Amoureux de littérature latino-américaine, qui vous êtes délectés des intrigues foisonnantes de Cent Ans de solitude ou l’Amour aux temps du choléra, une bonne nouvelle vous attend : un nouveau roman de Gabriel García Márquez. Nous nous verrons en août (On se voit en août en VO) est paru dans sa version espagnole mercredi 6 mars. Il arrivera dans les librairies françaises le 13 mars, chez Grasset. C’est l’histoire d’Ana Magdalena Bach, une quadragénaire qui s’ennuie dans son mariage paisible avec un chef d’orchestre et profite de sa visite annuelle sur la tombe de sa mère dans les Caraïbes, tous les 16 août, pour s’aventurer à des liaisons avec des inconnus. Il s’agit d’un roman posthume : l’écrivain colombien, prix Nobel de littérature en 1982, hispanophone le plus traduit dans le monde au XXIe siècle, est mort en 2014, à 87 ans.
«Ce livre n’est pas bon, il faut le détruire»
Longtemps, la parution de Nous nous verrons en août a semblé incertaine, voire compromise. Car Gabriel García Márquez, tourmenté à la fin de sa vie par un cancer et des pertes de mémoire récurrentes, avait fait part à ses proches de sa réticence à voir publiée son ultime œuvre. Il avait pourtant commencé à travailler ce texte plus de quinze ans avant sa mort, en avait rédigé cinq versions et avait gribouillé sans relâche des notes sur plusieurs centaines de pages. En 1999, il en avait même lu le premier chapitre lors d’une réunion publique à Madrid, en compagnie de l’auteur portugais José Saramago, lui aussi prix Nobel. Des passages avaient été publiés dans la presse, et une version avait été transmise à son éditeur. Puis «Gabo» avait trouvé le roman mauvais, trop pour être diffusé. «Ce livre n’est pas bon. Il faut le détruire», aurait-il ainsi déclaré, au début de la décennie 2010. Sur décision familiale, le manuscrit avait été conservé au Harry Ransom Center, une bibliothèque de l’université du Texas, aux Etats-Unis.
Jusqu’à ce que les deux fils de Gabriel García Márquez, Rodrigo García et Gonzalo García Barcha, décident de désobéir à la volonté paternelle, qu’ils attribuent à la démence dont souffrait l’intéressé. Il y a deux ans de cela, les frères, dont la mère est décédée en août 2020, décident de déterrer le manuscrit et de le soumettre à des universitaires. Ceux-là assurent que le texte mérite d’être publié. «Lorsque nous avons lu les versions, nous nous sommes rendu compte que le livre était bien meilleur que ce que nous pensions. Nous avons commencé à soupçonner que Gabo avait perdu la capacité d’écrire, mais aussi la capacité de lire [et donc] de juger» sa propre œuvre, a expliqué le cadet, Gonzalo, lors d’une conférence de presse en ligne organisée depuis l’Espagne, mardi.
Un minutieux travail «d’archéologie»
Commence alors un minutieux travail «d’archéologie», dixit Rodrigo, par ailleurs cinéaste. Il s’agit, pour la famille de Gabriel García Márquez, soutenue par l’éditeur Cristobal Pera, qui avait accompagné le défunt dans la rédaction de ses mémoires, de faire le tri dans les notes éparpillées du romancier, sur la base de la version la plus récente, datée de 2004, sur la pochette de laquelle Gabo avait inscrit la mention «Grande finale OK».
Tout à leur mission, et à leur inquiétude de se voir reprocher un projet à but lucratif sur la mémoire de leur père, les archéologues improvisés se sont imposé une contrainte : ne pas ajouter un seul mot qui ne provienne des notes du Prix Nobel. Le résultat de leurs efforts est un petit livre d’une centaine de pages (rien à voir avec les sommes que sont Cent Ans de solitude et l’Amour aux temps du choléra), qui sortira dans plusieurs dizaines de langues. Ses enfants l’ont confirmé : cette fois, ce sera bien la dernière œuvre publiée de Gabriel García Márquez.
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