2024-05-05 22:28:49
Avec un kaléidoscope d’histoires indicibles, Roberto Saviano revient sur scène en tant qu’auteur et protagoniste de Appartenere. La vie intime du pouvoir criminelun monologue théâtral qui représente dans le Auditorium de la Conciliation de Rome. L’œuvre est un fragment provocateur tiré de son récent livre Nous sommes tous les deux ensemble, encore inédit en espagnol. Ce n’est pas la première fois que l’écrivain et journaliste se produit au théâtre. Dans le passé, il a déjà mis en scène ses livres du temps du célèbre Gomorrhe.
“Le théâtre est un lieu vivant où renaît ce que j’écris”, explique-t-il. Saviano. “Tous mes livres ont connu un déclin théâtral. Le théâtre, c’est la libération de l’écran de séparation des smartphones. Je ne parle qu’à ceux qui sont là. Ceux qui ne viennent pas ne partagent pas, ils n’écoutent pas.”
Dans Appartenir, Saviano aborde un sujet épineux : la vie amoureuse et sexuelle dans le crime organisé. L’histoire de la scène est inspirée du livre mais est différente du livre. Sur scène je suis seul, tout ce qui se passe est basé sur des mots, sur des histoires. Il s’agit du rapport qu’entretiennent les organisations criminelles avec la sexualité et l’amour. Au théâtre, j’emmène le spectateur là où les blessures se guérissent et là où les gens récupèrent leurs biens. Je termine la pièce avec un texte de [el filsofo francs] André Gorz, la plus belle lettre d’amour jamais écrite. Avant, nous rencontrons Paride, Ménélas…”.
- Le thème central est-il dans la recherche de la liberté par l’amour ?
- Absolument, oui : il y a une forme de rébellion à travers la réappropriation des corps, car le contrôle qu’exercent les organisations criminelles est total, il englobe le corps et les sentiments. Le livre et l’ouvrage affirment précisément ceci : dans certains contextes, aimer qui on veut et comme on veut est un acte de rébellion.
- Quelle est votre relation, en tant que spectateur, avec le théâtre ?
- J’adore le théâtre mais je vis sous surveillance depuis 18 ans ; C’était très difficile d’y aller. J’ai toujours apprécié le théâtre civil, celui qui fonctionne en banlieue et qui donne de l’espoir. Enfant, ils m’emmenaient voir les spectacles de Dario Fo, qui étaient fondamentaux pour mon éducation. Peu avant la publication Gomorrhe J’ai beaucoup apprécié le projet de théâtre Arrivé vide par Martinelli et Braucci, un forum de liberté. J’étais très proche du Nuovo Teatro Sanit et du grand travail de Mario Gelardi avec sa compagnie. Je ressens un lien émotionnel avec le théâtre napolitain.
- En tant qu’auteur et seul acteur sur scène, quel est votre rapport au public ?
- La scène est un lieu unique : on ressent le public et on comprend si ce que l’on dit génère des émotions. J’ai eu le privilège de me produire pendant près de trois semaines au Bellini de Naples. A chaque représentation, la salle était remplie jusqu’à la dernière rangée de loges. Quand j’étais à l’université, nous l’appelions le paloméro, ça coûtait moins cher, c’était le seul billet que nous pouvions nous permettre. Je me souviens avec émotion des déjeuners qu’Anna, la couturière Bellini, préparait pour nous, les enfants, pendant les répétitions.
- Le théâtre est-il plus vivant que le cinéma ?
- Clair. C’est la proximité, la respiration entre spectateur et spectateur.
- Il s’est plaint du fait que lors de ses présentations précédentes, il n’avait pas reçu l’attention qu’il méritait de la part de la presse.
- Lorsque le gouvernement vous cible, il est difficile pour quiconque de vous soutenir publiquement, car tout le monde a peur de tomber en disgrâce. Seuls les échecs sont une nouveauté, jamais les succès, surtout quand il s’agit de moi.
- Le détestent-ils pour des raisons politiques ?
- J’ai perturbé le récit qu’un certain homme politique veut faire du pays et de son travail. La moitié du gouvernement m’a traduit en justice, ils m’ont convoqué violemment à des rassemblements, ils ont fait campagne dans mon dos, m’accusant d’avoir gagné de l’argent en écrivant sur des crimes. Je n’ai jamais sympathisé avec aucun parti politique parce que je refuse d’être un intellectuel aligné.
- Votre vie est encore compliquée ?
- C’est une bataille que j’ai menée et perdue. Ils m’ont condamné à une vie d’enfer. J’ai aussi perdu la bataille des prisons qui débordent, les détenus sont dans des conditions très difficiles. Les prisons sont au cœur du travail des organisations criminelles. Si je revenais, je le ferais avec plus de précautions.
- On dit qu’il a réussi à diffamer sa ville, Naples.
- Des membres de la Camorra et des hommes politiques de haut niveau l’ont dit. Giorgia Meloni l’a dit. Je vis sous surveillance. De quel succès parle-t-on ? Si parler d’organisations criminelles signifie s’attirer des ennuis, c’est parce que ceux qui devraient lutter contre elles sont entre leurs mains. Je ne parle pas du pouvoir judiciaire et de la police, mais de l’élite politique en général. Si un écrivain devient la cible d’attaques, c’est parce que la politique a échoué. Quand on est jeune, on pense qu’on reviendra vivant de la guerre. Je suis vivant mais je suis revenu avec des mutilations qui me rendent la vie impossible.
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