Trump fait face à une étrange campagne électorale depuis le banc des accusés

Le calendrier procédural du magnat rompt avec la règle tacite des procureurs américains d’éviter de poursuivre un candidat à partir de soixante jours avant les élections. Au-delà d’un privilège pour la classe dirigeante, c’est une règle ancrée dans l’esprit social du pays de séparer les sphères politique et judiciaire. Cependant, le déluge d’enquêtes civiles et pénales sur l’ancien président empêche toute forme de report. Tel est l’agenda du leader républicain dans ce domaine que les procureurs, les juges et les avocats équilibrent actuellement les agendas afin que les comparutions devant les tribunaux ne se chevauchent pas.

Ni le ministère public ni la défense de Trump n’ont influencé la juge Aileen Cannon pour faire avancer le procès des documents secrets à la fin de cette année ou en 2025. Le 20 mai est la date choisie. Cannon a simplement cherché un terrain d’entente entre les deux candidats. Mais, politiquement, c’est une décision à haute tension.

Cela commencera des semaines après que le Parti républicain aura organisé la plupart de ses primaires, où Trump sera en concurrence avec Mike Pence, Ron DeSantis et Nikki Haley. La proximité d’une audience où l’ancien président fait face à pas moins de 37 chefs d’inculpation peut jouer en sa faveur, si, comme c’est le cas jusqu’à présent, chaque nouvelle convocation le propulse dans les sondages ; ou contre, au cas où des sympathisants jugeraient opportun de miser sur un candidat moins sujet à un avenir judiciaire imprévisible.

un projet énorme

Ce jour où Trump affrontera le juge sera à moins de deux mois du début officiel de la campagne présidentielle et surtout de la Convention nationale républicaine en juillet. C’est son premier procès pénal, et personne ne sait ce qui se passera s’il arrive au conclave sous la menace éventuelle d’une condamnation.

S’il remporte la primaire, Trump veut se rendre à la convention la tête froide pour présenter un plan d’attaque électorale massive. Son programme présidentiel consiste essentiellement en un bureau ovale centralisant toutes les décisions de la prochaine législature, mettant fin à l’indépendance des agences gouvernementales et licenciant 50 000 fonctionnaires qu’il considère comme des espions pour les démocrates ou des “pédophiles”, comme les appellent les fanatiques consipanoïdes. Dans une apothéose de confiance, les Trumpistes ont déjà ouvert deux bureaux dans le pays pour examiner les dossiers des nouveaux responsables que l’Administration aurait.

Trump siégera également sur le banc des accusés en octobre prochain pour répondre aux allégations de fraude civile à New York. Le 15 janvier, un procès en diffamation de l’écrivain E. Jean Carroll – qui a déjà remporté un procès pour abus sexuels – va l’obliger à saisir à nouveau la justice, au moment même où l’Etat de l’Iowa célèbre ses primaires. À la fin de ce mois, il a été revu à Manhattan avec trois de ses enfants pour un cas présumé de tromperie financière. Et en mars 2024, il devra répondre d’accusations dérivées de versements à l’actrice Stormy Daniels, juste après le décisif ‘Super Tuesday’. Et il reste à décider s’il faut l’inculper pour l’assaut contre le Capitole et entrave aux résultats électoraux de 2020, ce qui donnerait lieu à l’infini paradoxe : poursuivre un candidat électoral pour atteinte à la démocratie et au système électoral lui-même.