2024-01-17 12:09:19
Argentine, Rwanda, Belgique et France : ce sont les pays qui accueillent les nouveaux sites de l’UNESCO. Nous leur disons en ce mois de janvier où l’on se souvient de l’Holocauste juif
“Plus jamais! Plus jamais!”. Depuis des années, les mères et grands-mères de la Place de Mai en Argentine crient ce slogan. Fini la dictature, les meurtres, la torture, la violence, les disparitions. Plus de cruauté. Et fini les silences complices. Ce cri est aujourd’hui devenu mémoire partagée et patrimoine de l’humanité, grâce à l’inscription de l’ancienne Ecole de mécanique navale (Esma) sur la liste des sites de l’UNESCO. Ce qui fut un centre de torture sous la dictature de 1976-1983 et qui avait déjà été transformé en Musée de la Mémoire en 2015 est aussi devenu le symbole universel d’un passé à connaître et à ne plus répéter depuis septembre dernier. Il n’est pas le seul. En effet, l’UNESCO a également reconnu les sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (Front occidental) à la frontière entre la France et la Belgique et quatre lieux symboliques du génocide rwandais de 1994.
« Les sites de mémoire sont des lieux où se sont produits des événements qu’une nation et sa population, ou certaines communautés, souhaitent commémorer. Ces sites – sous l’égide de l’UNESCO – deviennent des lieux de réconciliation, de contemplation et de réflexion apaisée. Leur inscription sur la Liste du patrimoine mondial les intègre à notre patrimoine mondial commun et reconnaît leur rôle dans le processus de paix.
C’est ce qui s’est passé en Argentine, où pendant des décennies les Mères et Grands-Mères de la Place de Mai ont mené des actions de lutte et de résistance non violente contre la dictature, à travers leur présence constante, chaque jeudi, depuis 1977, autour de la Pyramide de Mai, avec leurs mouchoirs blancs sur la tête et leur recherche inlassable des enfants, petits-enfants, maris et membres de leur famille disparus. «La joie des jeunes qui assistent à cette cérémonie se mêle à la tristesse des nombreux absents et dont le sort n’est même pas connu», a souligné la présidente des Grands-Mères de la Place de Mai, Estela de Carlotto, à l’occasion de la célébrations organisées à Buenos Aires pour la reconnaissance de l’UNESCO. Une reconnaissance qui – a souligné de Carlotto – va plus globalement aux “politiques des droits de l’homme et aux pactes démocratiques construits par notre peuple, au cours de ces quarante années de démocratie, la plus longue période sans oppression de notre histoire”. Mais c’est aussi un avertissement : « Nunca más ! » criée pendant tant d’années ne sera plus ignorée aujourd’hui.
Mémoire et présent, passé et futur sont également étroitement liés dans un autre événement que l’UNESCO a attiré l’attention trente ans plus tard : le génocide rwandais. Une blessure encore ouverte dans un pays qui a fait de nombreux progrès importants, mais pas nécessairement dans la refonte de cette folie organisée qui, en un peu plus de cent jours, entre avril et juillet 1994, a entraîné la mort de plus de 800 000 personnes, en grande partie fait partie du groupe ethnique tutsi.
Il existe quatre sites commémoratifs reconnus : Murambi, Gisozi, Bisesero et Nyamata. Dans cette dernière ville, à une trentaine de kilomètres au sud de Kigali, le mémorial est situé dans une ancienne église catholique où a eu lieu l’un des pires massacres : les restes d’environ 50 mille victimes y sont conservés. Le même nombre est enterré au complexe mémorial de Murambi, dans une ancienne école technique qui a été le théâtre d’un terrible massacre, tandis que 40 000 sont retrouvés dans le centre de Bisesero, où les gens ont résisté pendant deux mois avant d’être exterminés. Enfin, sur la colline de Gisozi se trouve le mémorial de la capitale Kigali, où sont enterrés les restes de plus de 250 000 personnes. «L’inscription de ces lieux sur la Liste de l’UNESCO augmente leur visibilité internationale et honore la mémoire des victimes – a déclaré le ministre Jean Damascène Bizimana, qui a souligné qu’ils représentent également les premiers sites de mémoire en Afrique -. Cette reconnaissance renforce la lutte contre le négationnisme et servira à éduquer les générations actuelles et futures. » Le Rwanda a fait un excellent travail pour conserver ces sites et rendre accessible la mémoire qu’ils préservent, mais pas autant pour promouvoir la cohésion sociale, même s’il ne manque pas d’expériences locales qui continuent de faire progresser les processus de réconciliation et de coexistence pacifique.
Après tout, c’est une « leçon » que même les peuples d’Europe n’ont pas encore apprise malgré des siècles de guerres, de massacres et de violences, qui pourtant se perpétuent encore aujourd’hui en Ukraine ou qui risquent d’exploser à nouveau au-delà de l’Adriatique dans les Balkans. Pour commémorer les énormes pertes en vies humaines au cours de la Première Guerre mondiale, une série de lieux le long du front occidental, où les forces allemandes et alliées se sont battues entre 1914 et 1918, ont également été inscrits au patrimoine de l’UNESCO. Situé entre le nord de la Belgique et l’est de la France , ils comprennent de grandes nécropoles, avec les restes de dizaines de milliers de soldats de différentes nationalités, de petits cimetières, des mémoriaux individuels, mais aussi des hôpitaux et des cimetières militaires.
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