Stratégie suisse en matière de matières premières: les experts mettent en garde contre la négligence

2024-09-01 06:30:00

Les experts et les politiques craignent que la Suisse ne prenne du retard dans l’approvisionnement en terres rares et autres matières premières. Le gouvernement fédéral l’alourdit: la Suisse n’est que marginalement touchée.

Production de matières premières en Russie : l’UE veut réduire sa dépendance à l’égard des fournisseurs individuels.

Lev Fedoseyev / Tass / Getty

La Chine impose constamment de nouvelles restrictions à l’exportation de matières premières. Il y a quelques mois, le pays a annoncé des restrictions à l’exportation de germanium, de gallium et de graphite, utilisés par exemple dans l’industrie des puces informatiques.

À la mi-août, le pays a ajouté des contrôles à l’exportation d’antimoine. Le métalloïde n’est pas seulement utilisé pour la production de systèmes solaires et de batteries, mais également pour des applications militaires telles que les armes nucléaires ou les dispositifs de vision nocturne. La Chine cite ces restrictions pour protéger les intérêts nationaux.

Face à ces évolutions, le monde occidental s’inquiète de plus en plus de l’approvisionnement en matières premières importantes. «Mais en Suisse, le sujet n’est pas encore suffisamment à l’ordre du jour», critique Alessandra Hool, directrice générale de la Fondation Rare Metals Development Fund. La fondation s’intéresse depuis le début des années 1950 à l’importance des matières premières pour le site industriel suisse et travaille également pour l’UE.

La Suisse se comporte « avec négligence »

Hool prévient que la Suisse est nettement en retard par rapport aux autres pays industrialisés. L’UE a déjà analysé les dommages qui pourraient survenir en cas de pénurie de matières premières dans certains secteurs. Fin 2023, elle a également voté la loi sur les matières premières critiques. Celui-ci se concentre sur les matières premières essentielles dans des secteurs stratégiquement importants. Il s’agit notamment des énergies renouvelables, de la numérisation, de l’aérospatiale et de la défense.

L’UE veut le faire Loi faire en sorte que le continent soit moins dépendant des pays fournisseurs individuels. En outre, il convient d’envisager le remplacement de matières premières particulièrement critiques et de renforcer le recyclage afin que les matières premières précieuses restent si possible en Europe.

La conseillère nationale du Centre Elisabeth Schneider-Schneiter craint également que la Suisse ne soit perdante. «La Suisse est un pays doté d’une grande force d’innovation et d’une grande connaissance technique. Mais lorsqu’il s’agit de matières premières, elle fait preuve de négligence », déplore-t-elle. Schneider-Schneiter est également président de la Chambre de commerce de Bâle et membre du conseil d’administration de l’organisation faîtière économique Economiesuisse.

Jusqu’à présent, le Conseil fédéral a soutenu que la sécurité des matières premières relevait du secteur privé et ne constituait pas un problème grâce à des relations commerciales efficaces, comme l’explique Schneider-Schneiter. “Mais aujourd’hui, la situation géopolitique a complètement changé.” Il existe une mentalité de bloc de plus en plus forte, tant en termes de politique économique que de politique de sécurité.

Il ne s’agit pas seulement de la Chine, dont on parle beaucoup. Il existe également une dépendance vis-à-vis des États-Unis. “Néanmoins, nous nous considérons comme une île heureuse et ne sommes pas conscients de notre dépendance à l’égard des autres pays”, prévient-elle.

Manque de vue d’ensemble

Selon l’expert en matières premières Hool, la Suisse n’a pas une vue d’ensemble des conséquences que peuvent avoir des problèmes d’approvisionnement en matières premières critiques. Par exemple, si les livraisons de matières premières aux États-Unis ou en Europe étaient limitées. L’UE, en revanche, a déjà été confrontée à de tels cas dans le cadre de sa planification.

Selon Hool, «il serait donc logique que la Suisse analyse le plus tôt possible les risques que pourraient entraîner pour elle des perturbations sur les marchés des matières premières». Dans un deuxième temps, il faudrait examiner les contre-mesures – par exemple, dans quelle mesure les risques pourraient être minimisés grâce à un partenariat avec l’UE.

Le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) présentera prochainement un rapport actuel sur la sécurité d’approvisionnement en matières premières critiques. Cela renvoie à un postulat de Schneider-Schneiter. Le rapport devrait être publié cette année, confirme la porte-parole du Seco, Françoise Tschanz. Selon Tschanz, le gouvernement fédéral surveille la situation de près. Et elle confirme: «L’importance stratégique du secteur des matières premières s’est accrue en Suisse – ainsi qu’à l’échelle mondiale.»

Cependant, pour la plupart des matières premières, la Suisse n’est touchée qu’indirectement par l’évolution de la situation, comme l’explique Tschanz. Parce qu’elle importe en grande partie des produits dits intermédiaires, c’est-à-dire des biens qui contiennent des matières premières critiques et qui sont ensuite transformés.

Dans un article récemment publié Message En ce qui concerne les dépendances commerciales, la Confédération a également analysé la situation des matières premières – et est parvenue à une conclusion globalement rassurante : “Les entreprises suisses sont diversifiées”, résume Tschanz en résumant les résultats. Ils sont également préparés aux crises et créeraient par exemple des entrepôts contenant des matériaux sensibles.

Une nouvelle enquête difficilement possible

Selon Tschanz, l’enquête plus approfondie exigée par le fonds de développement « Métaux rares » est difficilement réalisable. Une telle enquête nécessiterait d’énormes efforts pour les entreprises concernées. Il existe également un risque que les résultats permettent de tirer des conclusions sur des entreprises individuelles et, dans le pire des cas, que des secrets d’affaires soient révélés.

La position du gouvernement fédéral reste donc inchangée malgré les tensions géopolitiques croissantes : « Il incombe en premier lieu aux entreprises d’assurer leurs chaînes d’approvisionnement et de diversifier leurs fournisseurs », explique Tschanz. La Confédération soutient les entreprises dans la mesure de ses possibilités : par exemple en concluant des accords de libre-échange, en réduisant les droits de douane industriels, en développant davantage l’accès au marché intérieur et, de manière générale, par la coopération avec l’UE.



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