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Pressions et intimidations subies par un pilote de Ryanair : témoignage poignant

Pressions et intimidations subies par un pilote de Ryanair : témoignage poignant

“Il y a eu des négociations jusqu’en décembre avec la direction. Ryanair a payé une partie de ce que la compagnie devait, mais pas tout. Elle estime que l’indexation permet de couvrir la perte. Ce qui n’est pas vrai”, lance Didier Lebbe, permanent syndical CNE, qui accompagne le pilote que nous avons pu rencontrer mais dont nous conserverons l’anonymat.

“Ryanair se dit prêt à discuter mais uniquement si tous les délégués pilotes retirent leur plainte et signent un accord. Ce que Monsieur Bertrand” (nom d’emprunt) “a refusé. Il s’est retiré de la délégation des pilotes afin de maintenir sa plainte. Mais Ryanair met la pression sur l’ensemble de ceux-ci pour le faire bouger”, précise le syndicaliste.

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“Depuis, il y a des menaces, des intimidations, des courriers… Ryanair chicane pour me déstabiliser. Je suis pilote depuis près de vingt ans et depuis, ils m’envoient régulièrement hors base, comme à Fès au Maroc, pour m’empêcher de rentrer chez moi. Alors que j’ai signé chez Ryanair pour, justement, pouvoir rentrer chez moi tous les soirs”, nous explique ce pilote. “Les pilotes qui vont chez Ryanair y vont aussi pour ce confort”,

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“C’est une procédure mafieuse !”

“J’ai également décidé d’exercer mon droit à refuser un vol pour des raisons de sécurité. On a le droit. Mais par après, Ryanair a fait une enquête. Une enquête qui aurait pu être réglée par Teams. Mais non, ils m’ont convoqué à Dublin, au QG, pour un meeting de 10 minutes… Ils ont fait de même juste avant mon ‘simulateur’, le test que les pilotes ont tous les six mois. C’est un test de compétence sérieux, qui nécessite d’être reposé. Mais non. Ils m’ont fait me déplacer. C’est de l’intimidation. Il y a également une astreinte de 30 000 euros pour retirer ma plainte”. Un courrier des avocats de Ryanair que nous avons pu consulter fait même part d’une somme totale provisoirement évaluée à 35 000 euros.

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“C’est scandaleux. Quand il y a un procès en cours, on ne peut pas porter plainte pour qu’une plainte soit retirée. C’est une pression directe. Je n’ai jamais vu ça. C’est une procédure mafieuse !”, lâche Didier Lebbe, remonté.

“Cela représente la moitié de mon salaire annuel”

“Ils vous intimident de cette manière-là. Ça représente la moitié de mon salaire annuel. Alors qu’ils ont bafoué la loi belge pendant le Covid. Par exemple, ils devaient payer un complément au chômage économique, qui est défini par la Commission paritaire 315.02. Ryanair avait attaqué l’État belge pour ceci, et la compagnie a perdu. Ils ne voulaient pas non plus appliquer l’indexation des salaires, ce qui est pourtant inscrit dans la loi belge. Ils savent qu’ils vont perdre, c’est pour ça qu’ils mettent une pression d’enfer sur la CNE et sur moi”, renchérit le pilote, désabusé, qui veut dénoncer ces procédures. “Ils savent que ce procès pourrait donner des idées à d’autres pilotes en Europe, qui ont signé, sous la contrainte, cet accord. Si le tribunal du travail de Charleroi montre que cet accord n’est pas légal, cela pourrait faire jurisprudence”, poursuit le pilote.

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Contactée, la compagnie répond que “ces affirmations sont fausses. Ryanair s’est engagée avec ses pilotes belges et leur syndicat à convenir d’un accord à long terme jusqu’en mars 2027, qui apporte des améliorations en termes de salaires et d’avantages sociaux. Cet accord a également permis de régler plusieurs problèmes hérités du passé qui faisaient l’objet de procédures judiciaires”. La compagnie avance également que “dans le cadre de l’accord collectif, les délégués du syndicat des pilotes ont retiré leurs plaintes individuelles et le syndicat et la délégation des pilotes encouragent les autres pilotes à faire de même. La semaine dernière, le Tribunal du travail de Charleroi a donné raison à Ryanair lors de la première étape de ces affaires, en rejetant les demandes des pilotes”. Ce à quoi le juriste de la CSC en charge du dossier, Jean-Benoît Maisin, répond que le tribunal ne s’était prononcé uniquement sur une mesure et qu’il n’avait pas encore pris connaissance de l’entièreté du dossier. Affaire à suivre donc.

Par ailleurs, les avocats de la compagnie stipulaient également, dans un des courriers que nous avons pu consulter, que le pilote en question “a accepté le libellé de la clause […] et n’a jamais émis aucune contestation”, précisent-ils. “Le refus (du pilote, NdlR) d’honorer un accord qu’il a négocié […] ne peut s’expliquer que comme un acte de mauvaise foi dans le but de perturber délibérément le climat social et de nuire à la compagnie”, poursuivent-ils.

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“C’est la règle de ‘rule by fear'”

Pression sur les coûts, pression sur le personnel

Mais pour le pilote, Ryanair lui met la pression afin d’éviter de plus grandes déconvenues avec l’ensemble des pilotes du groupe en Europe. Et une perte potentielle importante, alors que la compagnie a vu ses coûts grimper ces derniers mois. “C’est très compliqué d’aller travailler dans ces conditions. Je transporte 400 personnes par jour. Il faut être concentré. Travailler dans ces conditions nuit à la vie professionnelle et personnelle. En 2023, j’ai été envoyé 14 fois hors base par Ryanair, alors que je suis censé être tous les soirs chez moi. Ça peut arriver de temps en temps, mais pas aussi régulièrement. Et parfois je suis de réserve et on m’envoie plusieurs jours à l’étranger, au dernier moment. Ils le font exprès”, ajoute le pilote. “J’ai 13 000 heures de vol. Je ne suis pas un bleu. Mais l’aviation reste basée sur de l’humain, des conditions de travail comme cela, avec un stress psychologique énorme, ce n’est pas possible. On m’attend au tournant, on veut me pousser à l’erreur, afin de pouvoir me licencier pour faute grave”, affirme-t-il. “Je suis responsable de la vie de personnes. Il faut arrêter ces pressions. Cette manière d’agir va à l’encontre de la sécurité des passagers. Croyez-moi, tous les collègues connaissent ces méthodes. C’est la règle de ‘rule by fear’. Le management par la peur”, poursuit-il.

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“C’est inadmissible et inconscient”, enchaîne Didier Lebbe. “Michael O’Leary (le CEO, NdlR) a dit en 2022 que si les syndicats n’étaient pas contents de Ryanair, qu’ils aillent au procès. Eh bien voilà, on y est”, terminent-ils d’une même voix.


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