Tragédie à Gaza : la maison du photojournaliste anéantie par une frappe israélienne

Tragédie à Gaza : la maison du photojournaliste anéantie par une frappe israélienne

“Qu’est-ce que mes enfants ont fait pour mériter ça ?” À 22h30, dans la nuit du 4 novembre, la maison du photojournaliste Mohammed Alaloul, située dans le camp de réfugiés de Maghazi, dans le centre de Gaza, a été anéantie par une frappe qui a tué 17 de ses proches, dont quatre de ses enfants, âgés de 4 à 13 ans. “J’ai beau parler, aucun mot ne parvient à décrire la douleur qui m’habite, souffle-t-il en entrevue vidéo avec Le Devoiren éclatant en sanglots. Pourquoi ont-ils été visés ? Est-ce parce que je suis photojournaliste ?”

En plus de ses enfants Ahmad, 13 ans, Rahaf, 11 ans, Kenan, 6 ans, et Qays, 4 ans, Mohammed a perdu dans cette tragédie trois de ses frères, sa sœur, trois neveux ainsi que des amis et voisins qui se trouvaient chez lui. Sa femme et son plus jeune fils, Adam, qui a célébré son premier anniversaire deux jours après le drame, ont survécu.

Depuis les premières heures de la riposte israélienne aux attentats du Hamas, Mohammed, qui est photographe et caméraman, est sur le terrain pour documenter ce qui se déroule à Gaza. Ses images sont diffusées par l’agence de presse turque Anadolu, pour laquelle il travaille, et disséminées sur son compte Instagram, alors qu’aucun journaliste étranger ne parvient à entrer dans l’enclave palestinienne.

“Une roquette atterrit sur ma maison et la fait exploser. Est-ce parce que je documente l’agression israélienne ? soulève l’homme de 37 ans, quelques jours après la tragédie. Je ne fais que photographier la réalité qui se déroule à Gaza. Je ne fabrique pas de photos, je ne fais que documenter ce qui se passe réellement, ce qu’ils font.”

“Ils ont été tués pendant que j’étais loin d’eux”

Mohammed Alaloul travaillait dans le sud de Gaza lorsque la maison dans laquelle il a grandi a été pulvérisée. “Pendant les guerres, en tant que photojournalistes, on ne rentre chez nous que tous les 10 ou 15 jours”, explique-t-il. La veille de la tragédie, il se trouvait chez lui.

“La dernière personne que j’ai vue, c’est mon fils Kenan. Il me disait tout le temps : “Papa, dis-leur de te laisser partir de ton travail, s’il te plaît, reste à la maison avec nous, tu nous manques.” Depuis que Mohammed a été blessé par un éclat de roquette en 2021, ses enfants étaient sans cesse inquiets pour lui. Lorsqu’il rentrait à la maison, il était accueilli par des larmes de joie et des câlins. “Mes enfants passaient une demi-heure accrochés à moi. […] Ils avaient peur que je meure, mais c’est moi qui les ai perdus. Ils ont été tués pendant que j’étais loin d’eux.”

La dernière personne que j’ai vue, c’est mon fils Kenan. Il me disait tout le temps : “Papa, dis-leur de te laisser partir de ton travail, s’il te plaît, reste à la maison avec nous, tu nous manques.”

Ahmad, 13 ans, voulait devenir médecin, raconte son père. “Il était tout pour moi, mon ami, mon fils, mon frère, tout.” Rahaf, 11 ans, était sa fille unique. “Tu sais à quel point les filles sont douces. Je la gâtais. Elle voulait devenir enseignante. Je lui avais acheté des fournitures scolaires, un tableau pour écrire, des gommes à effacer, des craies.” Kenan, 6 ans, voulait suivre les traces de son père et devenir photographe. “C’était un joueur de soccer. Son frère Ahmad, qui avait sept ans de plus, n’arrivait pas à lui enlever le ballon. Il était si énergique et si beau”, raconte Mohammed en pleurs. Quant à Qays, 4 ans, “il s’est élevé tout seul, je l’emmenais au parc et il rentrait seul, c’était un ange”.

En raison de l’explosion, la femme de Mohammed a été brûlée sur tout le corps et a reçu des éclats d’obus aux pieds et aux mains. “Elle ne dort plus la nuit”, dit son mari. Adam, 1 an, est en état de choc. “Il refuse d’être pris dans les bras de sa mère. La seule personne qui arrive à le réconforter, c’est moi.” Depuis une semaine, leurs nuits sont faites de pleurs. “On est incapables de sécher nos larmes.”

Partir après avoir tout perdu

Malgré la tragédie qui a frappé sa famille, Mohammed prévoit retourner sur le terrain pour documenter les drames qui se jouent à Gaza. “C’est mon devoir de montrer ce qui se passe. Et je ne veux pas donner à Israël la satisfaction de penser qu’il a réussi à faire en sorte que les journalistes cessent de travailler.” Mais l’homme n’a aujourd’hui qu’une idée en tête: quitter Gaza.

Après la destruction de sa maison, Mohammed a trouvé refuge chez sa belle-famille à Rafah, dans le sud de Gaza. “Il n’y a pas d’eau, pas de pain, pas de nourriture, pas de services de santé. Ma femme ne peut pas se faire soigner.” Et le danger est constant, même dans le sud de l’enclave. “Je ne veux pas perdre le seul fils qu’il me reste.”

Le photojournaliste espère obtenir l’asile, au Canada ou aux États-Unis. “Il n’y a plus rien pour me garder à Gaza. Je ne veux pas rester ici, implore-t-il. J’ai tout perdu.”

Avec Maye Ostowani, interprète

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