Pour une véritable interdiction des coupures d’électricité – EURACTIV.com

Pour une véritable interdiction des coupures d’électricité – EURACTIV.com

2023-11-16 17:53:03

De nouvelles dispositions dans les règles du marché de l’électricité de l’UE appellent les gouvernements de l’UE à garantir que les ménages vulnérables soient protégés contre les déconnexions, mais ne les interdisent pas explicitement, note Sarah Coupechoux. Des solutions alternatives existent, comme des paiements différés, des tarifs sociaux ou des livraisons d’électricité réduites via des compteurs intelligents, écrit-elle.

Sarah Coupechoux est responsable de la mission européenne de la Fondation Abbé Pierre pour le logement des plus démunis. Elle a cosigné cet article avec un groupe d’autres signataires répertoriés au bas de cet article.

Les conséquences des coupures d’électricité sont terribles pour les ménages.

Cela a des conséquences néfastes sur leur santé physique, car le manque d’énergie augmente le risque de maladies respiratoires comme l’asthme, mais aussi de maladies ostéoarticulaires et neurologiques. Cela affecte également la santé mentale des gens, augmentant le risque d’anxiété et de dépression. Sans parler du risque de accidents mortels lorsque les gens tentent de cuisiner ou de se réchauffer d’une autre manière dans leur propre maison.

Deuxièmement, cela aggrave leur situation économique et leur résilience globale, car les ménages dépensent beaucoup d’argent en faisant des compromis entre les multiples augmentations des coûts des produits de première nécessité comme la nourriture et le lavage.

Les femmes sont particulièrement exposées, car elles sont souvent chargées de gérer le budget familial et de trouver des moyens d’y faire face : cela représente pour elles une énorme charge domestique et mentale.

Enfin, le manque d’énergie est un facteur d’exclusion sociale, avec des effets dramatiques sur le bien-être, l’estime de soi, la vie professionnelle, la vie familiale et l’éducation.

Selon Eurostat, environ 42 millions de personnes en Europe souffraient de précarité énergétique en 2022, soit 35 % de plus qu’en 2021.

Combien de ces personnes seront confrontées à la menace d’une coupure de courant cet hiver ?

Les premières négociations entre la Commission européenne, le Parlement européen et les gouvernements nationaux sur la mise à jour des règles du marché de l’électricité de l’UE auront lieu le 16 novembre.

La Commission européenne et les gouvernements nationaux, conscients de l’importance de cette question, ont inclus dans les discussions un nouvel article sur les déconnexions. Ce nouvel article demande aux gouvernements de veiller à ce que les ménages vulnérables soient protégés contre les déconnexions, mais ne dit pas que les déconnexions sont interdites, ni dans quelle mesure elles doivent être évitées. Ce n’est pas une obligation, mais une invitation à faire de son mieux.

En pratique, cette formulation ne représente pas une avancée majeure par rapport à la directive précédente. Les gouvernements ont toujours eu la responsabilité de fournir un niveau minimum de protection aux ménages vulnérables, mais l’étendue de cette protection n’a pas été déterminée.

Avec la hausse des prix non seulement de l’énergie mais aussi d’autres nécessités de base comme le logement, la situation actuelle appelle une protection beaucoup plus claire et plus impérative.

Nous souhaitons une interdiction explicite des coupures d’électricité pour les ménages vulnérables, mais aussi pour les ménages incapables de payer leurs factures ou, plus généralement, en situation de précarité énergétique.

Déjà en juin 2022, lorsque le 7ème panorama sur l’exclusion liée au logement en Europe a été présentée, la Feantsa et la Fondation Abbé Pierre ont alerté sur les difficultés qu’éprouvent les ménages à faire face à toutes leurs factures, notamment de logement et d’énergie, et sur le risque important de voir les dettes augmenter dans les prochaines années.

Nous savons que les arriérés ne surviennent pas au plus fort de la crise mais plusieurs mois ou années plus tard. Les pays enregistrant des déconnexions (comme tous les États membres ne le font pas) comptaient déjà plusieurs centaines de milliers de déconnexions par an en 2020 ou 2021. L’Allemagne, par exemple, a enregistré plus de 234 000 déconnexions en 2021.

