2024-05-19 14:19:41
Une banque, c’est un ensemble de chiffres et une vocation professionnelle. Mais tout autant ou plus, elle est son destinataire, la clientèle : l’environnement qu’elle dessert, un conseil socio-économique, son tissu territorial. Celui de Sabadell est, en plus de ses liens valenciens les plus récents, un lien avec la Catalogne, son monde des affaires : ses PME ! C’est aussi une intrigue historique de complicités puisqu’elle est née en 1881.
Au début de ce siècle, les Catalans semblaient avoir résolu leur histoire financière troublée. Avec deux leviers. L’une, la douzaine de caisses d’épargne spécialisées dans la famille, l’habitat, la consommation. Encore deux entités fortes : la plus grande de ces caisses d’épargne, transformée en banque (Caixabank, en 2011) ainsi qu’une banque d’origine locale et textile-laine, Sabadell, catapultée fulgurante, à travers 14 absorptions en quelques années, à le quatrième groupe bancaire espagnol.
Avant cela, il y avait des regrets dans les deux sous-secteurs, les banques et les caisses d’épargne. La Catalogne, qui « a commencé par construire ses instruments financiers de manière très adéquate jusqu’au début » du XXe siècle, « a ensuite connu des faillites très célèbres » – la pire, l’effondrement de la géante Banque de Barcelone en 1920 – « comment les instruments financiers d’accumulation et la direction lui échappaient entre les doigts », écrivait Joan Sardà en 1967 lorsqu’il préfaçait «La santé financière de la Catalogne», de Jacint Ros et Antoni Montserrat. L’entreprise privée était à court de prêts : « Notre industrie est dans un cercle vicieux ; Elle ne s’agrandit pas parce qu’elle n’a pas de crédit ; Elle ne l’a pas parce qu’elle est trop petite pour le mériter », déplorait Romà Perpinyà i Grau quarante ans auparavant. Et cela est resté vrai pendant de longues décennies.
Cette mémoire historique continue d’opérer dans l’inconscient collectif. Comme la crédibilité de Caixa depuis la guerre civile, lorsqu’elle opérait dans les deux zones et qu’à la fin de celle-ci, elle honorait tous ses engagements, y compris les dépôts en pesetas républicaines. Seulement les chiffres? Oui, bien sûr, mais organisé dans un but précis et pour une utilité.
Les entités d’épargne ont dû concurrencer les banques soumises à des contraintes juridiques plus strictes. Surtout jusqu’en 1978. Malgré cela, ils se sont développés en Catalogne – et au-delà – au niveau allemand. Ils dominent de plus en plus sur le marché financier commun : ils dépassent les deux tiers, alors qu’ils ne représentent que la moitié environ sur le marché mondial espagnol. En 2003, sa part de bureaux était de 68,23% (contre 52,97% en Espagne). En 2002, sa part des dépôts s’élevait à 70 195 (51,25%) ; et en crédits, 53,61% (contre 45,56%), selon Joan Cals (Le succès des caisses d’épargne, Ariel, 2005). Cette hégémonie monétaire est la clé de ses racines territoriales et sociales, basée sur « la facilitation de l’accès aux services financiers pour les groupes défavorisés, le soutien au développement économique de la zone d’opération et le retour d’une partie des bénéfices obtenus à la société locale ».
L’intention de BBVA d’acquérir Sabadell suscite aujourd’hui une méfiance supplémentaire chez les Catalans – Bilbao et Biscaye suscitent l’admiration – et pas seulement par crainte de perdre « leur » banque spécialisée dans les PME. Ou parce que la concentration étoufferait la concurrence encore plus que dans l’ensemble : il y a déjà 46 % des communes catalanes sans guichet automatique, selon le rapport 2022 de l’Autorité catalane de la concurrence. Aussi parce que l’entité d’origine basque lointaine a déjà intégré dans son périmètre six des neuf caisses d’épargne de la Principauté. Pourquoi cela érode-t-il leur perception sociale ?
L’aspiration de la majorité des 45 caisses d’épargne espagnoles de 2008 par leurs rivales bancaires après leur effondrement suite à la Grande Récession de 2008 (surexposition à l’immobilier, limitations légales, gouvernance désordonnée) s’est faite sans véritable débat ni digestion. Cette sortie de secours laissait une douleur cachée, désormais rouverte. Plus aggravé dans le tableau socio-économique catalan. Eh bien, la quatrième banque espagnole s’était imposée comme le deuxième grand levier – avec Caixabank – pour résoudre le carrefour des déceptions historiques… au moins avec un match nul. Jusqu’à maintenant.
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