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« Tous les participants ne vont pas devenir des militants de la restauration de la chrétienté »

« Tous les participants ne vont pas devenir des militants de la restauration de la chrétienté »

La Croix : Qui se rend désormais au pèlerinage de Chartres ?

Paroles de Paul : Le public est varié parce qu’il n’y a pas d’étanchéité entre le monde traditionaliste et le monde non traditionnaliste, quoi qu’on puisse en penser. On observe des formes de porosité et de circulation entre les deux, notamment au niveau des générations les plus jeunes, qui sont beaucoup moins marquées par des fixations antérieures. Je pense que la décision de Benoît XVI en 2007 de permettre la célébration sous les deux formes du rite romain a joué un rôle de déblocage psychologique, malgré le revirement de François sur la question.

Cette circulation entre les deux milieux correspond tout à fait à l’évolution générale du religieux, où les gens passent d’un endroit à l’autre en fonction de leurs attentes, de leur désir et de leur vie spirituelle, dans une forme de papillonage. Parmi les pèlerins, on trouve donc des « tradis » revendiqués, qui considèrent qu’il n’y a pas d’autre réalité intéressante dans l’Eglise de France, des traditionalistes qui peuvent pratiquer en forme ordinaire parce qu’ils n’ont rien d’autre sous la main, et puis des catholiques de forme ordinaire.

Que viennent chercher ces derniers dans ce pèlerinage ?

PA : Je crois que certains y trouvent des éléments d’ascèse et de pratiques pèlerinantes qu’on ne trouve pas ailleurs. Peu d’endroits dans le catholicisme contemporain proposent aujourd’hui un véritable pèlerinage de marche qui s’étend sur plusieurs jours. On pourrait faire un lien avec le développement de la randonnée, et des pèlerinages du chemin de Compostelle. C’est une manière de récupérer des pratiques anciennes et de les adapter à la post-modernité.

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Et puis il faut mentionner la dimension de masse, le nombre. Pour les participants, il s’agit à la fois de se compter, de se rendre compte qu’on n’est pas tout seul, et de manifester l’importance du catholicisme par toute une série de visuels face à une société qui la reconnaît de moins en moins dans les instances publiques, et où la visibilité de l’islam est plus forte. La dimension attestataire peut donc jouer.

L’aspect visuel est très mis en valeur : comment décririez-vous l’esthétique du pèlerinage de Chartres ?

PA :« Catholique et français toujours ! » pour résumer un peu brutalement. Le pèlerinage met en valeur un enracinement historique qui passe par des symboles, que ce soit des croix, des fleurs de lys, des figures de saints, des bannières. Ce sont tous les éléments qui faisaient en partie les identités paroissiales jusque dans les années 1950-1960. C’est une manière de faire revenir de l’uniforme, quelque chose qui dit publiquement une place et une identité : ces signes disent de manière explicite qu’on a ici affaire à un groupe de catholiques. Cela correspond finalement assez à une époque contemporaine dans laquelle nous sommes saturés de marques, d’images et de manières de se mettre en scène.

Pour les organisateurs, il s’agit de « promouvoir la chrétienté » entendue comme la royauté du Christ dans la vie de la Cité. Quel est le projet politique du pèlerinage ?

PA : Le projet théologico-politique des fondateurs du pèlerinage est de refaire la chrétienté, c’est-à-dire une société chrétienne où les institutions organisent le bien commun et permettent à chacun d’atteindre le Salut. Clairement, on trouve l’idée qu’il ne peut pas y avoir de Salut pour les hommes si l’État respectant les principes chrétiens ne les aide pas à se sauver, et ne crée pas les conditions pour accéder à une relation à Dieu. Ce sont les idées fondamentales de ce qu’on appelle l’intransigeance catholique, telle qu’elle s’est développée de la Révolution française jusqu’à Pie XII. Chez les fondateurs et organisateurs, c’est l’horizon.

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Il renvoie à une perspective presque eschatologique d’avancer vers une fin des temps où Dieu règnera sur le monde. C’est un grand récit qui a une perspective mobilisatrice : dans une société où il n’y en a plus beaucoup, proposer à des jeunes de 15 à 25 ans, mais aussi à tous les catholiques, de devenir des saints, de marcher et de faire que la France soit chrétienne, c’est plutôt porteur. Cela ne veut pas dire pour autant que tous les participants sont prêts à devenir des militants de la réinvention de la chrétienté.

Doit-on en conclure à un mouvement vers le traditionalisme d’une jeunesse catholique qui, au minimum, ne voit pas d’inconvénient à adopter ces signes ?

PA : Pour beaucoup, c’est le cadre qui s’impose à eux, et ils rentrent dedans. Une partie doit sans doute garder son quant à soi, l’autre doit être entraînée par le système, et puis d’autres n’en ont pas grand-chose à faire. Pour une partie de cette jeunesse – notamment ceux qu’on appelle les tradismatiques et ceux qui vont à la messe dans leur paroisse mais pratiquent de temps en temps en rite ancien, c’est une occasion de vivre une grande expérience spirituelle et de se montrer comme catholiques.

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Cela ne veut pas dire que les jeunes catholiques classiques vont devenir traditionalistes, parce qu’il y a quand même une différence de paradigme entre le catholicisme traditionaliste, dans sa manière de penser le rapport à Dieu, à la messe, aux dévotions, et le catholicisme classique, qu’on ne peut pas sous-estimer. Cela ne veut pas dire non plus que ces jeunes participants rentreront dans la militance catholique de restauration de la chrétienté parce que si c’était le cas, des mouvements comme Ichtus ou Renaissance catholique auraient beaucoup plus de sympathisants, et ce n’est pas le cas.

Ce sont des mouvements qui sont marqués à l’extrême droite…

PA : Ce sont des gens qui estiment effectivement que Reconquête, le Rassemblement national, voire une partie de la droite dure, incarnent ce qui se rapproche le plus, non pas de la renaissance d’une chrétienté, mais de la résistance contre une libéralisation absolue de la société. Mais c’est d’abord le motif religieux qui guide leur évaluation politique, d’autant qu’ils ont été déçus par le Rassemblement national et son évolution. Et les débouchés politiques sont véritablement incertains, d’où peut-être l’accentuation sur la mobilisation religieuse.

2024-05-21 10:00:00
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