Le même débat se répète depuis 2014. Dix ans après avoir lutté contre les ABCD de l’égalité, une expérience visant à lutter contre les stéréotypes et les discriminations entre filles et garçons, la droite s’attaque une nouvelle fois à l’éducation sexuelle et à l’émotivité des enfants et adolescents. Mercredi, le ministre délégué à la Réussite scolaire, Alexandre Portier, a promis au Sénat dominé par les Républicains de détricoter le programme qui doit être validé mi-décembre par le Conseil supérieur de l’Éducation, avec « la théorie du genre » et le « wokisme ». .
Des propos qui s’inscrivent dans une longue offensive réactionnaire contre l’éducation à la sexualité, à la vie affective et aux questions de genre ou de stéréotypes, sur fond de fake news. Dimanche 24 novembre, Le Journal du Dimanche titrait « Des enfants en danger ? “. Mais en dénonçant le programme voulu par Pap Ndiaye, les milieux conservateurs ne mettent-ils pas eux-mêmes les enfants en danger ?
Qu’est-ce que ce programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle ?
Depuis 2001, les écoles, collèges et lycées doivent organiser « au moins trois sessions annuelles » sur l’éducation sexuelle. Mais selon un rapport de l’Inspection générale de l’éducation de 2021, « moins de 15 % des étudiants » bénéficient effectivement de ces cours. Pour enfin faire appliquer la loi, le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye a alors lancé le projet de définir précisément le contenu du programme de ce cursus, année par année. “Ce programme était attendu et plus qu’urgent”, a déclaré à 20 Minutes Marie Frostin, formatrice en éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle.
Le Conseil supérieur du programme a donc élaboré une première version du texte, présentée en mars, puis une version plus complète, celle dénoncée par le Sénat. Ce texte est censé être validé courant décembre. Selon ce programme, les élèves sont censés s’initier à l’intimité et aux différentes structures familiales dès la maternelle, avant d’introduire les notions de consentement et de harcèlement à l’école primaire. “Un des points positifs, c’est le côté progressiste des thématiques”, souligne Amandine Berton Schmitt, directrice adjointe de la fédération nationale des CIDFF.
L’objectif est qu’un enfant de CM2 soit capable de repérer une situation de violence sexuelle afin de se protéger. « On parle de puberté et non de sexualité à l’école primaire. L’élève apprend à nommer son coude, son pied, mais aussi ses parties intimes pour comprendre ce qui est intime, savoir où les adultes ou autres n’ont pas le droit de le toucher », explique Marie Frostin. En 5e, on aborde « la détermination du sexe biologique, du genre et de l’orientation sexuelle », puis les infections sexuellement transmissibles en 4e.
Quelles rumeurs et fausses nouvelles ont circulé dans ce programme ?
Mais pour ses détracteurs, dont le ministre de la Réussite scolaire, ce programme mis en place par l’Éducation nationale est corrompu par la « théorie du genre ». Un concept brandi de longue date par l’extrême droite, pour la première fois évoqué par un ministre mercredi. Cette prétendue idéologie visant à brouiller les frontières entre les genres dans la société confond en réalité les études de genre avec les demandes des personnes trans de faire progresser leurs droits. “La théorie du genre n’existe pas, ce qui existe, ce sont les inégalités filles-garçons, les violences sexistes, les violences LGBTphobes persistantes et les études de genre qui nous donnent les outils” pour lutter contre elles, estime Amandine Berton Schmitt. Anne Genetet, la ministre de l’Éducation nationale, elle-même a recadré son ministre délégué.
Alexandre Portier s’est également engagé contre un « activisme » suspect, qui viserait à convaincre les enfants de la transition et que les sénateurs LR ont dénoncé. En fait, ce sont des enseignants formés, des infirmières scolaires et des associations agréées, comme le Planning familial, qui doivent intervenir dans les classes, et non des organisations militantes. « Nos associations sont agréées par l’État et le ministère, une démarche qui doit être renouvelée tous les cinq ans pour garantir une action cohérente avec les valeurs de l’école », précise Amandine Berton Schmitt.
La question de la transidentité n’est pas non plus abordée à l’école primaire, et « n’occupe pas une place immense » dans le programme global, constate Marie Frostin. « C’est totalement faux de parler de promotion du genre, on parle simplement de respect des différences et de lutte contre le harcèlement. » Il y a quelques mois, ces séances avaient déjà été attaquées dans certains médias, au motif qu’elles enseignaient à pratiquer des actes sexuels. Là encore, il s’agit d’une fake news que 20 Minutes avait démystifiée. Aucune mention d’un acte sexuel dans ces cours, mais « on parle du corps sexuel, des différences et de la façon dont le corps peut changer », explique Marie Frostin.
Les attaques contre le programme ne mettent-elles pas les enfants en danger ?
Ainsi, le questionnement du JDD sur les « enfants en danger » constitue « une panique morale », dénonce Amandine Berton Schmitt. “Ils ne pourront plus être dans le fantasme lorsque le programme sera publié”, dit-elle, regrettant “le discrédit jeté sur les professionnels”. Démanteler, réduire le programme et retarder sa publication ne fait que perpétuer les lacunes actuelles. Or, « toutes les trois minutes, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle » en France, rappelle Marie Frostin.
« Pour 160 000 enfants, le loup est à la maison », répond Amandine Berton Schmitt à ceux qui veulent réserver l’éducation à la vie affective et sexuelle aux parents. Au-delà de la question de l’inceste, les enfants trans se retrouvent souvent sans ressources à la maison pour répondre à leurs questions. “La question de la santé mentale des enfants trans est essentielle, il y a des drames régulièrement”, déplore Amandine Berton Schmitt.
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Elle note également « le déclin de l’information sur les IST » que peuvent combler les infirmières scolaires, mais aussi la question de l’enseignement numérique ou l’analyse de la culture du viol à travers les travaux du lycée. Marie Frostin, de son côté, met en avant « des stéréotypes et des gênes » qui peuvent réduire les discussions au sein de la famille, notamment autour de la puberté. Bref, aucun élément ne doit être négligé pour protéger les enfants et « promouvoir une société plus inclusive ».
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