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Soupçons de fraudes à Pôle emploi : la défense réplique

Soupçons de fraudes à Pôle emploi : la défense réplique

Réfutant les accusations, les avocats des principaux prévenus, un ancien cadre supérieur de Pôle Emploi et le gérant d’une société de formation, ont plaidé la relaxe ou une juste application de la loi. Le tribunal correctionnel de Bastia a mis son jugement en délibéré au 13 avril.

Troisième et dernier jour d’audience mercredi 8 février, avec la fin des plaidoiries de la défense, du procès devant le tribunal correctionnel de Bastia de malversations présumées commises principalement entre 2011 et 2014 au préjudice de Pôle emploi en Corse-du-Sud, un dossier au cœur duquel se trouve, selon l’accusation, Frédéric Ferrandini, ancien directeur de l’agence d’Ajaccio de l’établissement public dont il a été licencié pour faute grave.

Après Me Christel Mathieu qui défendait une ancienne employée de la société CGC Vecteur Sud, “une exécutante” pour laquelle elle a demandé la relaxe, Me André-Hubert Bezzina a pris la parole pour le gérant de cette entreprise de Côte d’Azur, Christophe Gamon, accusé d’avoir obtenu une rémunération pour des formations qui étaient en fait fictives.

Me Bezzina observe que Frédéric Ferrandini “est un bon directeur qui connaît tous les rouages, il a dit avoir perdu pied et avoir dérapé. M. Gamon ne peut pas s’en rendre compte. Les actions de formation ont bien eu lieu et quand on lui dit qu’il sera payé par une autre enveloppe budgétaire, il ne se méfie pas.”

C’est pourquoi, estime-t-il, son client “n’a pas compris pourquoi Pôle emploi lui demandait de rembourser 84 000 euros” et que c’est “parce qu’il n’a pas payé, que cette procédure pénale a été ouverte.” L’avocat niçois en profite au passage pour contester le montant du préjudice évalué par l’établissement public : “Les sommes annoncées aujourd’hui sont ahurissantes. On est passé de 84 000 à 174 000 euros ! Mais on n’est pas à la Foire du Trône, ici !”

Me Bezzina a brossé le portrait de son client, “un homme qui travaille depuis quarante ans”, a créé une entreprise d’équipement hôtelier qui s’est ensuite diversifiée dans la formation. “Il n’a pas vu venir le problème. Il reconnaît quelques attestations qui n’étaient pas exactes mais il voulait être payé pour les prestations qui ont été fournies. Cet argent a été gagné normalement.”

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Il juge les réquisitions “très lourdes” (3 ans d’emprisonnement dont la moitié aménageable par le biais de la pose d’un bracelet électronique et l’autre moitié sous la forme d’un sursis probatoire pendant 3 ans avec pour obligation d’indemniser Pôle emploi, plus une amende de 50 000 euros) pour “une participation qui est fantasmée. Cette affaire, c’est un coup de couteau dans une vie sans tache” (comme tous les autres prévenus, son client a un casier judiciaire vierge).

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“À 60 ans, M. Gamon doit continuer à travailler. La pose d’un bracelet va compliquer son activité car il effectue beaucoup de déplacements professionnels. Il faut juger juste car il n’a jamais eu l’intention de commettre une infraction.” L’avocat sollicite la relaxe et si cela n’est pas le cas, il demande “une juste application de la loi car il n’a volé personne”.

“Un dossier coloré”

Me Stéphane Nesa défend Frédéric Ferrandini, qui est “le personnage central” de ce dossier selon le procureur (ce dernier a requis 4 ans de prison dont 2 avec un sursis probatoire pendant une durée de 3 ans avec l’obligation d’indemniser Pôle emploi, et 2 par le biais d’un placement sous surveillance électronique, ainsi qu’une amende de 75 000 euros).

Le bâtonnier Nesa a insisté sur “la coloration de ce dossier”.

