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Proust ? Un interminable roman policier

Proust ?  Un interminable roman policier

2024-03-12 03:00:00

Guido Vitiello, dans « Le lecteur sur le lit » (publié chez Einaudi il y a trois ans) se déclarait un lecteur névrosé, c’est-à-dire un de ceux qui, en prêchant bien et en grattant mal, ne peuvent même pas se débarrasser d’un livre et accumulent sans cesse, jusqu’à l’étouffement.

Or, avec « Bonne lecture » (Il Saggiatore), il semble avoir trouvé, sinon le remède, du moins un thérapeute : à savoir Proust, avec qui il dialogue tout au long du livre à partir du célèbre essai que l’auteur de Recherche a justement consacré à lire, mais aussi le poursuivre dans les passages de l’immense œuvre où le Narrateur parle de son rapport aux livres : et les retranscrire dans leur intégralité, à tel point que parfois on peut même se demander qui parle à telle page – ce qui est très agréable. Il ne néglige pas non plus les fameuses pages du téléphone, juste pour donner l’exemple d’un des premiers appareils technologiques qui constituait, malgré leur charme irrésistible, un grave trouble de la lecture.

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Aujourd’hui, les téléphones portables sont plus populaires que jamais, à tel point que Vitiello avoue qu’il a peut-être eu tort de donner un smartphone à sa mère, car à partir de ce moment-là, cela l’a complètement distraite des livres. Vrai? Paradoxe? Apologiste? Ce n’est pas important.

Sa question implicite est de savoir si la lecture de Proust était vraiment une lecture heureuse, et donc un modèle ; et la réponse est moins évidente qu’il n’y paraît. Le Narrateur de la « Recherche », dans les pages consacrées à ses vacances à Combray avec sa tante Léonie, apprécie infiniment le fait que sa chambre puisse être fermée à clé, et devient ainsi un refuge pour « toutes les occupations qui invoquent une solitude inviolable : la lecture ». , rêverie, larmes et volupté.”

Mais si la liste est extrêmement intéressante, notamment dans sa comparaison (peut-être non sans ironie ?) avec le plaisir, c’est justement pourquoi la lecture semble prendre d’emblée un statut ambigu. Il s’agit donc, selon la définition de Proust dans son essai sur Ruskin consacré à ce thème, d’une « solitude peuplée », d’une conversation entre amis, fondée sur la tradition humaniste. Mais avec une complication : ces amis sont morts, ou c’est comme s’ils l’étaient : la conversation avec eux est à sens unique, le lecteur devient presque un espion, un voyeur – comme cela arrive d’ailleurs souvent dans l’intrigue du Narrateur de la Recherche lui-même.

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Mais c’est précisément dans la pièce fermée à clé que demeure la possibilité d’une « communication dans la solitude », ce qui est pour Vitiello le « miracle » de la lecture ou, selon la définition proustienne classique, le moment où le lecteur à travers le miroir du livre se lit.

C’est assez? Est-ce que cela nous suffit ? Et surtout, cette possibilité est-elle toujours là ? Dans ce livre plein de considérations très stimulantes, presque dans un jeu de cache-cache, la réponse n’arrive finalement pas, ou n’est pas aussi catégorique que peut-être, imprudemment, on le souhaiterait. La fin heureuse (celle récemment proposée par exemple dans un joli roman français de Stéphane Carlier, « Clara lit Proust » (Einaudi)) n’est pas du tout garantie ; en effet Vitiello nous surprend un peu, juste à la fin de son livre, avec une proposition interprétative qui ressemble à une plaisanterie.

La question (rhétorique) est la suivante : « Et si la Recherche n’était qu’un interminable roman policier ? Il y a des éléments en faveur de la thèse, depuis l’usage fait, par exemple, des fenêtres jusqu’aux intenses interrogations auxquelles le Narrateur soumet Albertine. Mais même le livre de Vitiello, en fin de compte, pourrait être lu comme tel : peut-être que quelqu’un ou quelque chose, s’il n’a pas encore tué, essaie de tuer la lecture (heureuse). Il est urgent de le découvrir – avec l’aide du détective Marcel.

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