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Quand la transition écologique se bâtit à l’échelle de la ville

Interrogés sur la biodiversité, l’eau et l’énergie, les intervenants de la conférence, organisée le 7 décembre dernier à Paris dans le Parc des Princes, avaient fort à faire pour démontrer que le bâtiment et l’artificialisation des sols ne sont pas incompatibles avec ces enjeux écologiques.

Avant même de porter ces sujets à l’échelle du quartier ou de la ville, ils doivent s’imposer à celle du bâtiment en intégrant notamment les bienfaits des végétaux, a estimé le président de l’Association française des toitures et façades végétales (Adivet), Frédéric Madre. « Les toits végétalisés permettent de réguler la température d’un bâtiment, tout en apportant de la biodiversité en ville. En les rendant également accessibles, on apporte aussi du confort de vie pour les habitants. »

Une analyse partagée par Nathalie Machon, professeure en écologie végétale, et qui en a profité pour rappeler que « les plantes refroidissent les panneaux solaires en été, ce qui les rend plus performants »

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L’eau et sa gestion était également au coeur des échanges, comme en a témoigné l’intervention du directeur général du groupe Samse, Laurent Chameroy. « Nous devons construire des bâtiment pour mieux consommer l’eau. Le végétal est un moyen pour retenir l’eau, mais nous pouvons aussi imaginer des murs d’eau, travailler sur l’enveloppe du bâtiment pour la retenir », a-t-il détaillé.

Pour imager son propos, le dirigeant s’est appuyé sur l’exemple d’un bâtiment construit sur la presqu’île de Grenoble : « Le photovoltaïque apporte l’énergie pour potabiliser l’eau de pluie récoltée, et il n’est plus question de tirer la chasse avec de l’eau potable ! Les eaux usées sont filtrées et réutilisées jusqu’à ce qu’elles soient totalement impropres. »

Si le coût de ces technologies reste élevé, ils ne doit pas constituer un obstacle indépassable, selon Nathalie Machon. « On parle du coût du bâti, mais nous n’abordons jamais le coût démesuré de la crise environnemental dans le différentiel de prix. Or la biodiversité a un rôle central dans le cycle de l’eau », a souligné celle qui officie également en qualité de spécialiste d’écologie urbaine au musée national d’histoire naturelle.

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Penser par maillons

Les solutions existent donc à l’échelle du bâtiment, mais comment les déployer à l’échelle de la ville ? Richard Loyen, délégué général Enerplan, a évoqué ce nécessaire changement de dimension en abordant le sujet de l’évolution des parkings. « Il y a une petite révolution discrète qui se passe concernant les parking. Ils seront bientôt solarisés, récupéreront l’eau de pluie et auront des sols désimperméabilisés. L’eau récoltée pourra être récupérée pour arroser les végétaux. Même chose pour les écoles : les cours vont être de plus en plus débitumés et accueillir des végétaux. Tout cela crée des maillons à l’échelle d’une ville. »

Des propos qui font échos à ceux de Nathalie Machon : « Il faut des corridors entre les espaces vert d’une ville. C’est le seul moyen de garantir une biodiversité fonctionnelle et bienfaitrice. » Et c’est avec la répétition et la diversité des espaces vert que la donne peut changer. « C’est n’est pas une toiture végétalisée qui va transformer une ville, continue la professeure, mais un ensemble de toitures, parcs, façades végétalisées, etc. »

Même son de cloche du côté de Frédéric Madre pour qui « il faut rendre la ville plus complexe, biodiverse, et que le bâtiment ne se soucie plus seulement de construire et habiter, mais d’avoir aussi une vision écosystémique. C’est inéluctable de toute manière : si nous voulons continuer de vivre en ville, il faut intégrer la biodiversité et repenser notre gestion de l’eau et de l’énergie. Sinon, nous ne survivrons pas dans ces villes conçues ils y a des siècles ».

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Le bâtiment à la base du collectif

Penser une ville complexe implique donc de créer de nouveaux liens, qui peuvent prendre pour base l’énergie, l’eau et la biodiversité. « L’autoconsommation de l’énergie des panneaux solaires au niveau d’un bâtiment est économique, mais cela reste une petite maille égoïste, explique Richard Loyen. Depuis l’assouplissement réglementaire de l’autoconsommation collective, on peut partager l’électricité, avoir des producteurs et des consommateurs qui s’échangent de l’énergie à une échelle de 10 km en zone périurbaine et 20 km en zone rurale. On est à l’aube de nouvelles relations sociales. » Et le directeur général d’Enerplan de préciser : « Il est possible d’imaginer aussi bien des modèles mercantiles que sociaux. Par exemple, en Aveyron, une poste doté de panneaux solaires distribue de l’électricité aux logements sociaux à proximité le dimanche. Elle le fait seulement au titre de sa responsabilité sociale et environnementale, et ne fait aucune recette dans l’opération. »

Cette démarche collective peut aussi se penser pour l’eau remarque Laurent Chameroy de Samse : « Il est possible de regrouper les équipements de collecte au niveau d’un quartier, permettant ainsi de mutualiser les contrats de maintenance. » Bien sûr, ce type de projet pose de nombreux obstacles : « Il est déjà complexe de pousser des projets au niveau d’une copropriété, donc au niveau d’un quartier… Je pense que les grands acteurs de l’eau ont un rôle central à jouer sur ce point. »

Pousser la vertu plus loin

Face à ces interventions, Benoît Hennaut, président du groupe Herige, a quant à lui apporté la vision d’un chef d’entreprise. Car pour changer la ville, il faudra des acteurs économiques volontaires, conscients des enjeux, et capable de continuer de produire des richesses. « Le reporting extra financier va prendre le pas sur le financier, prédit le président du groupe Herige. Les choix se font à présent selon l’impact carbone plutôt que sur le retour sur investissement, ou tout du moins ils sont mis sur le même plan. »

Et la réponse la plus concrète pour lui est « l’économie circulaire et le réemploi. Mais ce n’est pas encore économiquement viable. Sur ce point, il faut réinventer un mode plus participatif et collaboratif, que les parties prenantes au niveau local participe le temps qu’un modèle économique émerge. » Et changer de point de vue : « Il faut voir les bâtiments comme des ressources en matériaux, et l’envisage non comme un obstacle à la vie, mais comme un maillon. »

2023-12-28 11:00:00
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