Il a rappelé que son client, en 2016, a “été interpellé alors qu’il se trouvait en poste à la mairie d’Ajaccio” où, après Pôle emploi, il a occupé les fonctions de directeur de cabinet adjoint puis de DRH (il est aujourd’hui salarié d’une entreprise de BTP). C’est “un jet de boule puante” affirme le pénaliste ajaccien en faisant également référence au contexte de l’époque : le contentieux électoral devant le tribunal administratif après la victoire de Laurent Marcangeli aux municipales de 2014. “On a parlé d’un volet ‘Mairie d’Ajaccio’ mais au final, il n’existe pas. Il est évident que l’on ne juge pas un dossier sur une ambiance, or c’est ce que vous demande de faire le procureur, déplore Me Distance. Ce qui différencie ce qui se passe ici et dehors, c’est ce livre rouge”, dit-il en montrant le Code pénal.

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Il a fustigé les réquisitions du ministère public qu’il a comparées, en pâtisserie, à “l’œuf à la neige. On essaie, grâce à la magie d’un coup de fouet, de transformer très peu de matière originelle, qui plus est transparente, en une masse plus importante qui est en fait un nuage.”

Selon l’accusation, l’ancien cadre de Pôle emploi s’est rendu coupable de deux détournements de fonds publics, de deux faits de corruption passive, de prise illégale d’intérêts, de concussion (le parquet n’a pas retenu finalement la subornation de témoin). Celui-ci reconnaît sa responsabilité dans de fausses formations et avoir perçu de manière injustifiée 19 000 euros de l’établissement public mais nie les autres faits incriminés.

Concernant la prise illégale d’intérêts, Me Nesa note que le procureur reproche à son client d’avoir confié des missions de formation à la SARL CGC de Christophe Gamon, son ami, mais “ce n’est pas lui qui a ordonné le paiement. Il a transmis les informations à la plateforme de paiement de Pôle emploi qui a effectué le règlement”.

“Des réquisitions excessives”

La corruption ensuite. Il est reproché à Frédéric Ferrandini d’avoir touché de CGC, 660 euros par mois. L’ancien bâtonnier d’Ajaccio fait remarquer que son client était autoentrepreneur : “Lorsqu’il a été licencié, Pôle emploi ne lui a pas reproché cette activité. C’est un banal contrat d’apporteur d’affaires. Christophe Gamon a pu, grâce à lui, pénétrer le marché hôtelier de Corse-du-Sud.”

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Au sujet des 8 000 euros que lui aurait versés un couple d’amis en échange d’un emploi à la mairie d’Ajaccio, la défense réfute en bloc : “Il a un salaire de cadre supérieur et ne va pas gratter 8 000 euros pour des emplois qu’il n’est pas en capacité de donner. L’octroi de ces postes à ces deux travailleurs handicapés a été décidé par une délibération du conseil municipal.”

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L’avocat a également rejeté les accusations de détournements de fonds publics via l’octroi d’aides indues : “Il ne paye rien, il n’est pas ordonnateur, il ne fait que remplir des dossiers.”

Concernant les 38 contrats aidés accordés à l’association HD 2A (Handicap dépendance Corse-du-Sud), qui sont, selon l’accusation, inéligibles à ce dispositif, Stéphane Nesa précise que Frédéric Ferrandini “était alors en poste à la mairie d’Ajaccio”, que ces contrats “sont réguliers” car ils répondent à des critères fixés par une directive nationale et que “c’est une commission tripartie qui s’est prononcée sur leur éligibilité.” Il fait aussi remarquer que l’Agence des services et de paiement, qui a versé les aides, ne s’est pas constituée partie civile.

“Mon client a fait son travail du mieux qu’il a pu. Il est droit mais il a eu un burn-out, a fait un pas de côté et reconnaît des erreurs. Les peines requises sont excessives. Sur la base des éléments objectifs que je vous ai exposés, laissez-le rentrer chez lui”, une conclusion Me Distance.

Le tribunal correctionnel de Bastia a mis son jugement en délibéré au 13 avril.

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