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Témoignages de victimes de manipulation au sein d’une secte de yoga

Témoignages de victimes de manipulation au sein d’une secte de yoga

Parmi les victimes qui ont accepté de parler, toutes ont mentionné l’emprise qui s’est progressivement exercée sur elles, ainsi que la difficulté à quitter la secte. Les langues se délient progressivement. Après la mise en examen le vendredi 1er décembre de quinze personnes, dont le gourou d’une secte de yoga nommé Gregorian Bivolaru, ainsi que l’ouverture d’une enquête sur une secte soupçonnée d’utiliser le yoga pour pousser des femmes à avoir des relations sexuelles non consenties, plusieurs victimes ont pris la parole pour dénoncer le fonctionnement de cette organisation tentaculaire.

Parmi elles, Agnes, qui avait 15 ans lorsqu’elle a rencontré Gregorian Bivolaru en Roumanie en 1999, explique : “Il préférait les vierges.” Cette Roumano-portugaise, comme d’autres femmes, raconte à l’AFP ce qu’elle a vécu auprès de ce gourou soupçonné de violences sexuelles au sein d’une secte tentaculaire et arrêté en France après une longue cavale. À cette époque, Agnes Arabela Marques s’inquiète pour sa sœur aînée, partie à Bucarest dans l’ashram du fondateur du Misa (Mouvement pour l’intégration spirituelle vers l’absolu). Elle décide de s’y rendre également.

Là-bas, le mouvement enseigne le tantra yoga ou “yoga de l’amour”, une pratique tirée de l’hindouisme visant à l’épanouissement sexuel. Rebaptisé Atman lors de son expansion internationale et présent dans plus de trente pays, le mouvement compterait aujourd’hui plus 100 000 adeptes à travers le monde. Dans l’ashram, l’adolescente remarque la présence de “personnes importantes”, notamment des médecins et des avocats. “Je me disais que j’étais inquiète pour rien. Et j’ai fini par m’y perdre aussi…”, raconte-t-elle.

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En ce qui concerne Gregorian Bivolaru, “au premier abord, il avait l’air gentil. C’était quelqu’un de très respecté”, explique-t-elle. “Il ne s’énervait jamais. Quand il disait quelque chose, les gens se taisaient.” Elle séjourne un certain temps à l’ashram, puis il l’invite chez lui. À ce moment-là, Bivolaru est déjà entouré d’une douzaine de femmes. Avec elles, l’adolescente assiste à des séances de méditation et est poussée à avoir des relations lesbiennes. “Cela faisait partie de l’initiation tantrique”, dit-elle. Les femmes se succèdent dans la chambre à coucher du gourou, qui approche alors de la cinquantaine. “Et puis ça a été mon tour.” Il la pousse à perdre sa virginité et lui demande de garder le silence.

Une sorte de “cadeau de bienvenue”, ironise-t-elle. “On nous disait que l’acte sexuel était une consécration, que c’était autorisé par Dieu.” Elle se souvient d’un homme “méthodique”, aux ongles longs. “Grig”, comme elle le surnommait, était considéré par ses adeptes comme un “dieu”.

Elle raconte également qu’à l’âge de 16 ans, elle a participé à un concours de beauté estival, “Miss Shakti”, au bord de la mer Noire, où les membres les plus convaincus du Misa étaient conviés : près de 300 femmes défilaient nues, posaient de manière suggestive sur scène, voire se masturbaient devant plusieurs milliers d’adeptes. D’autres événements de ce genre avaient lieu, notamment pour célébrer l’anniversaire du gourou. Agnes mentionne aussi des sites érotiques affichant des photos et des vidéos de certaines adeptes.

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Elle dit également s’être rendue plusieurs fois au Japon pour travailler dans des boîtes de nuit au profit du Misa. Ayant prêté serment sur la Bible, elle reversait au mouvement presque la totalité de son salaire et les cadeaux reçus. En 2013, la justice roumaine condamne Bivolaru par contumace à six ans de prison, notamment pour avoir eu des relations sexuelles avec des mineures. Agnes Arabela Marques y voit une victoire, mais depuis son témoignage dans cette enquête en 2004, elle dit avoir été suivie en voiture et menacée par lettres à plusieurs reprises.

Ashleigh Freckleton, une ex-adepte australienne de 31 ans, raconte être partie en Roumanie en 2018, dans l’une des écoles du Misa, cherchant dans le yoga tantrique une “élévation spirituelle”. En 2019, elle est invitée à se rendre en France pour suivre un “rite d’initiation”.

Étant étrangère, comme la plupart des potentielles victimes, elle est prise en charge à son arrivée à un aéroport parisien. Son téléphone et son passeport sont confisqués et elle est conduite jusqu’à une villa à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) aux fenêtres occultées. Pendant deux semaines, les femmes présentes dans la villa sont exposées à de la pornographie, incitées à participer à des séances mêlant hypnose, orgies sexuelles et ingestion d’urine de Bivolaru, avant de le rencontrer. On lui dépeint comme un être “éclairé”, doté de “pouvoirs surnaturels”. Ashleigh Freckleton refuse finalement de s’offrir à lui. “J’ai su qu’il fallait que je déguerpisse.”

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Kareen (un pseudonyme) raconte que de nombreuses femmes étaient lentement manipulées afin de croire que le sexe avec Bivolaru était un don spirituel. Elle mentionne avoir été “victime de trafic sexuel” à Paris à plusieurs reprises sur les six ans pendant lesquels elle a été adepte, en plus des “viols” et de la “manipulation mentale”.

“Sortir du Misa est souvent un processus difficile. Ceux qui le font sont jugés sévèrement”, explique-t-elle. Finalement, elle a réussi à s’en émanciper. Selon Kareen, plusieurs milliers de femmes auraient été victimes de trafic sexuel au sein du Misa depuis sa création en 1990. Aujourd’hui, une source proche du dossier parle d’un dossier “démentiel”.

Agnes pense que les témoignages actuels ne représentent qu’une infime partie du véritable nombre de victimes. Lors du vaste coup de filet policier la semaine dernière en France, plus d’une cinquantaine de femmes, enfermées dans des pavillons, ont pu être “extraites de la secte”, selon la police.

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