Pour gagner la bataille du commerce mondial, la Chine place ses pions sur tous les continents. En 2016, Pékin rachète le port du Pirée en Grèce pour renforcer sa présence en Europe. Jeudi, le président Xi Jinping s’est rendu au Pérou pour inaugurer un mégaport – encore en construction – situé à Chancay, à 80 kilomètres au nord de la capitale Lima.
« Le port apportera d’énormes bénéfices au Pérou et créera un grand nombre d’emplois »» a argumenté le chef de l’Etat chinois depuis le palais de la présidente péruvienne Dina Boluarte.
Pour mettre en place cette nouvelle infrastructure stratégique de 141 hectares, Pékin ne lésine pas sur les moyens : 3,5 milliards d’euros au total seront investis par Cosco Shipping Ports, propriétaire à 60 % du port, et filiale du transporteur maritime chinois Cosco Shipping. Le Pérou a accordé une concession de 30 ans pour l’exploitation du port.
Signe que la Chine mise sur Chancay, un terminal en eau profonde (18 mètres) est en construction. Il pourra accueillir les plus grands porte-conteneurs du monde, capables de transporter jusqu’à 24 000 conteneurs. Au démarrage de l’exploitation de l’infrastructure, un million de conteneurs par an devraient y transiter.
« Le port de Chancay permettra à la Chine de transporter plus de marchandises à moindre coûtexplique Adriana Meyer, économiste chez Bpifrance. Le trajet entre le Pérou et la Chine sera réduit de 40 à 28 jours (chargement et déchargement plus rapides, route plus directe vers l’Asie, NDLR). » A terme, pas moins d’une quinzaine de quais devraient accueillir les navires.
Pour l’expert, la création de ce « Singapour d’Amérique latine » est tout sauf une surprise : elle s’inscrit dans le cadre du programme « Nouvelles routes de la soie » lancé par Pékin en 2013. L’objectif est simple : construire des infrastructures maritimes, routières et ferroviaires, notamment dans les pays en développement, et étendre son influence partout sur la planète.
« En Amérique du Sud, sept pays ont déjà rejoint ce programme : le Pérou, l’Argentine, le Chili, la Bolivie, l’Équateur et le Venezuela »énumère Adriana Meyer. Des pays qui espèrent des retombées économiques liées aux investissements chinois. Exemple concret : la montée en puissance de Chancay devrait relancer la construction d’une ligne de train entre le Brésil et le Pérou sur la côte Pacifique.
Une pluie de dollars
Rien qu’en 2022, les investissements directs étrangers (IDE) en provenance de Chine représentaient 12 milliards de dollars en Amérique du Sud. Et ça, sans tenir compte de ça « Pékin investit aussi sous forme de prêts, souvent opaques, auprès des gouvernements latino-américains »souligne l’économiste de Bpifrance. Entre 2005 et 2020, la puissance asiatique a accordé 137 milliards de dollars de prêts, dont une grande partie a été allouée au Venezuela (60 milliards) et au Brésil (30 milliards).
Et pour cause, le continent regorge de matières premières utiles. La Bolivie, le Chili et l’Argentine constituent par exemple le « triangle du lithium » et concentrent 56 % des réserves prouvées de la région. Un matériau utilisé, notamment, pour fabriquer les batteries des voitures électriques produites par Pékin.
Autre exemple : au Pérou, 100 % de la production de fer est réalisée par des entreprises chinoises. Un minéral qui permet de fabriquer l’acier si précieux au secteur de la construction en Chine. Insatiable, le gouvernement de Xi Jinping est aussi particulièrement friand du soja brésilien et du maïs argentin. Sans parler bien sûr du pétrole livré par le Venezuela.
Le déclin des Américains
Une montée en puissance chinoise qui s’opère sur le terrain de jeu naturel des Etats-Unis. “En réalité, l’empreinte de la Chine en Amérique du Sud s’accroît d’autant plus naturellement que les Etats-Unis, premiers investisseurs historiques dans la région, ont fait preuve d’un certain désintérêt depuis la première élection de Donald Trump”analyse Adriana Meyer.
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Ainsi, le retour du républicain à la Maison Blanche en janvier ne devrait pas faire obstacle aux Chinois en Amérique latine. Même si cela ne constitue pas forcément une bonne nouvelle pour Pékin : l’indescriptible entrepreneur ayant promis de « rétablir un certain équilibre commercial entre les Etats-Unis et la Chine ». Un bras de fer qui pourrait passer par une nouvelle hausse des droits de douane sur les produits exportés par Pékin vers les Etats-Unis.
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