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Prosopométamorphopsie: quand les visages deviennent des démons

Prosopométamorphopsie: quand les visages deviennent des démons

Image diffusée le 22 mars 2024 par le Dartmouth College dans le cadre d’une recherche d’Antonio Mello, montrant les déformations de vision provoquées par la prosopométamorphopsie (PMO) ( DARTMOUTH COLLEGE / ANTONIO MELLO )

Un matin de 2020, au réveil, Victor Sharrah a eu une vision choquante : son colocataire avait des oreilles pointues, des yeux gigantesques et une bouche tailladée jusqu’aux bords du visage. Une étude lève le voile sur ce trouble visuel rarissime, appelé prosopométamorphopsie (PMO).

Essayant de rester calme, cet homme de 58 ans est parti promener son chien, avant de voir des passants aux visages également distordus. “Ma première pensée a été que je m’étais réveillé dans un monde de démons”, a-t-il raconté à l’AFP par téléphone, depuis son domicile du Tennessee (États-Unis).

“J’ai commencé à paniquer” et à penser que “j’allais être interné en psychiatrie”, se souvient ce chef cuisinier.

S’il n’a pas “totalement perdu la tête”, il souffre d’un trouble visuel rarissime, appelé prosopométamorphopsie (PMO), qui déforme les visages sans empêcher leur reconnaissance.

Si Victor Sharrah voit des visages d’apparence démoniaque, d’autres perçoivent des traits d’elfe, a expliqué à l’AFP Antonio Mello, chercheur spécialiste de la PMO.

Certains voient une moitié du visage sous l’autre, d’autres voient des visages violets ou verts, ou des visages en mouvement constant.

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Parfois, la maladie se manifeste pendant quelques jours seulement. Plus de trois ans après, Victor Sharrah en souffre toujours.

Contrairement à d’autres patients, ce quinquagénaire voit toujours des visages normaux en deux dimensions, sur un écran ou sur du papier.

Cette caractéristique unique a permis à Antonio Mello et à d’autres chercheurs du Dartmouth College (États-Unis) de créer les premières images, presque aussi réalistes que des photos, représentant la perception des visages par les personnes atteintes de PMO, ont-ils expliqué dans une étude publiée vendredi dans la revue médicale The Lancet.

Pour créer ces images, les chercheurs ont demandé à Victor Sharrah de comparer les photos du visage d’Antonio Mello et d’une autre personne sur un écran d’ordinateur avec les distorsions qu’il pouvait voir sur leurs visages réels.

Une telle comparaison était auparavant difficile, car lorsque d’autres personnes atteintes du même trouble regardaient n’importe quelle image d’un visage, elles voyaient des distorsions.

Vivre avec la prosopométamorphopsie est “bien plus traumatisant que ne le traduisent ces images”, selon Victor Sharrah. “Dans la réalité, le visage bouge, parle.”

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La cause exacte du trouble reste inconnue.

-peur de paraître fou-

Jason Barton, neurologue à l’université de Colombie britannique non impliqué dans cette nouvelle étude, a déclaré à l’AFP qu’il s’agissait d'”un symptôme” avec des causes multiples.

Dans la plupart des cas étudiés par ce chercheur, “il s’est passé quelque chose dans le cerveau en corrélation avec cette expérience anormale”

Victor Sharrah a une lésion cérébrale, conséquence d’une blessure survenue lorsqu’il travaillait comme routier en 2007.

Mais elle ne serait pas liée à son trouble, selon Antonio Mello, car des images IRM ont localisé sa lésion dans l’hippocampe, une partie du cerveau “non associée au réseau de traitement des images”.

Environ soixante-quinze cas de prosopométamorphopsie ont été rapportés dans la littérature scientifique jusqu’à présent. Cependant, le laboratoire des chercheurs aurait été contacté par plus de 70 patients ces trois dernières années.

Les symptômes effrayants du trouble font qu’il est souvent diagnostiqué à tort comme de la schizophrénie ou de la psychose, selon Antonio Mello.

Victor Sharrah n’a découvert la PMO qu’après avoir partagé son expérience dans un groupe de soutien virtuel pour des personnes bipolaires. Ce fut un immense soulagement : “cela signifiait que je n’étais pas psychotique”.

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Ce quinquagénaire, avec une vue impeccable, portait parfois des verres teintés en vert pour atténuer les distorsions du visage. Il a précisé que le rouge les intensifie.

En plus de la couleur, la perception de la profondeur semble jouer un rôle.

Si Victor Sharrah ne voit pas de distorsions sur des écrans plats, elles ont commencé à apparaître lorsque les chercheurs lui ont donné un équipement de réalité virtuelle, selon Antonio Mello.

En trois ans, cet étrange monde s’est adapté à l’Américain, mais parfois, dans des endroits comme un supermarché, la foule de démons lui semble toujours “écrasante”.

Étant donné que ces patients savent que leur vision est faussée, beaucoup se demandent s’il faut révéler aux autres leurs perceptions, au risque de passer pour fous.

Antonio Mello a ainsi raconté l’histoire d’un homme qui, pendant des années, n’avait pas révélé à sa femme que son visage lui apparaissait déformé.

Victor Sharrah a choisi de partager son expérience pour aider d’autres à éviter une hospitalisation pour psychose, ainsi que le traumatisme qu’il a vécu.

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2024-03-23 02:06:43

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