Un festival convivial – Daniele Cassandro

Un festival convivial – Daniele Cassandro

2023-08-07 16:41:28

Les festivals de musique, qu’ils soient petits, moyens ou grands, passent par trois phases. La première, héroïque, dans laquelle ils se taillent une place, interceptent leur public et imposent peu à peu une esthétique ; le second dans lequel ils se consolident, osant peut-être quelque chose de plus mais toujours avec attention au public qu’ils ont su cultiver et le troisième, celui de la décadence, dans lequel ils cessent d’être des festivals et deviennent des événements. L’audience croît considérablement, les panneaux d’affichage deviennent de plus en plus confus et généralistes et les sponsors demandent de plus en plus d’espace.

Il est rare qu’un festival réussisse à survivre à la troisième étape et à revenir. Au moins le gigantesque son Primavera à Barcelone essayé après l’édition 2016 (celle dans laquelle Radiohead a pratiquement cannibalisé le reste de l’affiche) ; il n’a jamais essayé Coachella à Indio, en Californie, qui à partir de 2006 (l’année où Madonna a joué en même temps que Tool – j’y étais et ce fut une expérience surréaliste) est devenue une hydre à cent têtes, à la fois terrain de jeu pour les sponsors et arrière-plan pour des influenceurs de moins en moins imaginatifs. Coachella 2006 était une parabole prophétique sur les dangers de la croissance à tout prix, juste l’année où Facebook perfectionnait son modèle publicitaire et se préparait à devenir un mastodonte dévorant le réseau tel que nous le connaissions.

Diversité et plaisir

La septième édition de VIVA ! (Festival international de musique de la Vallée d’Itria), qui s’est tenu à Locorotondo et ses environs du 2 au 6 août, nous a permis d’assister à un festival petit-moyen dans un heureux équilibre entre les première et deuxième phases. Un festival convivial dans lequel les organisateurs et la direction artistique semblent avoir mis l’accent non seulement sur leur public mais aussi sur toutes les variables qui font d’un bon événement une occasion de plaisir et de détente d’une part, mais aussi de diversité culturelle et de recherche sur L’autre.

Le programme de cette édition de VIVA! elle parvient à être variée, parfois même populaire, sans jamais être généraliste. L’alternance, trop souvent laissée au hasard entre spectacles live traditionnels et DJ sets, est ici clairement étudiée et pesée : souvent les frontières qui séparent les deux types d’expériences sont heureusement confondues, comme dans le cas du mémorable set du DJ de Detroit et producteur Moodymann du 4 août.

Les bonobos au festival Viva!.

(Francis Hope)

Même l’égalité des genres dans les panneaux publicitaires, point sensible de la plupart des festivals italiens, semble ici enfin abordée comme une possibilité artistique plutôt que comme une énigme à résoudre. La pianiste et productrice Maria Chiara Argirò, la chanteuse du groupe de synth pop suédois Little Dragon, la productrice canadienne Jayda G, l’expérimentatrice rnb Liv.e avec leur variété de sons et d’expériences, ce ne sont certes pas des citations roses mais elles en sont la colonne vertébrale du panneau d’affichage. Nous ne sommes pas encore cinquante-cinquante de certains festivals européens mais pour l’Italie c’est déjà un résultat remarquable.

L’égalité femmes-hommes dans les festivals, on l’a tous compris enfin, ce n’est pas qu’une question de vide Politiquement correct: il a aussi un effet bénéfique sur le public qui sera plus varié, plus métissé, plus convivial. Cela peut sembler étrange, mais voir des groupes de filles sous la scène d’un festival italien danser parmi les autres sans craindre d’être agacées ou bousculées est encore une chose assez nouvelle.

Ici et maintenant sans smartphone

La particularité des deux concerts principaux de ce VIVA!, celui du canadien Caribou (Daniel Snaith) et celui du britannique Bonobo (Simon Green), est le mélange organique entre électronique et instrumentation live. Les deux performances, à une journée d’intervalle, semblaient se refléter : Caribou plus racé et clubbing (avec des moments presque rave) et Bobobo plus varié et mélodique. Les deux, de différentes manières, montrent à quel point la musique de danse accompagnée d’instruments analogiques peut être passionnante mais aussi élégante. Bonobo en particulier, fort d’une solide section de cuivres, d’un batteur exceptionnel et d’une chanteuse (Nicole Miglis), s’est révélé non seulement un excellent chef d’orchestre mais aussi un habile improvisateur.

In the Caribou and Bonobo fixe les frontières entre la danse et la chanson, entre l’électro et le jazz, entre la danse et l’écoute se sont heureusement dissoutes. La preuve que ce à quoi nous assistions était quelque chose de “réel” et d’organique qui se passait dans l’ici et maintenant, c’était la rareté relative des téléphones portables soulevée : c’était trop beau de suivre les regards que Green, de son poste de dj-producteur, échangeait avec le musiciens, ces « signaux » de big band qu’il lançait sur les percussions, la basse, la guitare et les cors. Trop beau pour s’en remettre à un écran de smartphone.

Si Caribou et Bonobo ont hybridé acoustique et électronique, numérique et analogique, le britannique Cymande, groupe historique de funk psychédélique des seventies miraculeusement reformé en 2014, a ramené le 4 août les racines de la liberté que nous avons aujourd’hui de mélanger les genres et les techniques. Cymande (“colombe” en langue créole), tous descendants de différents pays de la zone anglophone des Caraïbes, ont été des pionniers qui ont incorporé des éléments de rock, de reggae, de calypso et de jazz dans trois albums sortis entre 1971 et 1974. Leur carrière fut courte mais leur éclectisme continua à couler, tel un fleuve karstique, tout au long des années 80 et 90 : Cymande devint un objet culte pour les britanniques Rare groove blasters et une source inépuisable de samples pour les pères du hip hop comme Kool Herc et Grandmaster Flash et pour leur progéniture plus éclectique, afrocentrique et intellectuelle comme De La Soul ou le MC français Solaar.

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Cymande, aujourd’hui septuagénaire (deux des membres originaux sont décédés en 2020), monte sur scène à VIVA! avec l’autorité des pères fondateurs et la fraîcheur d’un groupe nouvellement redécouvert. La joie qu’ils ont à jouer ensemble est contagieuse. Derrière eux défilent des images historiques de leur carrière : les premières photos de groupe, le concert au théâtre Apollo de Harlem (ils furent les premiers Anglais à jouer dans le temple de la musique afro-américaine) puis leurs singles : fétiches sacrés pour collectionneurs et Rare amateurs de groove.

Longs workouts funk à queue psychédélique, ballades soul, incursions dans le gospel et le reggae se succèdent dans un set aux allures de célébration de la musique sans frontières. Quand Ray King, le chanteur de Cymande, nous invite à répéter avec lui « La musique est le message et le message est la musique », cela ressemble à une messe, à un rituel, à une manifestation de ce souffle presque religieux qui traverse la meilleure danse. la musique s’est développée au cours des cinquante dernières années. Le tout sous une immense lune et un ciel dégagé qui une seule fois, dans la nuit orageuse de vendredi à samedi, nous a ramenés à un été dont on se souviendra pour ses changements climatiques et ses phénomènes météorologiques extrêmes.

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