Quarante-deux Ukrainiens menacés d’expulsion à Bayonne et Anglet

“On en a marre !” La colère d’une petite fille de huit ans. Cendrina, cheveux blonds et mèches roses, n’a pas la langue dans sa poche. Elle est arrivée il y a deux ans en France, après avoir fui les combats dans le centre de l’Ukraine avec sa maman, Maria. Sa ville a été bombardée. Le centre commercial à côté de son immeuble a été détruit, faisant de nombreuses victimes. On est en mars 2022. Cendrina et Maria, prennent quelques affaires et fuient la guerre. Accompagnées d’Olena, la mère de Maria, elles se réfugient en Pologne. Ce sera ensuite Marseille, Lourdes et enfin le Pays basque. D’abord Bayonne et maintenant Anglet. Depuis décembre 2023, les trois femmes ont posé leurs valises à la “Villa Rubio”, un ancien centre de vacances du ministère du Budget. Mais aujourd’hui, le ciel leur tombe de nouveau sur la tête.

La préfecture des Pyrénées-Atlantiques leur a envoyé un avis d’expulsion. Elles, ainsi que les neuf autres familles hébergées par l’Etat sur ce domaine à Anglet, doivent quitter les lieux d’ici au 30 juin prochain. Ce n’est pas vraiment une surprise pour les 24 Ukrainiens. L’échéance était fixée dés le départ “en raison du devenir du bâtiment devant être cédé pour vente”explique la préfecture. C’est l’EPFL (Etablissement Public Foncier Local) qui doit acquérir le bien pour le compte de la mairie d’Anglet. Mais la date de la transaction n’est pas précisée, ni d’ailleurs la destination future de la “Villa Rubio”.

“On accueille puis on rejette”

“Je trouve inadmissible qu’on laisse une maison qui ne sera pas occupée, qui a déjà pendant deux ans été inoccupée et qui, à partir du mois de juillet, ne sera pas plus occupée qu’il y a deux ans”s’insurge Dominique, une voisine de l’ancien centre de vacances laissé longtemps sans entretien selon ses dires. “Autant qu’ils restent” poursuit la retraitée qui n’a jamais eu aucun problème avec les Ukrainiens de la villa. “Ce qui me révolte c’est qu’on accueille et on rejette, c’est pas normal”conclut-elle.

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Aucune des dix familles, dans un territoire où le logement se fait extrêmement rare et cher, n’a en effet réussi à trouver d’appartement, comme il leur était demandé. Même Maria, qui possède désormais un CDI dans un hôtel de Bayonne, n’arrive pas à décrocher de contrat de location. Pour elle, hors de question de quitter le Pays basque, après avoir déjà changé trois fois de région. Un exode perpétuel épuisant, explique Oleksandra, membre du Collectif des Ukrainiens du Pays basque : “On change de pays, on change de langue, on change les documents, on change les gens autour de soi, on change tout. On recommence de zéro.” Un éternel retour en arrière qui “te déstabilise psychologiquement, moralement, avec tous les papiers, avec tout ce bazar de l’assurance, des banques, toutes ces questions bureaucratiques. Ça prend toutes les forces, toute la patience.”

Pas question de partir sans solution

Cendrina, malgré ses huit ans, le dit haut et fort : “On en a marre de changer à chaque fois d’école, d’appartement. On veut tout arrêter. Que l’on reste tranquilles dans un appartement.” La petite fille, scolarisée en CE2 à l’école Jules-Ferry à Anglet, a déjà déménagé neuf fois depuis son arrivée en France et changé cinq fois d’école. Avec sa maman et sa grand-mère, “elles essaient de s’intégrer au mieux ici pour travailler, pour payer les impôts”explique Sabina Diachenko, présidente du Collectif des Ukrainiens du Pays basque qui vient en aide aux familles réfugiées.

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“Recommencer tout à zéro, c’est très dur. Elles sont fatiguées. Elles se sentent comme un ballon de foot, envoyées d’un côté à l’autre.” Pour elles, il est donc hors de question de partir, d’autant que Maria a déjà eu de la chance de décrocher un CDI, les employeurs restants très frileux en raison des papiers provisoires accordés aux déplacés ukrainiens : des autorisations de séjour de six mois renouvelables. Un frein également pour trouver un logement.

Cendrina, entourée de sa maman et sa grand-mère, a tenu à montrer son appartement, l'unique pièce où elles vivent à 3 Cendrina, entourée de sa maman et sa grand-mère, a tenu à montrer son appartement, l’unique pièce où elles vivent à 3 © Radio France
Thibault Vincent

Anna aussi est fatiguée. Cette mère est arrivée à la “Villa Rubio” accompagnée de son fils Youri, 11 ans. Ils étaient d’abord hébergés dans des familles basques à Bidart. Ils ont ensuite loué un appartement à Biarritz. Mais, toutes leurs économies se sont évaporées. Anna ne peut pas travailler. On lui a diagnostiqué un cancer. Elle prend un traitement et est suivie au centre hospitalier de la côte basque à Bayonne. Pour elle aussi, il est impossible de partir vers une autre région. Les situations de ces 10 familles diffèrent, mais toutes se rejoignent sur un point : faute d’hébergement, pas question de quitter les lieux.

Le Collectif des Ukrainiens et l’association Atherbéa, qui gère la villa et suit chacune des familles dans leur insertion, ont écrit à la préfecture, en vain. Celle-ci reste inflexible pour le moment et conseille simplement à ceux qui n’auraient pas trouvé de solutions de contacter le 115, le centre d’hébergement d’urgence. Mais pour les dix familles, c’est hors de question. “Ils ne quittent pas la villa le 30 juin. Ce n’est pas la question de l’envahissement, mais c’est la question qu’ils n’ont pas d’autres solutions. C’est compliqué de rester sans toit avec les enfants, avec les personnes âgées”a justifié Sabina Diachenko.

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À Bayonne, 18 Ukrainiens bientôt à la rue

La situation semble encore plus complexe pour un autre groupe de 18 Ukrainiens. Eux sont hébergés à Bayonne, par l’Afpa (Agence de formation professionnelle pour les adultes). C’est l’organisme privé, mandaté par l’Etat pour les loger, qui leur a envoyé leur avis de congés. Là aussi l’ultimatum est fixé au 30 juin. L’Agence explique qu’elle ne recevra plus, à cette date, les financements pour les loger. “Pour l’instant, il n’y a pas de solutions”, s’inquiète Katerina qui accompagne sa cousine, Daria. Les deux jeunes femmes sont arrivées il y a deux ans. Katerina, alors mineure, a été placée dans une famille d’accueil, quand son aînée s’est retrouvée à l’Afpa.

Daria travaille. La jeune femme de 23 ans a un CDD. C’est le cas de beaucoup d’entre eux : mécanicien pour l’un, restauration, bâtiment, femmes de chambre… des postes où l’on manque de main d’œuvre notamment en saison touristique. Mais dans quelques jours, ils risquent de se retrouver à la rue. “Il faut partir le 30 juin, sauf que ça a été annoncé il y a même pas dix jours, s’indigne Katerina. En plus, maintenant, c’est la période d’été”. Une saison pendant laquelle, au Pays basque, il est impossible de trouver autre chose que des locations saisonnières. Un paradoxe cruel. “Comment on va faire pendant l’été et où on va trouver un appart, ou n’importe ? s’inquiète la jeune femme. Ils ne demandent pas de logements gratuits, ils sont prêts à payer, sauf qu’il n’y a pas de solutions.”

2024-06-13 10:00:00
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