“Un Congolais sur deux souffre de maux des yeux : L’ophtalmologue S. Sembela Itoua alerte sur les risques de maladies oculaires liées à l’industrialisation et à l’utilisation prolongée des écrans”.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B) : Selon un sondage réalisé en 2022 à Pointe-Noire, la moitié des Congolais se plaignent de problèmes oculaires, enfants comme adultes. En tant que spécialiste en ophtalmologie, comment jugez-vous ce phénomène ? S. Sembela Itoua (SSI) : Il est certain qu’il existe diverses maladies oculaires liées à l’industrialisation, au développement humain et surtout à la pollution de l’environnement. Travailler longtemps sur des écrans expose les utilisateurs à certaines pathologies oculaires. À notre époque, l’ordinateur et le téléphone sont indispensables. On ne peut pas travailler sans l’un ou l’autre, ce qui crée d’autres problèmes de santé oculaire. De même, les enfants qui utilisent leur tablette ou leur smartphone pendant une longue durée sont exposés à des maladies oculaires. L.D.B. : Quelles sont les maladies oculaires les plus fréquentes dans vos services ? SSI : Parmi les maladies oculaires courantes, on trouve la conjonctivite allergique, la sécheresse oculaire, les infections des paupières, les anomalies de la réfraction telles que le glaucome, dont le glaucome primitif. L’œil a différents tissus, et chaque tissu peut avoir plusieurs pathologies. Il existe plusieurs types de pathologies liées à la cornée. La plupart des maladies oculaires sont curables, mais certaines ne le sont pas, comme le glaucome primitif à angle ouvert. L.D.B. : Parlez-nous du glaucome, quelle est cette pathologie ? SSI : Le glaucome est une maladie oculaire grave qui peut entraîner une destruction progressive du nerf optique provoquée par une pression intraoculaire excessive. Le glaucome se développe progressivement et est sournois. Les patients atteints de glaucome primitif à angle ouvert ne présentent pratiquement aucun symptôme. Cependant, s’il n’est pas diagnostiqué à temps, le glaucome peut altérer la vue. Les altérations visuelles dues au glaucome affectent d’abord la périphérie du champ visuel, avant de se propager lentement vers le centre. Le glaucome se développe au niveau du nerf optique, qui est comme un câble électrique avec de nombreuses microfibres qui transmettent les informations de l’œil au cerveau. Quand le glaucome s’installe, il fait disparaître progressivement les fibres, conduisant finalement à la cécité. L.D.B. : Quelles sont les causes du glaucome primitif à angle ouvert ? SSI : La cause exacte n’est pas connue. Cependant, certaines personnes sont plus susceptibles de développer un glaucome, notamment les personnes de plus de 40 ans. Les hommes sont plus touchés que les femmes, et il existe des prédispositions génétiques, une pression intraoculaire élevée, une apnée du sommeil ou une hypertension artérielle. L.D.B. : Existe-t-il un traitement pour le glaucome primitif ? SSI : Le traitement du glaucome est à vie et les fibres détruites ne peuvent être récupérées. Toutefois, le traitement peut aider à préserver les fibres restantes. Une fois le traitement connu, l’objectif est de freiner autant que possible la progression de la maladie, et si l’objectif est atteint, le suivi médical doit être poursuivi. L.D.B. : Quel conseil donneriez-vous aux patients atteints de glaucome ? SSI : Je m’adresse particulièrement aux patients congolais atteints de glaucome. Il ne suffit pas de suivre son traitement tous les jours tout en restant chez soi, car ce qui est efficace aujourd’hui peut devenir inefficace quelques années plus tard. En se rendant régulièrement chez le médecin, l’on peut détecter que la maladie a repris son cours et prendre des mesures pour changer le traitement ou en ajouter un autre. Il est donc important de respecter les rendez-vous et le suivi auprès de votre ophtalmologue. L.D.B. : Qu’en est-il du port de lunettes ? SSI : Beaucoup de gens pensent que les verres contiennent un produit chimique qui, une fois inhalé, guérit les yeux. C’est faux ! Les verres sont des lentilles avec des propriétés optiques capables de dévier les rayons lumineux selon certains angles pour permettre de réajuster les images formées à l’intérieur des yeux selon les anomalies de la réfraction. Lorsque nous prescrivons des lunettes, c’est pour permettre aux patients de mieux voir lorsqu’ils les portent et non pour que les lunettes puissent remodeler l’œil. Les lunettes sont comme des béquilles pour un estropié. L.D.B. : Est-ce recommandé pour les enfants de porter des lunettes ? SSI : Il n’y a aucune raison de refuser des lunettes à un enfant qui en a besoin. C’est même mieux si l’enfant qui présente une anomalie de la réfraction porte des lunettes très tôt, à partir d’un an ou six mois, car cela évite l’amblyopie, qui se produit chez l’enfant qui a besoin de porter des lunettes mais qui ne le fait pas à temps. À un moment donné, les images renvoyées par l’œil au cerveau sont difficiles à interpréter, ce qui amène le cerveau à arrêter de traiter les informations provenant de cet œil. En conséquence, l’œil physique continue de fonctionner normalement, mais il ne voit pratiquement plus rien, ce qui peut entraîner des difficultés scolaires. Dans certains pays européens, les enfants ne peuvent pas être inscrits dans des écoles maternelles sans un certificat signé par un ophtalmologue garantissant qu’ils voient bien sans lunettes, car les anomalies de la réfraction telles que la myopie et autres apparaissent dès la naissance et s’aggravent avec l’âge. L.D.B. : Quels conseils donnez-vous à la population en général ? SSI : Le glaucome est une maladie silencieuse que le patient ne remarque pas. Nous ne pouvons le découvrir que lors d’un examen systématique de l’œil lors d’une consultation pour changer de lunettes. Souvent, nous remarquons certains signes qui attirent notre attention, et nous procédons à d’autres examens pour confirmer la présence de la maladie. C’est pourquoi je conseille à la population de consulter systématiquement un ophtalmologue à partir de 40 ans, au moins une fois par an, pour un examen du fond de l’œil et d’autres examens intraoculaires, car il est préférable de diagnostiquer le glaucome précocement. Il détruit progressivement les fibres du nerf optique, et son traitement ne ramènera jamais les fibres détruites. En outre, il est important de ne pas s’automédiquer. Dès qu’il y a un problème oculaire mineur, il faut se rapprocher d’un ophtalmologue pour qu’il puisse examiner et prescrire le traitement à suivre, car certaines personnes ont perdu un œil en 48 heures. Enfin, certains enfants ont été considérés comme incompétents à l’école pendant longtemps car ils voyaient mal. La prescription d’une paire de lunettes a permis d’améliorer leur réussite scolaire.
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