QUI : une occasion manquée | SalutInternational

QUI : une occasion manquée |  SalutInternational

2024-06-05 02:08:30

Benedetto Saraceno

Plus de la moitié de la population mondiale – 4,5 milliards de personnes – ont d’énormes difficultés à accéder aux services de santé essentiels et 2 milliards de personnes supportent des coûts catastrophiques pour se soigner. Face à une crise sanitaire mondiale qui ne cesse de s’aggraver, l’Organisation mondiale de la santé manque de voix et de stratégie.

A l’occasion de la 77ème Assemblée mondiale de l’Organisation mondiale de la santé (27 mai – 2 juin 2024), son directeur général a prononcé, comme le veut la tradition, le discours inaugural s’adressant aux 194 ministres de la santé du monde.. Contrairement à certains de ses prédécesseurs (Gro Harlem Brundtland, norvégien et Lee Jong-wook, coréen), l’actuel directeur général Tedros Adhanom Ghebrayesus, l’éthiopien a montré une certaine faiblesse dans son discours qui n’offrait pas une vision globale et stratégique des grands thèmes de santé mondiale. Tedros s’est limité à énumérer une liste d’objectifs atteints et d’objectifs non encore atteints de manière satisfaisante, mais n’a abordé aucune question en profondeur et a fourni des données très générales et vagues.

Il a donné de bonnes nouvelles.

  • Il y a désormais dix-neuf millions de fumeurs en moins et quatre-vingt-dix pays ont augmenté les taxes sur le tabac. Mais rien n’a été dit sur la mortalité.
  • D’ici 2023, treize pays auront mis en œuvre des politiques visant à éliminer les acides gras trans des aliments. Mais nous ne savons pas quels sont ces pays.
  • Cent vingt nouveaux médicaments, vaccins et diagnostics ont été présélectionnés contre le sida, le paludisme, la tuberculose multirésistante, Ebola, la polio et le COVID-19.
  • L’initiative a commencé Le grand rattrapage visant à rétablir des programmes de vaccination efficaces dans les pays où la COVID a détourné les ressources des vaccinations de routine, comme contre la rougeole, la diphtérie, la poliomyélite et la fièvre jaune.
  • L’Azerbaïdjan, le Belize, le Cap-Vert et le Tadjikistan ont été certifiés pays exempts de paludisme.
  • Huit millions de personnes ont eu accès au diagnostic et au traitement de la tuberculose.
  • Aujourd’hui, 75 % des personnes vivant avec le SIDA reçoivent des médicaments antirétroviraux. Mais on ne sait pas si ces données se réfèrent aux actions menées par l’OMS en 2023 ou si elles représentent la somme des interventions des années précédentes.
  • Dix nouveaux pays ont élaboré des programmes d’intervention contre l’hypertension. Mais on ne sait pas de quels pays il s’agit.

Nous pourrions continuer cette longue liste de succès ou de succès partiels. De plus, alors que le directeur général énumère les succès, il mentionne, mais en passant, que la moitié de la population mondiale ne bénéficie pas des services de santé essentiels, et n’ajoute pas d’autres considérations.

En résumé, si certaines informations du discours annoncent des succès incontestables, la plupart restent cependant génériques : nous aidons les pays à construire des systèmes de santé respectueux du climat, nous avons aidé quarante-trois pays à élaborer des plans pour réduire la mortalité maternelle et infantile, nous avons aidé dix-huit pays à renforcer les soins aux personnes âgées et ainsi de suite. Cette interminable liste de courses livre des données vagues et génériques, confondant faits et désirs, mêlant les résultats de l’exercice 2023 à ceux des vingt dernières années. Enfin, toutes ces informations se retrouvent sous une forme précise, détaillée et chiffrée dans les nombreux (trop) documents (8000 nouvelles publications !!) publiés par l’OMS et mis à la disposition des délégations ministérielles de tous les pays. Ce n’est pas ce dont les pays membres et leurs représentants ont besoin lorsqu’ils siègent à l’assemblée annuelle et écoutent le plus haut leader mondial de la santé.

