Elle n’a pas encore terminé sa tournée triomphale que Taylor Swift sort déjà un documentaire sur ses concerts en salle, ce qui pourrait perturber une industrie cinématographique convalescente, contester l’hégémonie des studios et consacrer son empire économique.
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“Taylor Swift: The Eras Tour”, le long métrage, a déjà battu le record de préventes aux États-Unis en une journée, fin août, avec des revenus de 37 millions de dollars.
Il pourrait dépasser les 100 millions dès son premier week-end d’exploitation, du 13 au 15 octobre, selon Jeff Bock, de la société spécialisée Exhibitor Relations.
“Il est possible que ce soit le plus gros film de l’automne (…) ce qui est assez incroyable”, explique l’analyste, même si le concert filmé ne sera visible qu’aux États-Unis pour le moment.
Un signe que les studios redoutent cette sortie, ils ont repoussé l’arrivée en salle de plusieurs films initialement prévus le même week-end ou à des dates proches, notamment “L’Exorciste – Dévotion”.
Non seulement elle produit son film sans passer par Hollywood, qui se remet à peine de la pandémie et fait face à une grève prolongée des acteurs et scénaristes, mais Taylor Swift l’a également annoncé moins d’un mois et demi avant sa sortie.
L’opération s’annonce déjà rentable pour la trentenaire, dont le film n’a coûté que 10 à 20 millions de dollars, selon le site d’information Puck.
Selon le site spécialisé Billboard, elle va partager 57 % des revenus de la vente des billets avec la chaîne de cinéma AMC, une proportion équivalente à celle généralement reçue par les studios.
“Aucun artiste n’est aussi puissant aujourd’hui”, estime Ralph Jaccodine, professeur à l’université musicale Berklee, auprès de l’AFP.
“Eras” est d’abord une tournée monstrueuse qui comprend actuellement 146 dates.
Selon le magazine professionnel spécialisé dans les arts vivants Pollstar, chaque concert génère 13 millions de dollars de revenus, ce qui porterait le total à environ 1,9 milliard de dollars.
Aucun artiste ou groupe n’a jamais atteint le seuil symbolique du milliard de dollars.
“Des tournées où les gens doivent payer entre 700 et 800 dollars pour une place au fond du stade, c’est du jamais vu”, souligne Ralph Jaccodine.
“Un précédent”
“Elle ose beaucoup en termes de stratégie”, estime Carolyn Sloane, professeure d’économie à l’université de Chicago. “Elle a beaucoup à perdre (…), mais elle peut se permettre de prendre des risques.”
Avant le film, l’exemple le plus marquant était la réenregistrement par l’artiste de ses six premiers albums, dont elle ne détenait pas les droits d’enregistrement originaux.
“Je pense que les artistes devraient être propriétaires de leur travail”, avait-elle expliqué en 2019 après avoir tenté de racheter les bandes, sans succès.
“Elle est une militante pour les droits des artistes”, estime Ralph Jaccodine. “Elle a construit sa propre marque (…) et à chaque fois qu’elle a connu le succès, elle a pris de plus en plus le contrôle.”
Taylor Swift est chaque jour plus proche de devenir la première chanteuse milliardaire (sa fortune est estimée à 740 millions de dollars par Forbes) uniquement grâce à sa musique.
Avant elle, Prince, George Michael, Jay-Z ou Kanye West s’étaient déjà battus pour récupérer leurs enregistrements, mais aucun n’avait envisagé de produire une nouvelle version.
“Elle a une stratégie économique brillante et elle va là où d’autres artistes ne se sont jamais aventurés”, insiste Carolyn Sloane.
Taylor Swift n’a pas hésité à faire de chaque sortie de ses anciens albums réenregistrés un événement, au risque de lasser le public.
Un pari gagnant qui lui a permis de fidéliser la tranche la plus jeune de son public, qui n’a pas connu les périodes de “Taylor Swift” ou “Fearless”, ses premiers albums.
De la même manière, “Eras”, le film, “va permettre à des gens qui n’ont pas pu acheter de billet d’avoir accès à son concert”, décrit Ralph Jaccodine.
D’autres musiciens et chanteurs ont déjà sorti en salle des films de concert ou de tournée, mais “nous n’avons jamais vu en salle le film d’un artiste au sommet de sa popularité comme nous le verrons avec Swift en octobre”, anticipe Jeff Bock.
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