Les infrastructures de la base navale de Toulon sont en pleine phase de modernisation. Alors que la reconstruction et l’extension du quai Milhaud 1 s’achève, la rénovation des autres appontements de cette zone édifiée entre 1913 et 1918, qui totalise plus de 2 kilomètres de quais accueillant les plus grandes unités de surface de la Marine nationale, va suivre. Dans le même temps, les études ont débuté pour créer à l’ouest un nouveau bassin pouvant servir de cale sèche et flanqué de deux nouveaux quais. Un chantier colossal destiné à accueillir le porte-avions de nouvelle génération (PA-NG) qui succèdera au Charles de Gaulle en 2038 et doit rallier Toulon dès 2035.
Le plus imposant port miliaire d’Europe, sous l’égide l’Etablissement du Service des infrastructures de la défense (ESID) de Toulon, poursuit sa modernisation et vient de se doter du plus grand quai édifié jusqu’ici dans une base navale européenne. Il s’agit de la refonte, doublée d’un allongement sensible, de Milhaud 1. Après deux ans de travaux, l’imposante infrastructure est en passe d’être livrée et devrait être inaugurée le mois prochain, a appris Mer et Marine. Les opérations de génie civil sont achevées, seuls restent à finaliser des travaux de branchement de réseaux (eau, électricité…)
La base navale de Toulon avec les six appontements de la zone Milhaud, dont le premier vient d’être refondu.
Pouvoir notamment accueillir les nouveaux BRF
Déjà, deux des plus grands bâtiments de la Marine nationale sont venus tester ce nouveau quai fin mars, le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Dixmude et le bâtiment ravitailleur de forces (BRF) Jacques Chevallier, longs respectivement de 199 et 194 mètres. C’est typiquement pour ce type de bâtiments que l’allongement de Milhaud 1 a été décidé. En particulier les BRF, qui remplacent les anciens ravitailleurs de la classe Durance et sont nettement plus grands (leurs aînés avaient une longueur de 153 mètres). Après le Jacques Chevallier, livré en juillet dernier, un deuxième BRF, le Jacques Stosskopf, en cours de construction à Saint-Nazaire, rejoindra Toulon à l’été 2025. Puis un troisième (Gustave Zédé) suivra au début des années 2030, sachant que le troisième BRF de la série (Emile Bertin), livrable en 2027, sera basé à Brest.
Une vue déjà assez ancienne de Toulon avec en bas à gauche les appontements Milhaud (de 6 à 1 de gauche à droite), puis l’entrée de la darse Missiessy, l’îlot Castigneau où trois nouveaux appontements et un nouveau quai pyrotechnique ont été mis en service au quai Noël entre 2018 et 2020 et enfin la zone des bassins Vauban.
Le BRF Jacques Chevallier à Milhaud 1.
Le BRF Jacques Chevallier à Milhaud 1.
Le BRF Jacques Chevallier à Milhaud 1.
Le BRF Jacques Chevallier à Milhaud 1.
La longueur passe de 186 à 450 mètres
Initialement long de 186 mètres, Milhaud 1 s’étend désormais sur 450 mètres. De quoi accueillir simultanément jusqu’à quatre grands bâtiments ou six unités de plus faible tonnage, alors que le projet comporte également la rénovation du poste roulier aménagé en 1992 à la base du quai, côté Est. Une large rampe bétonnée en pente douce qui s’avance sur 30 mètres, la largeur étant portée de 26 à 31 mètres. Ce nouveau poste Ro-Ro permettra aux PHA et aux nouveaux navires rouliers affrétés, plus grands que leurs aînés, de charger et débarquer facilement des véhicules et du fret roulant.
Le poste roulier est installé à la base de Milhaud 1, à l’Est. A noter également la réfection du quai de la Fraîche à l’entrée de la darse Missiessy.
