PARIS — Quelques minutes avant le coup d’envoi d’un match de basket-ball masculin à 3 contre 3, un acte curieux s’est produit.
Deux hommes sont entrés sur le terrain, munis d’un grand bâton en bois. Leurs vêtements indiquaient qu’il ne s’agissait pas d’athlètes olympiques.
Puis, lentement, boum-boum-boum.
Le couple se passa le gros bâton d’avant en arrière, le prenant pour frapper le sol à chaque fois.
Les trois coups ont résonné dans le stade en plein air, faisant taire la foule en délire. À la fin, les spectateurs ont éclaté en applaudissements.
Les hommes qui ont efficacement commandé la foule avec trois coups de bâton faciles étaient Bruno Gouery et William Abadie, des acteurs français reconnaissables de la série Netflix Emily in Paris.
C’était à la fois très léger et sérieux. Il faut bien se rendre compte que cette pratique est empruntée aux arts dramatiques.
C’est ce qu’on appelle les « trois frappes au sol » — ou, les trois coups, s’il vous plait. C’est un nouveau rituel olympique, typiquement français, qui a été introduit pour la première fois cette année aux Jeux de Paris.
Cette coutume est empruntée à une pratique très ancienne que l’on retrouve sur les scènes de spectacle françaises. Aux Jeux de Paris, elle a pour but de rapprocher les spectateurs des athlètes et de célébrer l’héritage théâtral du pays hôte, expliquent les organisateurs.
Le trois coups se produit au début de chaque séance sportive sur les sites olympiques pour marquer le début du jeu.
Les honneurs ne sont pas strictement accordés à Emily à Paris membres de la distribution.
Un sportif ou une sportive « ancien ou actuel », un bénévole, une personnalité publique ou souvent une personne totalement anonyme peut commencer les trois coups, selon les organisateurs.
La grande joueuse de tennis Billie Jean King a exécuté le rituel des trois coups avant le match de double entre Rafael Nadal et Carlos Alcaraz à Roland Garros. Le médaillé d’or olympique indien Abhinav Bindra a frappé sur le bâton pour donner le coup d’envoi de l’épreuve de carabine à air comprimé à 10 mètres de Ramita Jindal.
Du théâtre français au site olympique
Cette coutume était, et est encore dans de nombreux cas, présente dans le théâtre classique français.
Mais il existe de nombreux désaccords sur les détails de ces origines, notamment sur le nombre de frappes qui devraient être déployées.
Certains érudits disent trois coups rappelle le premier théâtre professionnel français, au Moyen Âge, où l’on disait qu’il évoquait le symbolisme religieux — les trois coups représentant la Sainte Trinité.
D’autres proposent une approche profane. Paul Gousset, ancien directeur technique de l’Opéra royal de Versailles, a expliqué que l’utilisation des trois coups avant une pièce de théâtre « signalait une dernière vérification que tout était prêt pour commencer la production », selon le chercheur Marvin Carlson.
Selon Gousset, la série de coups servait à communiquer non pas au public mais à l’équipe des coulisses : « les techniciens en chef au-dessus de la scène, en dessous et du côté opposé au brigadier, donnaient chacun un seul coup pour montrer que leur zone était prête à procéder », écrit Carlson.
Le bâton utilisé pour commander la foule s’appelle un « brigadier ». On utilise généralement le terme brigadier pour décrire celui qui commande une brigade militaire, certes, mais un régisseur de scène ne dirige-t-il pas sa brigade de théâtre ?
C’est l’idée, selon les organisateurs. Ce terme était si souvent utilisé pour désigner un régisseur maniant un bâton que, par la magie de la métonymie, le bâton lui-même est désormais appelé brigadier.
Mais qu’en est-il aujourd’hui de son utilisation dans le sport ? Ce rituel est censé laisser aux fans un petit souvenir de la culture française, rapprocher le théâtre et le sport, et signifier efficacement au public : Silence, vous allez assister à un spectacle palpitant.
« Ces trois coups ont pour but de nous rappeler que chaque épreuve est une performance unique qui mérite l’attention et le respect du public », précise le site Internet des JO. « Les spectateurs sont invités à observer une minute de silence au moment des trois coups, comme au théâtre. »