un éboulement, des bouchons et la relance du Lyon-Turin

un éboulement, des bouchons et la relance du Lyon-Turin

Dimanche 27 août, 15 000 mètres cubes de rocs ont dévalé la falaise de la Praz en Savoie. L’éboulement n’a blessé ni tué personne car les capteurs, installés en 2019 après un événement similaire, ont rempli leur office. Mais il a fait une victime collatérale : le tunnel ferroviaire du Mont-Cenis. Les dégâts sur le toit de l’ouvrage, la signalisation et les rails ont entraîné la fermeture pour « au moins deux mois » de la seule voie ferrée transalpine reliant la France et l’Italie pour le fret et les passagers.


L’entrée du tunnel ferroviaire du Mont-Cenis après l’éboulement du 27 août. L’ouvrage et la voie ferrée actuelle Lyon-Turin sont fermés « pour au moins deux mois ».

AFP

Dimanche 27 août, 15 000 mètres cubes de rocs ont dévalé la falaise de la Praz en Savoie. L’éboulement n’a blessé ni tué personne car les capteurs, installés en 2019 après un événement similaire, ont rempli leur office. Mais il a fait une victime collatérale : le tunnel ferroviaire du Mont-Cenis. Les dégâts sur le toit de l’ouvrage, la signalisation et les rails ont entraîné la fermeture pour « au moins deux mois » de la seule voie ferrée transalpine reliant la France et l’Italie pour le fret et les passagers.

L’entrée du tunnel ferroviaire du Mont-Cenis après l’éboulement du 27 août. L’ouvrage et la voie ferrée actuelle Lyon-Turin sont fermés « pour au moins deux mois ».


L’entrée du tunnel ferroviaire du Mont-Cenis après l’éboulement du 27 août. L’ouvrage et la voie ferrée actuelle Lyon-Turin sont fermés « pour au moins deux mois ».

AFP

Pour ne rien arranger, l’éboulement a coupé la départementale 1006 qui passe en contrebas ainsi que l’A 43 (Lyon-Modane-Italie). La circulation a été rapidement rétablie sur l’autoroute mais seulement pour les véhicules légers, empêchant les poids lourds d’accéder au tunnel routier du Fréjus (qui relie Modane, à cinq kilomètres de là, à Bardonnèche en Italie). Résultat : un report massif de camions vers le tunnel du Mont-Blanc avec plusieurs jours d’embouteillages monstres dans les deux sens, conduisant Bison futé à conseiller aux transporteurs reliant la France et l’Italie du nord de faire le grand (et onéreux) détour par la vallée du Rhône et la Côte d’Azur.

Travaux au Mont-Blanc

Annoncée pour ce week-end par le ministre français des Transports, la réouverture aux camions de l’A 43 et du tunnel routier du Fréjus devrait faire baisser la pression au tunnel du Mont-Blanc, dont les travaux de maintenance, annoncés à compter du 4 septembre, avaient, dans l’urgence, été reportés en 2024 d’un commun accord entre Paris et Rome.

Finalement, ces travaux, sur cet ouvrage fermé pendant deux ans après l’incendie de 1999, vont pouvoir débuter. Mais ils seront ramenés à sept semaines au lieu de quinze, a indiqué Clément Beaune. Impossible, en effet, de se passer trop longtemps des deux tunnels transalpins alors que la ligne ferroviaire est désormais coupée sine die.

Stéphane Guggino est le délégué général de La Transalpine, le comité pour la liaison ferroviaire Lyon-Turin.


Stéphane Guggino est le délégué général de La Transalpine, le comité pour la liaison ferroviaire Lyon-Turin.

La Transalpine

Alors que le changement climatique fragilise les Alpes (un pan de l’Aiguille du Midi s’est effondré cet été), la vulnérabilité de la ligne et du tunnel du Mont-Cenis, qui datent de Napoléon III, n’a jamais paru si grande. « La ligne est vétuste, exposée et ses capacités limitées », résume Stéphane Guggino. Pour le délégué général de La Transalpine, l’association qui défend la nouvelle ligne et le tunnel Lyon-Turin, l’éboulement du 27 août impose de hâter l’exécution d’un « projet stratégique », mais qui soulève encore des oppositions côté français.

90 % du fret sur la route

Le nouveau tunnel de 57 kilomètres qui va relier Saint-Jean-de-Maurienne au val de Suse (Italie) sera livré en 2032. Les tunneliers ont déjà foré trente kilomètres de galeries dont douze du tunnel définitif. « Sa construction est irréversible et si ce tunnel existait, il n’y aurait aucun risque de rupture ferroviaire entre les deux pays », plaide Stéphane Guggino qui note que les passagers ralliant Turin depuis Lyon n’ont, ces prochains mois, d’autre solution que de passer par Zurich (Suisse), soit neuf heures de train.

Sous la montagne entre Saint-Jean-de-Maurienne et le val de Suse en Italie, les tunneliers ont déjà creusé 30 kilomètres de galeries dont 12 du tunnel ferroviaire définitif, long de 57 kilomètres.