La refonte de Milhaud 1 a nécessité la pose de 58 piles de 4 pieux battus (les pieux, en acier, ayant un diamètre de 914 à 1016 mm) servant de base à une nouvelle structure en béton armé (constituée de poutres transversales et de dalles préfabriquées) sur l’empreinte de l’ancien quai, qui a été déconstruit, et le prolongement, qui a nécessité de gagner plus de 260 mètres sur la rade. Parallèlement, le quai de la Fraîche, entre Milhaud 1 et la passe donnant accès à la darse Missiessy, a été refait.
Les travaux de reconstruction et d’allongements de Milhaud 1 au printemps 2023.
Au tour de Milhaud 4
Les travaux sur la zone vont maintenant se poursuivre, en particulier sur l’appontement n°4, qui à l’instar du 1 avant sa refonte, est fragilisé par des problèmes de corrosion des armatures de son tablier, entrainant des limitations de circulation et de mouvements. Il va être complètement reconstruit et légèrement étendu, sa longueur allant être portée à 280 mètres, soit 19 de plus qu’aujourd’hui. Les ouvrages de liaison entre les appontements, en plus en moins bon état, sont par ailleurs progressivement refaits.
Après la construction de trois nouveaux appontements à Castigneau
Ce chantier majeur complète d’autres opérations de grande ampleur engagées ces dernières années pour moderniser les infrastructures portuaires de la base navale varoise. Trois nouveaux appontements (les CA1 et CA2 de 180 mètres et le CA3 de 157 mètres), mis en service entre 2018 et 2020, avaient notamment vu le jour au quai Noël, sur l’îlot Castigneau, permettant notamment d’accueillir les nouvelles frégates multi-missions (FREMM). Un nouveau quai pyrotechnique (CA0), destiné au chargement des armées des bâtiments de surface et sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) stationnés à Toulon, a également été construit et livré en 2020.
Les nouveaux appontements de Castigneau.
Deux des trois nouveaux appontements du quai Noël ainsi que le nouveau quai pyrotechnique.
La rénovation des bassins des SNA se poursuit à Missiessy
Pendant ce temps, dans la darse Missiessy, les bassins servant au maintien en condition opérationnelle des SNA se poursuit. Des travaux lancés dans le cadre du programme des six nouveaux sous-marins de la classe Suffren, afin d’adapter les infrastructures de maintenance pour ces bâtiments mais aussi rénover les quais ainsi que les vieilles cales sèches et les adapter aux normes en matière de risques sismiques. Deux des trois bassins de cette zone sont par ailleurs couverts. Les travaux se sont achevés pour le premier en 2020, afin d’accueillir le Suffren, ceux sur le second étant en cours.
Le Suffren en juillet 2020 amarré au nouveaux postes, avec en arrière le bassin n°1 et sa partie couverte (© : FRANCIS JACQUOT)
Le Suffren en juillet 2020 amarré au nouveaux postes, avec en arrière le bassin n°1 et sa partie couverte (© : FRANCIS JACQUOT)
Modernisation d’un bassin accueillant des SNA à Missiessy en 2022.
Le bassin n°1 après rénovation.
La zone Missiessy début 2023 avec un premier bassin rénové opérationnel et le second en travaux.
Modernisation des outillages, des réseaux et bâtiments, rénovation de la grande jetée
Les vieux outillages portuaires de la base navale sont par ailleurs remplacés, avec l’arrivée de nouvelles grues, la dernière en date étant la 103P, installée justement à Missiessy en août 2023. D’importants travaux sont également réalisés sur la modernisation des réseaux, alors que de nouveaux bâtiments (logements, bureaux, ateliers et locaux techniques) sont construits. Le chantier de rénovation de la grande jetée abritant la rade a par ailleurs été achevé en 2022.
La nouvelle grue 103P lors de son transfert à Missiessy l’été dernier.
La nouvelle jetée protégeant la rade.
2.5 milliards d’euros investis dans les infrastructures d’ici 2030
Indispensables au soutien technique de la flotte, ces travaux représentent un investissement considérable. En déplacement le 27 mars à Toulon, Sébastien Lecornu, ministre des Armées, a ainsi indiqué que 2.5 milliards d’euros seront consacrés à la modernisation des infrastructures de la base navale varoise au cours des sept prochaines années, c’est-à-dire jusqu’en 2030.
