Comment une communauté peut-elle faire face à une attaque qui frappe avec une telle férocité, une telle barbarie, une telle horreur brûlante qu’elle dépasse même le cadre des cauchemars ?
Dans quelle société vivons-nous lorsqu’un moment fort des vacances d’été, au beau milieu d’une journée ensoleillée au bord de la mer, se transforme en ce que les témoins ont comparé à « une scène de film d’horreur » ?
Et c’est peut-être la question la plus urgente que se posent les familles de Southport et d’ailleurs : pourquoi ?
« Toute la communauté se sent très engourdie », a déclaré une femme, dont la fille de sept ans était amie avec l’une des trois jeunes filles tuées dans un club de vacances sur le thème de Taylor Swift à Southport lundi.
« Son amie et deux autres personnes ne sont plus là », a-t-elle ajouté. « Elle a du mal à comprendre, mais elle s’est posée beaucoup de questions sur les raisons pour lesquelles quelqu’un a fait ça, sur qui l’a fait. J’espère que nous obtiendrons les réponses dont nous avons besoin pour pouvoir avancer. »
Les détectives ont tenté de répondre à cette question cruciale – pourquoi ? – en examinant les antécédents du suspect de 17 ans, né à Cardiff et dont la famille vit à 8 km de la scène du crime, dans le village de Banks.
Les trois filles qui ont péri dans l’attaque. De gauche à droite : Elsie Dot Stancombe, sept ans, Bebe King, six ans, et Alice Aguiar, neuf ans. Photographie : Police de Merseyside
Trois fillettes – Bebe King, six ans, Elsie Dot Stancombe, sept ans, et Alice Dasilva Aguiar, neuf ans – sont décédées et cinq autres enfants restent dans un état critique après l’attaque au couteau au Hart Space, un centre communautaire utilisé pour des cours de yoga et des ateliers prénatals.
« Pourquoi ? Pourquoi ? Ces parents ont besoin de cette réponse : pourquoi cela est-il arrivé ? », a déclaré Kyon Tysoe, 50 ans, retenant ses larmes après avoir laissé un ours en peluche et des fleurs au cordon de police protégeant la scène du crime.
« C’est une ville côtière. Nous sommes censés nous amuser ici. Nous ne sommes pas censés avoir des routes fermées et de nombreux meurtres. La plus grande question est de savoir pourquoi. »
Joanne Abbey, qui doit donner naissance à son premier enfant le mois prochain, a déclaré qu’elle avait participé à des cours de yoga au Hart Space pendant sa grossesse, le décrivant comme un « espace magnifique, charmant et calme ».
Après avoir déposé des fleurs sur la scène du crime, elle a déclaré : « Cela a affecté tout le monde, mais peut-être qu’en tant que future maman, cela vous touche de savoir que votre enfant est en sécurité à l’intérieur de vous et que ces enfants qui étaient là – je ne peux pas imaginer ce qu’ils ont dû traverser. »
Des enfants en âge d’école primaire – le même âge que de nombreuses victimes – figuraient parmi ceux qui déposaient des fleurs, des ours en peluche et d’autres hommages au bord de la route, souvent réconfortés par la main protectrice de leurs parents ou de leurs grands-parents.
L’un des hommages rendus par les enfants de la crèche Natterjacks. Photographie : Gary Calton/The Observer
Un message manuscrit, épinglé sur un bouquet, disait : « Pour les anges perdus. Vous ne serez jamais oubliés. Trop beaux pour ce monde. Dans les bras de notre Seigneur, vous êtes désormais en sécurité. Continuez à danser. Brille de mille feux. Nous sommes Southport, nous sommes solidaires. »
De nombreux parents à travers la Grande-Bretagne ont dû ressentir une nouvelle et contre nature sensation d’anxiété lorsqu’ils ont laissé leurs enfants dans des clubs de vacances.
Tout comme le massacre de Dunblane a conduit à un renforcement de la sécurité dans les écoles en 1996, nombreux sont ceux qui se demandent si l’attaque de Southport transformera ces sanctuaires de jeu innocent en mini-forteresses.
