralement une grande attirance pour les droits. Dans le roman de Coppo, ils sont brièvement mentionnés Hobbit-Camps des MSI évoquée dans les années 1970. Nous attendons toujours une histoire culturelle intelligente qui explique aux Allemands le post-fascisme et sa fonction dans le consensus de gauche de l’Italie d’après-guerre. En attendant, lisons Coppo.

Davide Coppo : Le matin est à nous. Traduit de l’italien par Jan Schönherr. Kjona, 238 pages, 24 euros