Sous la montagne entre Saint-Jean-de-Maurienne et le val de Suse en Italie, les tunneliers ont déjà creusé 30 kilomètres de galeries dont 12 du tunnel ferroviaire définitif, long de 57 kilomètres.

MARCO BERTORELLO/AFP

Quant aux marchandises, c’est plus que jamais par la route qu’elles vont passer les Alpes, au désespoir d’élus qui, comme le maire de Chamonix, rêvent d’un « report modal » efficace pour désengorger les vallées. Car 92 % du tonnage (44 millions de tonnes sur 47) circule en camion, laissant une part famélique au rail. Ce qui fait dire à l’économiste des transports Yves Crozet, proche de l’Union routière de France dont il a présidé le cercle de réflexion, que la fermeture pour travaux du tunnel du Mont-Cenis « ne va pas changer grand-chose ».

« Des voies sinistrées »

L’économiste concède que la nouvelle infrastructure sécurisera les convois. Mais refuse de croire qu’il fera basculer le trafic vers le rail. Pourquoi ? « Parce que ce tunnel est un maillon en or sur une chaîne rouillée. » Yves Crozet signifie par là que côté français, les voies permettant d’accéder au tunnel depuis Lyon sont « sinistrées » et que la réalisation de 120 kilomètres de ligne nouvelle, qu’il évalue à dix milliards d’euros, fait du projet « un tonneau des Danaïdes ».

Selon Yves Crozet, « ce tunnel est un maillon en or sur une chaîne rouillée »

Une vue panoramique du chantier du tunnel Lyon-Turin à Saint-Martin-la-Porte (Savoie).


Une vue panoramique du chantier du tunnel Lyon-Turin à Saint-Martin-la-Porte (Savoie).

MARCO BERTORELLO/AFP

Le projet, jugé « d’intérêt européen » par Bruxelles, vise à capter les trafics venant d’Espagne et d’Europe du sud

L’argumentation fait bondir le délégué de La Transalpine : « Nous savons que les accès côté français ne sont pas à la hauteur et peuvent être un goulot d’étranglement, mais la solution est d’investir, pas de ne rien faire. » Stéphane Guggino rappelle que le projet, jugé « d’intérêt européen » par Bruxelles depuis 2004, vise à capter les trafics venant d’Espagne et d’Europe du sud, actuellement aspirés par la vallée du Rhône. Et qu’un tunnel moderne sans voies d’accès à la hauteur serait un non-sens.

L’alternative par Dijon

De l’autre côté des Alpes, le débat est tranché. « Les Italiens, qui consacrent une grosse part du plan de relance européen post-Covid aux infrastructures, livreront les voies d’accès entre Turin et Suse en même temps que le tunnel », précise le délégué de La Transalpine. « Les budgets sont là, les travaux avancent, car cette nouvelle liaison est d’intérêt vital pour l’économie italienne qui va subir le contrecoup de la fermeture provisoire du tunnel du Mont-Cenis. »

L’impatience est d’ailleurs palpable en Italie et à Bruxelles vis-à-vis des atermoiements des Français. Car depuis la DUP (Déclaration d’utilité publique) de 2013 sur les accès au tunnel, le projet patine. Certes, le ministre des Transports Clément Beaune a réaffirmé la nécessité de réaliser ces accès. Mais Paris n’a pas su rassurer ses partenaires en proposant de régler le problème via la rénovation – pour 700 millions d’euros – la ligne Dijon-Chambéry-Modane : « Si cela se faisait au détriment des accès vers Lyon, cela changerait la nature du projet qui deviendrait un Dijon-Turin », s’inquiète Stéphane Guggino.

Avant le 15 janvier 2024

Le délégué de la Transalpine souligne que, même rénovée, la voie Dijon-Modane ne serait pas aux standards requis pour faire circuler la noria de trains de fret – jusqu’à 160 par jour – que les Italiens envisagent de lancer à travers les Alpes. Or, le temps presse. « L’Europe a mis de l’argent sur la table pour les études, mais si l’avant-projet détaillé n’est pas déposé d’ici le 15 janvier 2024, elle pourrait se retirer, ce qui mettrait le Lyon-Turin en péril », complète Stéphane Guggino.

En septembre 2019, le tunnelier devant forer les galeries du Lyon-Turin était présenté côté français à Saint-André (Savoie), non loin du lieu où s’est produit l’éboulement du 27 août 2023.


En septembre 2019, le tunnelier devant forer les galeries du Lyon-Turin était présenté côté français à Saint-André (Savoie), non loin du lieu où s’est produit l’éboulement du 27 août 2023.

JEAN-PIERRE CLATOT/AFP

Un sondage Ifop commandé par les promoteurs du projet indique que 81 % des Rhônalpins sont favorables à ce grand projet ferroviaire, y compris, et dans la même proportion, les sondés proches des deux partis France insoumise et écologistes d’EELV, dont les dirigeants se disent toujours opposés au Lyon-Turin. Depuis l’éboulement du 27 août, les voix discordantes se sont pourtant faites nettement plus discrètes.

2023-09-09 09:30:00
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