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REPORTAGE. Pour les étudiants, l’inflation à tous les étages

REPORTAGE. Pour les étudiants, l’inflation à tous les étages

Les murs viennent d’être recouverts de javel, le lit déplacé au milieu de la pièce pour nettoyer les coins les plus inaccessibles de l’appartement, le réfrigérateur, pas encore branché, a été désinfecté par Dorian et sa mère Laurence. Le jeune homme de 17 ans intègre à la rentrée l’école d’architecture de Bretagne et emménage dans une résidence Crous du quartier Villejean, à Rennes (Ile-et-Vilaine)où vivent des étudiants boursiers. De dehors, sa résidence de trois étages a une allure moderne, comme neuve, d’un gris clair homogène souligné de quelques teintes vertes. À l’intérieur, l’appartement fait 19m², le mobilier est totalement neutre.

Explosion des coûts

À quelques jours de sa première année en étude supérieure, le jeune homme confie, pour l’instant, ne pas être trop inquiet des effets de l’inflation sur son budget. Sa mère, elle, a constaté l’augmentation des prix à la pompe et au supermarché et se sent beaucoup moins tranquille. Mon fils a des aides, une bourse de 480 € car il est échelon 5 sur 7, mais est-ce que ça va être suffisant pour couvrir tous les frais ?s’interroge Laurence Clergeaud, une AESH de 50 ans, qui touche 1 000 € par mois. Il va sans doute lui falloir plus d’argent de ma part pour s’alimenter.

Dorian et sa mère Laurence, originaires du Finistère, aménagent le premier appartement du jeune garçon.? © LOrenzo Vergari Morelli, Ouest-France

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Dans un rapport publié le 15 août, la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) a constaté une explosion de 7,38 % des coûts de la rentrée 2022 pour les étudiants, par rapport à l’an passé. C’est la hausse la plus importante jamais enregistrée par la fédération depuis sa création en 2003. La situation fait dire à Steve Xhihani, étudiant de 23 ans et membre de la direction collégiale de la Fédération pirate, le syndicat majoritaire de Rennes 2, que les étudiants vont être la catégorie d’âge la plus touchée par l’inflation. On s’attend à les recevoir dès la rentrée pour les distributions gratuites de nourriture. Entre choisir de payer son loyer et de s’alimenter, certains choisissent souvent de sauter des repas.

photo selon la fage, un étudiant de 20 ans en licence à l’université devra débourser près de 2 527,00 € en moyenne.  ©  lorenzo vergari morelli, ouest-france

Selon la Fage, un étudiant de 20 ans en licence à l’université devra débourser près de 2 527,00 € en moyenne. © Lorenzo Vergari Morelli, Ouest-France

Précarité étudiante

À quelques portes de l’appartement de Dorian, Islam, 23 ans, est aussi étudiant en M1 en école d’architecture. Ce Franco-Algérien, boursier échelon 7, ressent l’augmentation des prix quand il achète ses fruits et légumes. Le jeune homme dépense les 200 € qui lui restent après le paiement du loyer pour le strict minimum : les courses et le matériel pour l’école. Selon la Fageles frais liés à l’achat de matériel ont augmenté de 15,82 % en 2021. En cette rentrée, Islam aimerait s’acheter un ordinateur, l’outil le plus nécessaire pour un architecte, mais je n’en ai pas du tout les moyens.

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À l’étage du dessus, El-Habib ouvre la porte avec un grand sourire et la referme pour parler de sa précarité étudiante. La rentrée s’annonce difficile pour cet étudiant qui prépare l’agrégation de lettres. Quand les grandes vacances arrivent, je me retrouve dans une situation où je dois utiliser mes économies parce que je n’ai pas de revenus pendant deux mois. J’ai été obligé d’aller voir l’assistante sociale qui m’a donné des bons alimentaires. De tête, ce Mahorais de 25 ans estime que, depuis qu’il est arrivé en métropole en 2019, les prix n’ont jamais été aussi hauts.

photo à cause d’une erreur administrative, islam ne touche pas la caf depuis un an.  ©  lorenzo vergari morelli, ouest-france

À cause d’une erreur administrative, Islam ne touche pas la CAF depuis un an. © Lorenzo Vergari Morelli, Ouest-France

Dépression sur dépression

El-Habib poursuit, avec sa voix douce : Je n’ai pas d’argent en cette rentrée, mon compte est actuellement dans le rouge, c’est pour ça que je cherche activement un job, pour m’acheter un ordinateur et des livres. Ça fait trois ans que j’ai les mêmes basketsdit-il, en esquissant un léger sourire. Pour ce qui est des loisirs, je ne peux jamais en faire. Parfois je vais dans les fêtes foraines et je ne fais même pas les manèges, je regarde seulement, car je ne peux pas me permettre de gaspiller. Sa copine, Djasmine, 20 ans, vient d’arrêter les études. En arrivant de Mayotte, la jeune femme de 20 ans s’est retrouvée à devoir constamment réfléchir, pendant les cours, à comment elle allait pouvoir s’acheter à manger le soir : j’ai fait dépressions sur dépressionsje prends médicaments sur médicaments.

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Pour faire face à l’augmentation du coup de la vie, Amélie (le prénom a été changé), en L3 de lettres modernes, compte sur un job en grande surface l’été et les samedis : J’aurais survécu sans le travail, mais pour vivre il vaut mieux avoir un job à côté. Un travail qui lui permet de se faire plaisir, de sortir ou de rentrer chez elle dans le Sud. » Avec les aides, il me reste une centaine d’euros pour payer la voiture et les courses. Si je n’avais pas cet emploi à côté je me limiterais pour manger, je mettrais moins d’essence dans la voiture… Ça n’aurait pas été vivable.

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