Les chiffres compilés par les régulateurs européens de l’énergie, l’ACER et le CEER, révèlent qu’environ 1% des consommateurs finaux des ménages sont déconnectés chaque année. Pourtant, très peu de régulateurs nationaux publient ces statistiques, même s’ils y sont tenus.

Le paradigme défaillant qui guide l’approche actuelle de l’Europe face aux déconnexions doit changer. Une personne en retard de paiement et dont l’énergie est coupée ne peut tout simplement pas payer. Ni aujourd’hui, ni demain. Avant qu’une personne n’atteigne le point de non-paiement, elle a fait des choix budgétaires. Ils ont réduit la qualité et la quantité de leur nourriture et se sont privés de soins de santé. Ils n’ont plus d’activités de loisirs. Ils sont en difficulté parce qu’ils sont mis en danger par les failles de nos systèmes énergétiques et sociaux.

Ils sont menacés de pauvreté, voire d’extrême pauvreté, et peuvent entrer dans une spirale de surendettement avec des conséquences majeures sur leur bien-être, leur emploi et la vie de leurs familles, mais aussi pour la société dans son ensemble.

Le rythme de la spirale de déconnexion peut être dévastateur : dans certains pays, cela peut prendre à peine une ou deux semaines entre le moment où les personnes sont informées unilatéralement par le fournisseur et la déconnexion effective ; et souvent sans recours ni alternative.

Même si nous vivons sur l’un des continents les plus riches de la planète, ces décisions conduisent à des conditions de vie qui ne devraient pas exister. Ce n’est pas seulement une question de choix comme manger ou se chauffer. Il s’agit de vivre dans le noir, sans pouvoir cuisiner pour la famille, sans lumière pour faire les devoirs des enfants, sans réfrigérateur pour conserver la nourriture ou faire fonctionner les médicaments vitaux, sans pouvoir laver les vêtements ou même prendre une douche chaude, et sans outils de communication essentiels pour trouver du travail ou accéder à l’aide du gouvernement dans le contexte de la transition numérique de l’Europe.

Il existe cependant de nombreuses alternatives à la déconnexion. Les ménages peuvent être orientés vers les services sociaux pour obtenir de l’aide et accéder à des plans de report, à un allégement de la dette et aux tarifs sociaux. Certains pays, comme la France et l’Italie, utilisent des compteurs intelligents pour réduire la consommation d’énergie dans ces cas-là.

Avec la révision du marché de l’électricité, l’Union européenne doit montrer à ses citoyens qu’elle les a entendus et qu’elle s’engage en faveur d’une transition socialement juste en renforçant considérablement la protection des consommateurs.

Il ne suffit plus d’exiger une protection contre les déconnexions. Une véritable interdiction des déconnexions, surtout lorsqu’elle est associée à d’autres mesures structurelles sur l’efficacité énergétique, par exemple, changerait la vie de nombreuses personnes, reconnaissant que l’énergie est un service essentiel pour une vie digne.

Cela uniformiserait également les règles du jeu dans les relations contractuelles particulièrement déséquilibrées entre les ménages et les fournisseurs. Le droit à une énergie propre et abordable est un droit fondamental – la première étape pour garantir cela à des millions d’Européens dans le besoin consiste à interdire les déconnexions.

C’est pourquoi de nombreuses organisations européennes et nationales appellent à une véritable interdiction des déconnexions en Europe.

Nous ne pouvons plus attendre – nous avons besoin d’une véritable interdiction !


Cosignataires :

  • Víctor Viñuales – Directeur Exécutif – ECODES
  • Juan Carlos Benito Sánchez – Coordinator, Social Energie Support Centre – Fédération des Services Sociaux
  • Nicolò Voïvode – Directeur régional Europe – 350.org
  • Marine Cornelis – Directeur exécutif – Next Energy Consumer
  • Silvia Pastorelli – Militant climat et énergie – Unité européenne de Greenpeace
  • Ludovic Voet – Secrétaire confédéral – CES
  • Anne Bajomi – Chargé de politique de pauvreté énergétique – FEANTSA
  • Monique Goyens – Directeur général – BEUC – Organisation européenne des consommateurs
  • Kieran Pradeep – Chargé de campagne pour la justice climatique et énergétique – Amis de la Terre Europe
  • Sheila Gois Habib – Chargé de politique et de plaidoyer – EAPN
  • Marie Toussaint – Député européen – Verts/ALE



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