Santé et roman : LA LICORNE QUI N’A JAMAIS EXISTÉ

Santé et roman : LA LICORNE QUI N’A JAMAIS EXISTÉ

Que l’homme hésite à changer et se laisse influencer par les premières informations qu’il reçoit, qu’il commette constamment des erreurs sans s’en apercevoir à peine, est une vérité malheureuse mais indiscutable.

Combien de fois, pour donner un exemple, nous a-t-on dit quelque chose de malveillant sur quelqu’un et, par crédulité facile, avons-nous pris cette première version pour bonne et immuable, prenant racine et favorisant les préjugés ?

Et pas seulement ça. Si après cela quelqu’un essaie de fournir une version contraire ou alternative, elle est farouchement rejetée car percevoir la vérité nous fait prendre conscience de notre idiotie, ce que notre ego ne veut pas permettre.

Cette réflexion est née à la suite d’une étude intéressante qui est tombée par hasard entre nos mains : “Unicornium-Monoceros- Rhinoceros-Cerue-Orix : le flou d’un historien de l’art idiot devant l’image romane (1) Imprécisions que son auteur, le professeur Moráis Morán, a un impact direct sur la sculpture d’un chapiteau roman situé dans le Panthéon des Rois de la Collégiale de San Isidoro de León

Photo illustrant l’étude mentionnée

Le professeur, selon les mots de Fernando Campón (2) -qui interroge notre “devenir idiot” en voulant comprendre des oeuvres d’art qui transgressent la raison-, il met en lumière, en faisant preuve d’un humour subtil, que devenir idiot du chercheur contemporain face à l’apparente irrationalité dudit capital .

Georges Gaillard, spécialiste de la sculpture et de l’architecture romane, est celui qui, en 1938, nota pour la première fois la lecture descriptive de ladite sculpture : “une scène complexe qui devient étrange, un personnage chevauchant une licorne avec un dauphin sortant de sa gorge, sa tête étant tenue et examinée par un deuxième personnage, face à l’autre”

Des décennies plus tard, en 1990, Marcel Durliat, professeur à l’université de Toulouse et auteur de plusieurs ouvrages sur l’art roman, a réitéré une description similaire : “formant une scène étrange, et jusque-là inexplicable, on peut voir un personnage chevauchant une licorne qui engloutit un poisson dont la tête est tenue et examinée par un autre personnage”

Ensuite, une longue liste de professeurs et d’études spéculatives sur le sens de ladite scène sont mentionnés dans l’ouvrage, où le point commun est l’incompréhension dudit mot et où les circonlocutions tournent autour de la licorne, ce qu’elle vomit ou sort par sa bouche , s’il s’agit de poisson, de phoque ou de dauphin et le manque de cohérence de l’interaction avec les autres personnages sculptés.

Après cela, la plupart des professeurs de cette étude soulignent que, à la lumière du Physiologus, cette licorne manque de nombreux attributs propres, même si, curieusement, ils ne semblent pas avoir de doutes quant à son identification : “Pratiquement tous les chercheurs qui ont fait allusion à cette iconographie ont identifié le quadrupède comme une licorne, sur la base de la présence de la corne proéminente et unique qui découle de son front.”

On perçoit aussi que le flou de cette étude, qu’il s’agisse d’éventuels personnages bibliques reportés sur les figures du chapiteau, de la recherche de légendes locales sur le pouvoir purificateur de cet être fabuleux, ou de l’analyse comparée d’animaux à une ou deux cornes entre les sculptures d’autres temples qu’ils ont, leur point de fuite, en acceptant cet animal comme une “licorne”.

L’idée est tellement acceptée que même dans la copie du chapiteau réalisée en 1961 actuellement située dans le cloître, le sculpteur a voulu rectifier et adapter l’aspect conventionnel de la licorne dans son œuvre, en centrant et en réduisant considérablement son énorme corne, en changeant la pointe incisives typiques des carnivores pour celles lisses et uniformes de l’équidé herbivore et perdant, sans s’en rendre compte, le sens de l’image.


Ainsi, la première identification qui a été faite de cette figure a été incontestablement considérée comme valide, influençant toutes les études ultérieures et provoquant, face à son interprétation, celle de devenir un idiot avec lequel le professeur ironise, englobant non seulement les chercheurs en art mais aussi à les réinterprétations artistiques du sculpteur copiste.

Cependant, nous pensons que l’herméneutique de cette image pourrait être explorée davantage en variant, comme s’il s’agissait d’un mot polysémique, la manière de lire son trait.

Parce que si, comme discuté dans l’étude, le même San Martino de León, chanoine du monastère et pratiquement contemporain de la capitale de la licorne est également devenu un idiot en lisant les textes bibliques, ce n’est qu’après avoir reçu ces mêmes textes mais dans un autre immatériel soutien lorsqu’il est soudainement éclairé : “Le miracle s’est produit de donner à San Isidoro un livre à manger dans ses rêves, de sorte que de l’idiot qu’il était avant, il a ensuite été laissé avec une grande science infuse.”

On dit que dès lors San Martino comprit le sens profond de ces contenus et devint un grand théologien. Ce qui indique bien qu’il a réussi à apprendre une manière de lire à laquelle la raison ne participe pas.

*Licorne? …et une corne !

Ainsi, en mettant la raison de côté et en profitant simplement de la contemplation de l’image, une appréciation cohérente nous sera révélée :

Derrière la corne apparente et prononcée se cache en réalité le prolongement de la trompe d’un serpent que l’on attrape avec les dents par un quadrupède de chasse.

La composition dans cette perspective plate très caractéristique du roman ainsi que l’absence de chromatisme différenciateur, peuvent être interprétées par certains observateurs comme une étrange incongruité, mais si nous lisons attentivement nous comprenons qu’il s’agit de deux corps distincts.

Il ne fait aucun doute que le travail artistique que je mène depuis deux décennies et dans lequel j’ai recréé des centaines d’images romanes est un bon entraînement pour discerner la trace romane qui se cache sous certaines apparences.

Que ce soit comme le chien fidèle dressé pour ce type de chasse ou le lion féroce représenté dans le zodiaque de la même Collégiale qui, curieusement, mord aussi un serpent, discernant si celui qui capture avec ses dents est un loup, un ours ou lion sera, une fois la conception licorne sortie, une autre étude stimulante à débattre.


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