Au lieu de cela, ils ont besoin d’une vision stratégique et surtout de discuter et de connaître la position de l’OMS sur des questions mondiales et cruciales que le discours de Tedros ne mentionne pas : le financement de l’OMS et de la coopération technique avec les pays pauvres : qui paie, combien ils paient et quel est le poids de l’influence des donateurs privés et des fondations dites philanthropiques et quel est le poids de la contribution publique des gouvernements ; dans quelle mesure l’influence des Big Pharma pèse-t-elle sur la question des brevets sur les médicaments et les vaccins ; combien de pressions politiques des grands pays pèsent sur l’application des Règlements Sanitaires ; quelles sont (ou devraient être) les conséquences politiques de la connaissance sur l’impact des déterminants sociaux et quelles sont les actions de l’OMS pour garantir que les effets négatifs de ces déterminants sont gouvernés et réglementés ; quelles sont les influences sur les politiques de l’OMS des déterminants commerciaux et des lobbies qui en sont à l’origine ; enfin, concernant les guerres et les violations des droits et leurs conséquences évidentes sur la santé des populations, l’orientation de l’OMS ne ressort pas clairement du débat.

Un article récent du Lancet (2) sur l’accès universel et la couverture des systèmes de santé aborde la question des « quatre éléphants dans la pièce »: i) le faible engagement politique ; ii) le financement insuffisant de la couverture sanitaire universelle ; iii) la fragmentation des efforts mondiaux de santé et de l’intégration des services ; iv) la fragmentation dramatique de la communication et du plaidoyer en faveur de la couverture sanitaire universelle. Ces réflexions du journal dirigé par Richard Horton expriment une vision bien plus consciente et stratégique des grands enjeux de santé mondiale que ne le fait le directeur général de l’OMS dans son discours. Le leader mondial de la santé aurait dû parler de ces grands enjeux mais le 27 mai 2024, devant les autorités sanitaires de la planète, il a raté une occasion d’affirmer le leadership moral et technique de l’OMS.

Enfin, la contribution active de l’Italie à ce tableau décourageant n’a pas manqué. Le ministre de la Santé Schillaci s’est retiré des négociations sur le traité sur la pandémie, qui est discuté lors de cette même assemblée mondiale de l’OMS. Faisant preuve d’une profonde ignorance de la santé publique internationale, le ministre, aligné sur les positions du populiste argentin Milei, craint que l’adhésion au traité sur la pandémie ne remette la gouvernance des prochaines pandémies à l’OMS, créant ainsi une vulnérabilité pour la souveraineté italienne. qui voudrait au contraire continuer dans cette voie médiocre de la part de vous des régions qui vous êtes souvent montrées plus sensibles aux raisons de foule qu’à celles de santé publique. Schillaci s’est limité à quitter Genève sans soutenir, comme l’ont fait tous les délégués des autres pays, l’idée de poursuivre l’intense débat pour parvenir à un consensus mondial (à ce propos, voir la bellearticle de Nicoletta Dentico sur le Manifeste du 29 mai 2024).

Mais cette fois, il ne s’agissait pas de défendre les fromages italiens, comme le aiment Lollobrigida, Santanché et Salvini, mais de montrer une véritable culture mondiale de la santé, libérée des préoccupations d’identité et de souveraineté nationales. La santé n’est pas comme le gorgonzola.

Bibliographie

  1. Tedros Adhanom Ghebrayesus. Discours du Directeur général de l’OMS à la Soixante-Septième Assemblée mondiale de la Santé. https://www.who.int/director-general/speeches/detail/who-director-general-s-address-to-the-seventy-seventh-world-health-assembly—27-may-2024
  2. Bertram K, Aylward B, Bosio L, Clark H, Colombo F, Dain K et al. Faire face aux éléphants dans la salle : relancer l’élan en faveur d’une couverture sanitaire universelle. Lancet, février 2024. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(24)00365-9



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