Un agent infiltré postule, quotidien Junge Welt, 11 janvier 2024

Ce qui est présenté dans le procès contre un employé du Service fédéral de renseignement (BND) devant la cour d’appel de Berlin ressemble parfois à un mauvais thriller d’espionnage. Dans sa déclaration de mercredi, le diamantaire Arthur E., co-accusé, a fait état de voyages conspirateurs à Moscou et d’enveloppes contenant de l’argent qu’il en avait ramené. Il a imposé une lourde charge à Carsten L., homme du BND, mais a laissé de nombreuses questions sans réponse. L. est accusé de trahison dans une affaire particulièrement grave. Il aurait transmis des informations secrètes aux services secrets russes FSB en échange d’un paiement à l’automne 2022.

E. est coaccusé en tant que complice présumé. L’homme d’affaires a expliqué mercredi avoir transporté et remis du matériel du BND à Moscou pour le compte de L. En échange, il en rapportait des « enveloppes ». Selon l’acte d’accusation, les deux hommes auraient perçu respectivement un “salaire d’agent” de 450 000 et 400 000 euros. E. a décrit comment il a rencontré L. et est devenu ami avec lui. L’objectif initial était d’obtenir un permis de séjour en République fédérale d’Allemagne pour un homme d’affaires russe et de « retirer » certains hommes d’affaires russes de la liste des sanctions de l’UE. Bizarre : E. a également déclaré qu’il souhaitait devenir agent infiltré pour le BND et qu’il espérait le soutien de L.

Les deux prévenus sont jugés depuis la mi-décembre et tous deux sont en détention. Dès le début, l’avocat de L., Johannes Eisenberg, a porté de violentes accusations contre les autorités impliquées et a remis en question la procédure. Il a vivement critiqué le fait que le tribunal ait exclu le public le deuxième jour de l’audience afin de protéger les « secrets d’État ». À l’époque, Eisenberg se plaignait qu’en raison du secret, son client n’était pas en mesure de se défendre et se retrouvait seul face à un « énorme appareil de pouvoir ».

L’avocat a parlé d’un « procès-spectacle ». Il n’existe « aucune preuve objective que ce soit que la trahison en question ait eu lieu ». L’accusation s’appuie essentiellement sur les déclarations d’E., qui est “très manipulateur” et “imposteur”, selon l’avocat. Il a parlé de “manipulations de la part du coaccusé, du parquet fédéral, du BND, du BKA et des instigateurs du FBI et de la CIA”. Eisenberg a émis l’hypothèse que le service de renseignement étranger qui aurait informé le BND de la prétendue trahison pourrait être le GUR ukrainien. Le GUR, cependant, est un « service de renseignement militaire qui n’hésite pas à commettre les crimes les plus graves afin d’atteindre les objectifs de son gouvernement ».

Selon le président du tribunal, les informations révélées concernaient des « projets de collecte de renseignements » impliquant des « unités de combat affectées à la Fédération de Russie ». Ce faisant, il a indirectement confirmé des informations parues dans les médias selon lesquelles les documents prétendument transmis concernaient la capacité du BND à lire les chats du groupe de mercenaires russes “Wagner”.

Même lors de l’audience du 20 décembre, Eisenberg n’a pas retenu ses critiques. Il a expliqué que son client était détenu dans un « isolement cellulaire s’apparentant à de la torture ». Parce qu’ils auraient échangé des informations dans une lettre transmise par l’intermédiaire de codétenus, le tribunal a durci les conditions de détention de L. Il aurait exhorté E. à revenir sur ses déclarations. Eisenberg a également critiqué le fait que le parquet fédéral continue d’enquêter à l’insu des personnes impliquées dans le processus et qu’il cache des informations. Les numéros de dossiers ont été falsifiés. Les dossiers du procès sont également organisés d’une manière tellement confuse que cela rend le travail de l’avocat de la défense plus difficile. Il s’agit d’un « système de fichiers probablement intentionnellement perturbé ».