2024-02-27 10:11:44
Entre mysticisme et érotomanie
Entre mysticisme et érotomanie, contresens scripturaires (le verset d’Isaïe selon lequel le rédempteur devait être « pécheur et mortel ») et infractions méthodiques à la Torah, disputes doctrinales et aventures en tout genre, Frank est un sujet glissant et insaisissable, le Étranger par excellence, lui-même symbole d’une conception de la littérature comme « perfection des formes imprécises ».
La double vue
Dans la solitude individuelle, on arrive à expérimenter la vie, à « l’approbation de la vie même dans la mort », comme le prétendait Bataille et comme le représente Fosse dans le monologue intérieur de l’humble pêcheur norvégien Johannes, dans Matin et soir. Et cela signifie autant remettre en question ses propres modèles que pouvoir renoncer enfin à la sécurité de ses propres limites. C’est aussi la volonté de Roberto Pazzine La double vue (La Nef de Thésée, pages 208, 19,00 €), son dernier roman publié à titre posthume. Après le prologue dans lequel l’écrivain conçoit le désir indicible des anges d’aspirer à l’immortalité de la chair, envieux des êtres humains auxquels le Seigneur consacrerait une attention excessive, le livre est divisé en trois parties, trois moments d’une même vérité. . Quand La frivolité des mourants, le premier, le protagoniste aux cheveux blancs perd ses repères et ne se souvient même plus de son nom, les créatures de papier, les personnages de ses romans, lui viennent en aide. Dès le début, Pazzi s’appuie sur la page blanche pour stigmatiser, et peu à peu exorciser, sa plus grande peur : perdre l’identité fondée sur la mémoire une fois tombée la nuit perpétuelle. Il se transforme alors en Père éternel, saisi par le désir de s’humaniser, pour se retrouver dans le rôle de Louis de Bavière, patron de Wagner, arrêté pour démence et incarcéré au château de Berg. Dans une sorte de descente dantesque sans fioriture, le narrateur prend l’apparence de Lucifer, qui se transforme à son tour en une succession de visages du mal, de figures tyranniques qui ont marqué l’histoire : les pharaons, Néron, Attila, Hitler et Staline. Et avec l’intermédiaire de Bernardo, timonier du navire qui le mènera à Damiette du sultan, il tente alors d’acquérir la sainte folie de François d’Assise, en route pour construire la paix avec les musulmans. Affligé par une situation actuelle pleine d’inconnues et de douleur, dans laquelle l’équilibre du pouvoir occidental est fragilisé, ce qui permet, selon les Saintes Écritures, d’approcher ce qu’on appelle « l’abomination de la désolation », l’écrivain n’a plus que la prière. , celle-là même que Dostoïevski définissait comme « une ascension de l’intellect ».
L’art du roman, réédité par Adelphi, trans. par Ena Marchi, pages. 168, 12,00 €
Livres de Jakub, trans. par Ludmila Ryba et Barbara Delfino, Bompiani, pages. 1120, 29,00 €
La double vue, Le vaisseau de Thésée, pages. 208, 19,00 €
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