Le 26 octobre 2004, la sonde spatiale Cassini a effectué son premier passage à faible distance de Titan à environ 1 200 kilomètres. Cette sonde était équipée d’un radar qui permettait de percer son atmosphère brumeuse pour observer et mesurer la topographie de sa surface, ce que n’avait pas pu faire la mission de sondes Voyager presque 20 ans avant. Les images radar montraient un monde qui n’est pas sans analogie avec la Terre, avec des lacs et des rivières où coulaient des hydrocarbures. On observe aussi des cryovolcans et des champs de dune.
La nature de ces champs de dune fait débat depuis. On sait qu’ils sont répartis sur une surface totale d’environ 15 millions de kilomètres carrés, qu’ils sont constitués d’une matière sombre et que les tailles des dunes sont comparables avec celles que l’on trouve sur Terre dans la mer de martre des Émirats arabes unis.
Sur Titan, l’une des structures ressemblant précisément à une mer de sable se nomme Shangri-La, en référence au paradis mythique du Tibet. C’est l’une des trois principales mers de sable équatoriales de Titan, les autres étant Belet et Fensal. Elle semble composée de matériaux sombres et riches en carbone, provenant peut-être de l’érosion de sources qui n’existent plus ou encore de dépôt par les évents d’évaporites depuis des mers d’hydrocarbures.
Mais aujourd’hui, lors de la 55e mythique Conférence sur les sciences lunaires et planétaires (LPSC), pendant le mois de mars aux États-Unis, le planétologue William Bottke, du Institut de recherche du Sud-Ouest de Boulder (Colorado), a proposé avec ses collègues une autre explication. Elle est basée sur des simulations numériques faisant provenir les particules sombres formant les dunes de sable non pas de la surface de la lune de Saturne mais bien au-delà, carrément à partir d’objets de la fameuse ceinture de Kuiper, dont on sait qu’elle est la source de comètes provenant d’au-delà de l’orbite de Neptune.
L’idée est la suivante, les particules seraient soit issues de la poussière produite par des collisions entre comètes de la ceinture de Kuiper soit carrément de l’impact de ses comètes sur le sol de Titan. La production de ces matériaux aurait été particulièrement importante au début de l’histoire du Système solaire en rapport avec des migrations des planètes géantes qui auraient déclenché d’importants bombardements cométaires en perturbant les corps situés dans la ceinture de Kuiper, un scénario que se serait produit il y a environ 4 milliards d’années selon le fameux modèle de Nice.
Comme l’explique William Bottke, le phénomène n’aurait pas été limité à Titan mais aussi à d’autres lunes glacées, comme celles de Jupiter et bien sûr celles de Saturne. C’est une nouvelle façon d’expliquer les dépôts noirs que l’on observe sur Japet notamment, et dont on a proposé plusieurs hypothèses pour expliquer leur existence.
Dragonfly est une mission de la Nasa visant à explorer la chimie et l’habitabilité de la plus grande lune de Saturne, Titan. Quatrième mission de la ligne De nouvelles frontières Dragonfly enverra un giravion autonome visiter des dizaines de sites sur Titan, étudiant la surface de la lune et son sous-sol peu profond à la recherche de molécules organiques et d’éventuelles biosignatures. Pour mener à bien sa mission, Dragonfly est équipé d’un spectromètre à neutrons, d’un système de forage et d’un spectromètre de masse, permettant aux scientifiques de réaliser une étude détaillée de la composition chimique de Titan. Dragonfly devrait être lancé en 2026 et arriver sur Titan en 2034.
Une hypothèse testable avec Dragonfly ?
Les calculs montrent au moins que les collisions et les impacts cométaires pouvaient avoir apporté la matière suffisante pour expliquer les dunes de Titan. Il y a toutefois un point faible dans ce scénario. La surface de Titan est jeune car peu cratérisée, ce qui implique que des processus renouvellent en permanence sa topographie. Il n’est pas certain que ce soit compatible avec l’idée de champ de dunes formé par des dépôts cométaires importants il y a des milliards d’années.
Sur Terre, nous avons une certaine connaissance des particules cométaires atteignant sa surface, de sorte qu’il est en principe possible, en analysant par exemple les particules des dunes de Shangri-La sur site, de tester l’hypothèse de William Bottke et ses collègues sur la provenance des grains de “sable” de ces dunes.
C’est précisément le genre de chose qui devrait être rendu possible par la mission Dragonfly de la Nasa vers Titan, dont le lancement est prévu en 2028.
Sur Titan, Cassini observe les dunes de Shangri-La
Article de Xavier Demeersman publié le 16/09/2017
Entre le premier juillet 2004 et le 15 septembre 2017, la sonde Cassini a tourné autour de Saturne et de ses anneaux, bien sûr, mais aussi de ses satellites. De Titan, la plus grosse des lunes de cette planète, elle se sera approchée 127 fois, pour profiter de son assistance gravitationnelle. Au premier passage, elle a largué le module Huygens et aux suivants, elle en a scruté la surface au radar. Le 24 septembre 2016, pour le 122e survol de Titan, elle y découvrait de curieuses dunes sombres qui serpentent entre les reliefs montagneux de la région de Shangri-La.
La sonde Cassini, qui explore Saturne et ses mondes depuis juin 2004, nous a offert nombre de découvertes quant à Titan (5 151 km de diamètre), la plus grande lune de la planète géante. Grâce à ses instruments, les scientifiques ont en effet pu apercevoir les paysages qui se cachent sous les brumes de son épaisse atmosphère. Au fil des survols, pièce par pièce, ils s’emploient ainsi à reconstituer le puzzle de l’histoire de ce satellite fascinant.
Lors du 122e survol, à quelque 976 kilomètres d’altitude, le 25 juillet 2016, le radar du vaisseau américano-européen a dévoilé un immense champ de dunes dans la région de Shangri-La. Composées de grains d’hydrocarbures tombés de l’atmosphère, elles sont vraisemblablement façonnées par les alizés venus de l’ouest. Vues du ciel, elles dessinent des centaines de lignes sombres qui ondulent, forcées de contourner les nombreux obstacles qui se dressent dans cette région équatoriale. Elles témoignent de l’activité éolienne passée et présente, et aussi des rares reliefs montagneux du deuxième plus grand satellite du Système solaire.
Cassini, qui achèvera sa mission en 2017, a encore quatre survols de Titan sur son agenda. La sonde se concentrera sur les lacs et mers d’hydrocarbures situés sur le cercle polaire nord. Cela promet de nouvelles images étonnantes de ce monde distant de près un milliard et demi de kilomètres de la Terre.
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