Le PA-NG.
Préparer l’arrivée du futur PA-NG
Celles-ci verront le lancement du plus important chantier du genre réalisé en France depuis 50 ans et la construction du bassin 10, à Brest. Il s’agit de créer, à l’Ouest des appontements Milhaud, une nouvelle zone industrialo-portuaire dimensionnée pour le soutien du porte-avions de nouvelle génération (PA-NG), qui succèdera au Charles de Gaulle en 2038.
Alors que l’actuel porte-avions français mesure 261 mètres de long pour une largeur maximale de 64 mètres au niveau pont d’envol (31 à la flottaison), son successeur sera nettement plus grand et lourd, soit 310 mètres de long pour 85 de largeur maxi (39 à la flottaison) et un déplacement d’environ 75.000 tpc. Ce sera le plus gros bâtiment de guerre construit jusqu’ici en Europe, son gabarit étant proche de celui des porte-avions géants américains (337 mètres de long, 80 mètres de large au pont d’envol et 41 à la flottaison, environ 100.000 tpc pour l’USS Gerald R. Ford).
Le Charles de Gaulle aux bassins Vauban.
L’adaptation des bassins Vauban écartée
Depuis sa mise en service en 2001, le Charles de Gaulle est entretenu dans la zone des bassins Vauban, qui avaient été rénovés pour recevoir ce porte-avions, presqu’aussi long que ses prédécesseurs les anciens Clemenceau (1961-1997) et Foch (1963-2000) mais plus large et surtout plus lourd. Les bassins avaient été renforcés sur le plan structurel et mis aux normes en matière de sûreté nucléaire pour tenir compte de la propulsion du bâtiment. Mais avec le PA-NG, l’augmentation de gabarit sera bien plus significative, ce qui fait que les deux bassins de Vauban, longs de 442 mètres pour une largeur de 40 mètres (ils peuvent subdivisés chacun en deux cales sèches indépendantes), ne sont pas à même de recevoir le futur porte-avions en carénage.
Les bassins Vauban.
Après études, il a été décidé de ne pas retenir l’option d’une adaptation de la zone Vauban au PA-NG. L’opération a été jugée trop complexe et coûteuse, alors qu’elle posait aussi la problématique de la disponibilité de cette infrastructure pour la fin de vie du Charles de Gaulle et les besoins de passage en cale sèche d’autres unités de la flotte.
Le nouveau bassin et ses futurs quais seront édifiés après les appontements Milhaud, vers l’ouest, en direction de Brégaillon.
Un nouveau bassin et deux quais à l’ouest de Milhaud
Un nouveau pôle va donc être édifié à l’ouest des appontements Milhaud. Il couvrira une surface de 10 à 15 hectares (Vauban s’étend sur 15 ha) gagnés sur la mer, avec une grande forme de radoub, deux quais et un vaste terre-plein. Les dimensions du futur bassin et des deux quais ne sont pas encore connues mais ils feront probablement au moins 350 mètres de longueur. On notera au passage que le choix d’édifier deux quais laissera la possibilité d’accueillir un second porte-avions si la France trouve un jour les moyens de se le payer. Quoiqu’il en soit, ce projet, qui en est au stade des études amont, constituera un chantier colossal qui devrait débuter à l’horizon 2027 afin que la nouvelle infrastructure soit prête pour 2035, année où le PA-NG doit normalement quitter Saint-Nazaire, où il sera construit par les Chantiers de l’Atlantique en collaboration avec Naval Group, pour rejoindre Toulon afin d’y charger ses deux chaufferies en combustible nucléaire et poursuivre ses essais. Il cohabitera donc pendant trois ans au moins avec le Charles de Gaulle, qui continuera de stationner à Milhaud 6.
© Un article de la rédaction de Mer et Marine. Reproduction interdite sans consentement du ou des auteurs.
2024-04-11 02:45:00
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