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Référendum australien : Les conséquences de la défaite du camp du “oui” pour la reconnaissance constitutionnelle des Aborigènes

Référendum australien : Les conséquences de la défaite du camp du “oui” pour la reconnaissance constitutionnelle des Aborigènes

La situation actuelle est marquée par le silence, le deuil et la réflexion. Cette déclaration a été faite par plusieurs chefs autochtones du camp du “oui” suite à la victoire écrasante du camp du “non” lors du référendum australien du 14 octobre. Depuis samedi soir, les drapeaux autochtones sont en berne en signe de respect pendant cette semaine de silence. Il n’y a pas de manifestations dans les rues de Sydney ; l’ambiance est sobre et introspective dans le privé.

En effet, l’Australie a clairement refusé de reconnaître constitutionnellement les Aborigènes et insulaires du détroit de Torrès sous la forme d’une voix au Parlement. Cet organe consultatif, qui aurait été intégré à la Constitution, aurait permis aux premiers peuples australiens de s’exprimer sur les questions qui les concernent au Parlement. Cette réforme, jugée modeste par les partisans du “oui” et trop risquée par les partisans du “non”, n’a finalement pas obtenu la majorité requise, ni au niveau national ni au niveau des États australiens. En effet, 60,6% de la population australienne a voté “non” et seul l’État de Canberra a dépassé la barre des 50% de votes favorables.

Dans un discours prononcé après l’annonce du résultat, le Premier ministre Anthony Albanese a affirmé que cette conclusion ne signifiait pas la fin de la réconciliation. De son côté, l’activiste et professeure autochtone Marcia Langton a déclaré que la réconciliation était morte. Après avoir consacré de nombreuses années à la construction de cette voix, elle a vu ce projet sombrer devant elle avec une défaite écrasante du “oui”. Le chef de l’opposition, Peter Dutton, a quant à lui critiqué l’objectif même de ce référendum, affirmant que l’Australie n’en avait pas besoin.

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Il est donc temps de faire le bilan après ce référendum qui a semé la division et qui s’est déroulé dans un climat social tendu. La déclaration des chefs autochtones du camp du “oui” laisse présager des lendemains difficiles : “C’est d’une amère ironie que des personnes qui ne sont sur ce continent que depuis 235 ans refusent de reconnaître ceux qui vivent sur cette terre depuis au moins 60 000 ans.” La lettre mentionne également un résultat tragique, le besoin de se retirer dans le silence et rejette l’idée de réconciliation.

Quant aux conséquences de ce référendum, Mark Rose, membre de la nation Gundjitmara et vice-chancelier de l’Université Deakin, parle également de la nécessité d’une période de deuil et de guérison. Il termine cependant sur une note d’espoir : “Mais nous sommes des combattants et nous reviendrons.”

Plusieurs facteurs sont pointés du doigt pour expliquer ce résultat. Si le référendum bénéficiait initialement d’un soutien populaire, celui-ci a rapidement diminué lorsque l’opposition officielle s’est opposée à la voix. Sarah Maddison, professeure de sciences politiques à l’Université de Melbourne, souligne également le manque d’informations et la désinformation. L’un des slogans populaires du camp du “non” était : “Si vous ne savez pas, votez non”. Dominic O’Sullivan, professeur de sciences politiques à l’Université Charles Sturt, affirme que ce slogan a rendu l’ignorance socialement acceptable pour de nombreuses personnes. Cependant, étant donné que le vote est obligatoire en Australie, même les électeurs mal informés devaient se prononcer le 14 octobre.

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La professeure Maddison souligne également la vague de désinformation qui a alimenté la campagne du “non” et qui a produit de fausses idées, comme celle selon laquelle la voix permettrait aux Autochtones de voler les terres des Australiens. Le moment choisi pour soumettre ce référendum à la population a également été critiqué, alors que celle-ci est confrontée au coût de la vie.

Certains craignent que la crise du coût de la vie ne fasse rapidement passer la question des relations avec les premiers peuples australiens au second plan et que les réflexions amorcées par ce référendum soient oubliées.

En entrevue, la sénatrice indépendante Lidia Thorpe affirme que ce projet a offert une plateforme au racisme, qui s’est amplifié à l’encontre des Autochtones du pays. Elle-même a reçu des menaces de mort de la part d’un néonazi et a été victime d’attaques racistes pendant la campagne de la voix. Cette vague de racisme envers les Aborigènes et insulaires du détroit de Torrès risque de s’intensifier suite à ce résultat négatif. “Le “non” est une affirmation incroyable du pouvoir colonial”, explique le professeur O’Sullivan. Et le colonialisme n’existe que lorsque les gens acceptent une hiérarchie de valeur humaine déterminée par la race.

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Ce référendum manqué aura également un impact sur la perception de la communauté internationale envers l’Australie. Selon le professeur O’Sullivan, cela nuira à sa crédibilité en tant que défenseur des droits de la personne dans d’autres parties du monde. La professeure Maddison considère quant à elle ce résultat comme un embarras international, mais espère qu’il permettra à l’Australie de se remettre en question. Cependant, elle craint que de nombreux Australiens se désintéressent de la question et se désengagent après cette défaite.

Si certains considèrent que la vérité révélée et la signature de traités sont les solutions à adopter après l’échec de la voix, pour l’instant, la priorité est à la guérison, comme l’annonce la semaine de silence décrétée depuis samedi soir. Il est temps de panser les blessures causées par cette occasion manquée avec l’Histoire.

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