Simple comme Sylvainde Monia Chokri, a causé la surprise en remportant le prix du meilleur film étranger à la soirée des Césars, qui récompense l’excellence en cinéma français.
En allant cueillir son trophée sur scène lors de la 49e cérémonie des Césars vendredi, Monia Chokri a lancé un « Je suis vraiment désolé Monsieur Nolan » à l’endroit du réalisateur d’Oppenheimerdont le film était en lice dans la même catégorie.
« Merci à l’Académie, merci aux membres d’avoir voté pour ce petit film québécois fait avec tant d’amour. Merci au public français qui est allé voir le film, c’est pour vous qu’on fait les films. Merci au Festival de Cannes d’avoir mis en lumière le film », a déclaré la cinéaste québécoise, dont le long métrage avait été présenté en première mondiale au prestigieux festival cannois en mai dernier dans la section Un certain regard.
Remerciant aussi ses producteurs québécois, ses acteurs – Magalie Lépine-Blondeau et Pierre-Yves Cardinal, aussi dans l’assistance pour la cérémonie – elle a affirmé : « Je peux dire aujourd’hui que la vie que j’ai, elle est plus grande que celle que j’ai rêvée. »
Outre Oppenheimerle film québécois se mesurait dans cette catégorie à L’enlèvement de l’Italien Marco Bellocchio, Les feuilles mortes du Finlandais Aki Kaurismäki et à Des jours parfaits de l’Allemand Wim Wenders.
Une histoire d’amour
Avec Simple comme Sylvain, Monia Chokri présentait une histoire d’amour visant à faire réfléchir aux différences entre les classes sociales.
Le film suit Sophia (Magalie Lépine-Blondeau), mariée à Xavier (Francis-William Rhéaume), qui vit dans le même monde d’intellectuels aisés qu’elle. La femme rencontre finalement Sylvain (Pierre-Yves Cardinal), un travailleur de la construction engagé pour rénover le chalet nouvellement acquis et avec qui elle n’a presque rien en commun. Leur attirance est intense et ne peut être contenue.
« En réfléchissant au couple, au désir, à la compatibilité ou à l’incompatibilité, je me suis dit qu’il serait intéressant d’ajouter cette couche de classes sociales. Parce que le couple, c’est un système politique, un système économique, un système social », confiait la réalisatrice de Babysitter et de La femme de mon frère, peu avant la sortie de son dernier opus, en septembre dernier.
Moins de deux mois après sa sortie en salle, Simple comme Sylvain avait franchi le cap du million de recettes, signe que l’intérêt du public était au rendez-vous.
Des réactions
« Quelle belle surprise ! [Devant] tous ces grands réalisateurs, je trouve ça vraiment merveilleux », s’est réjoui le président d’Immina Films, le distributeur de Simple comme SylvainPatrick Roy, lorsque joint en fin de soirée. « Monia est aimée, respectée profondément en France, et c’est beau ce qu’elle a devant elle », a-t-il ajouté, rappelant que le film gagnant n’était que le troisième long métrage de la réalisatrice.
« Ce qui est heureux, c’est que ce n’est peut-être pas le film le plus populaire [qui l’a emporté]mais celui qui a touché le cœur de ceux qui votaient, la preuve qu’on peut encore célébrer des œuvres qui apportent des points de vue différents qui traversent nos frontières », a souligné pour sa part Jean-Christophe J. Lamontagne, fondateur et président du distributeur h264.
« Bravo à Monia Chokri et toute l’équipe qui a remporté le César du meilleur film étranger pour Simple comme Sylvain ! Le Québec et tout le Canada est fier de vous », a écrit, sur X, la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge.
« Wow ! C’est tellement mérité. C’est un film qui m’a ému, qui m’a fait rire et aussi réfléchir, comme des milliers de cinéphiles partout dans le monde. Notre cinéma a vraiment le vent dans les voiles ! Un immense bravo ! Nous sommes très fiers de vous ! », a réagi pour sa part le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe.
Une place aux victimes
Le 49e cérémonie des Césars a accordé une place inédite aux victimes de violences sexuelles, l’actrice Judith Godrèche rêvant d’une « révolution » en pleine vague de libération de la parole dans le cinéma français.
Autre symbole, les Césars ont décerné pour la deuxième fois de leur histoire le trophée de la meilleure réalisation à une cinéaste, Justine Triet, pour Anatomie d’une chute. Le long métrage domine la soirée avec six trophées, dont le meilleur film, et prend un nouvel élan avant les Oscars (le 10 mars à Los Angeles), pour lesquels il a cinq nominations.
« Je voudrais dédier ce César à toutes les femmes […] à celles qui réussissent et celles qui ratent, celles qu’on a blessées et qui se libèrent en parlant, et celles qui n’y arrivent pas », a déclaré la réalisatrice de 45 ans, la troisième cinéaste de l’histoire à remporter la Palme d’or en mai.
Mais le palmarès et les hommages ont été éclipsés par le discours de Judith Godrèche, devenue figure de proue du mouvement #metoo français après avoir récemment porté plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour des violences sexuelles et physiques pendant son adolescence et que ces derniers nient.
C’est ovationnée debout par les représentants d’un 7e art accusé d’avoir pendant des années couvert les violences que l’actrice a fait son entrée sur la scène de l’Olympia, à Paris, pour dénoncer le « niveau d’impunité, de déni et de privilège » du milieu.
Avec Vincent Larin, La Presse, et l’Agence France-Presse