Un adolescent de Montréal est décédé quelques jours avant Noël après avoir consommé une drogue encore plus puissante que le fentanyl à son insu. Inconsolables, ses proches souhaitent sensibiliser un maximum de personnes aux risques des surdoses d’opioïdes.
«Il s’est brossé les dents, il a mis son pyjama, il a enlevé ses lunettes pour les déposer sur la table de chevet et il s’est couché, comme à tous les soirs. Le lendemain, on a trouvé quatre autres pilules comme celle qu’il a consommée dans son portefeuille. Il aurait pu tuer un éléphant avec ce qu’on lui a vendu», confie avec douleur Christian Boivin, le père de Mathis, 15 ans, décédé d’un arrêt respiratoire causé par une surdose.
L’aîné de la famille était un adolescent comme les autres, selon son paternel. Il a été élevé dans une famille «tout ce qui a de plus normal». Il fréquentait une école privée et «n’a jamais manqué de rien».
C’est exactement pour ces raisons que l’homme qui a perdu son fils alors que ce dernier a avalé un seul comprimé d’isotonitazène s’est confié au Journal; «parce que ça peut arriver à n’importe qui».
«Pas un toxicomane»
Comme bien des jeunes de son âge, Mathis Boivin voulait découvrir de nouvelles choses et transgresser les règles. Dans la dernière année, il avait eu plusieurs discussions sur la consommation de drogue avec ses parents.
«Il nous a dit qu’il aimerait essayer le pot, raconte le père endeuillé. Ma conjointe et moi avons été très ouverts avec lui. On a discuté des risques et on a même proposé d’en acheter pour lui, pour être certain qu’il consomme quelque chose de sécuritaire.»
Des amis du jeune homme ont confirmé qu’il voulait se procurer de l’oxycodone, au grand dam de sa famille. Les comprimés d’isotonitazène ressemblent à s’y méprendre à ceux de ce médicament d’ordonnance.
«Le coroner a fait une analyse toxicologique et nous a confirmé de quoi il s’agissait. […] Je peux pas croire qu’il existe des gens assez tordus pour vendre ça à des enfants. Mon fils a été empoisonné sans le savoir», souffle Christian Boivin avec colère.
Il soutient que, pour l’instant, le Service de police de la Ville de Montréal n’a pas réussi à identifier la personne qui aurait vendu la substance dangereuse au jeune homme.
Vide immense
Les membres de la famille de Mathis Boivin sont toujours sous le choc, près de deux semaines après la tragédie. Le père souligne que son autre fils et sa fille, âgés respectivement de 10 et 13 ans, ont pris durement la nouvelle, mais qu’ils «font preuve d’une très grande force».
Pour sa part, M. Boivin affirme qu’il veut faire tout en son pouvoir pour éviter que d’autres familles ne vivent la même chose.
«Je ne me cherchais pas de cause à défendre, mais la vie m’en a donné une. Je vais la défendre en mémoire de mon fils», conclut-il.
Les proches et les membres de la famille de Mathis Boivin se réuniront pour une cérémonie en son honneur au courant de la journée de vendredi, à Montréal.
L’isotonitazène, un opioïde trompeur
- Le Service d’analyse de drogue de Santé Canada a émis plusieurs avis sur la présence d’isotonitazène en territoire québécois depuis 2020.
- Imite l’apparence de l’oxycodone, un médicament d’ordonnance. Il est vendu sous forme de comprimé bleu clair portant l’inscription «A/215».
- Peut aussi ressembler en tous points à de l’hydromorphone, une pilule blanche triangulaire aux coins arrondis sur laquelle on trouve, d’un côté, la lettre M et, de l’autre, le chiffre 8.
- Encore plus puissant que le fentanyl, selon les experts. Une seule dose peut être mortelle pour quelqu’un qui n’a pas l’habitude de consommer des opioïdes.
- Intraçable avec des bandelettes de détection du fentanyl. Seule une analyse en laboratoire permet de l’identifier.
- Ses effets peuvent être contrés par l’administration de naloxone, comme les autres opioïdes. Plus d’une dose pourrait être nécessaire.