« C’est juste… où sont-ils en sécurité ? », a demandé un habitant en pleurs, en quittant l’église Saint-Pierre de Birkdale lundi soir. « Ils sont allés danser là où ils vivent. Où laissez-vous aller vos enfants ? »
Abi Wardell, 22 ans, déposant des fleurs sur Hart Street, a déclaré que son amie avait eu trop peur d’emmener son enfant à la crèche mardi, même si de tels incidents sont heureusement rares et que les détectives ont déclaré qu’il n’y avait pas de menace plus large pour le public.
De jeunes enfants vêtus de robes du film Disney Frozen ont été vus laissant des hommages sur les lieux.
La ministre de l’Intérieur, Yvette Cooper, et le député local Patrick Hurley ont rendu hommage à Hart Street. Photographie : Gary Calton/The Observer
La ministre de l’Intérieur, Yvette Cooper, a serré dans ses bras le député de Southport, Patrick Hurley, alors qu’ils déposaient des fleurs sur les lieux de l’atrocité.
Colin Gibson, 35 ans, a déclaré qu’il espérait que les gens se concentreraient sur les victimes de l’attaque au couteau de masse et ne partageraient pas de « spéculations » sur l’agresseur ou ses motivations.
« Personnellement, cela m’inquiète vraiment. Les gens utilisent cela pour appuyer leur propre rhétorique. J’espère juste que les gens pourront se concentrer sur les neuf jeunes filles et les deux adultes. C’est plus que triste. »
Il a ajouté : « Ce devrait être un lieu pour les familles, pour célébrer et pour être heureux. Il devrait être à l’abri des ténèbres du monde. »
Mais une apparition plus tard dans la journée de mardi du Premier ministre, Keir Starmer, a souligné l’agitation d’une communauté en quête de réponses lorsqu’il a été confronté aux huées furieuses de certains passants.
Alors que le Premier ministre déposait sa couronne et observait un moment de silence, quelqu’un a crié : « Combien de Starmers encore ? Quand allez-vous faire quelque chose ? »
Alors que sa voiture partait, un autre cria : « Combien d’enfants encore ? Nos enfants sont morts et vous partez déjà ? »
Dans toute la ville balnéaire victorienne, surnommée « Southport ensoleillé », les habitants se sont mobilisés, collectant des dizaines de milliers de livres pour les familles touchées, l’ambulance aérienne du Nord-Ouest et l’hôpital pour enfants d’Alder Hey.
Le personnel de l’hôtellerie s’est engagé à donner un mois de pourboires à des œuvres caritatives, les chauffeurs de taxi offrent aux familles un transport gratuit vers l’hôpital, des thérapeutes privés offrent des conseils gratuits aux personnes directement concernées et une société de sécurité a proposé de fournir du personnel gratuit à d’autres clubs de vacances scolaires locaux.
Les gens réagissent en rendant hommage aux enfants victimes d’une attaque au couteau. Photographie : Christopher Furlong/Getty Images
Les habitants de Southport se sont également rendus à Liverpool pour donner du sang, répondant à un appel national visant à faire face à une pénurie de stocks de sang de type O.
A Banks, l’atmosphère était quelque peu fébrile. Les habitants du village tranquille où vivait l’adolescent suspect faisaient allusion à son origine ethnique et émettaient des commentaires virulents sur l’immigration.
Certains ont dit connaître un couple d’adultes qui vivait dans la maison, mais la plupart des gens n’avaient aucun souvenir du jeune homme de 17 ans.
Une silhouette a été filmée marchant à l’extérieur d’une propriété résidentielle à Banks, vêtue d’un sweat à capuche vert et d’un masque facial de style Covid, peu de temps avant le début de l’attaque.
« Nous sommes tous vraiment choqués qu’une chose pareille puisse se produire ici », a déclaré un habitant. Un autre a demandé : « Quel est le motif, quelle est la raison ? C’est ça qui est terrible. »
