2024-07-10 05:30:05
La Cour supérieure de justice de l’Ontario a certifié un recours collectif contre le gouvernement fédéral concernant l’utilisation des prisons provinciales pour les détenus immigrants.
La poursuite représente 8 360 personnes qui ont été détenues dans 87 prisons provinciales et territoriales par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) entre 2016 et 2023.
Dans la décision rendue vendredi, le tribunal a rejeté chacune des 15 objections soulevées par les avocats du gouvernement fédéral qui tentaient d’empêcher la poursuite de l’action.
« Les détenus immigrants étaient incarcérés dans des prisons provinciales et étaient confrontés aux mêmes conditions que les détenus criminels, notamment le mélange avec des délinquants violents, l’utilisation de moyens de contention tels que des chaînes et des menottes, des fouilles à nu et de sévères restrictions de contact et de mouvement », a écrit le juge Benjamin Glustein.
Les ressortissants étrangers et les résidents permanents détenus par l’ASFC en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ne sont pas accusés d’un crime.
« Selon le droit canadien et international, la détention des immigrants est de nature administrative et ne peut être punitive », selon le recours collectif.
« Néanmoins, l’ASFC a pour pratique de longue date de détenir des milliers de détenus de l’immigration dans des prisons provinciales en vertu d’ententes avec les provinces et les territoires. Cette pratique viole les droits garantis par la Charte aux détenus. »
Le gouvernement fédéral n’a pas indiqué s’il ferait appel de la décision du tribunal.
Le complexe correctionnel Maplehurst de Milton, en Ontario, est l’une des 87 prisons provinciales et territoriales où des personnes ont été détenues pour des raisons administratives liées à leur dossier d’immigration. (Evan Mitsui/CBC)
« Des dizaines de fouilles à nu »
L’un des plaignants représentant les détenus immigrés est Tyron Richard, originaire de la Grenade.
Richard a passé 18 mois dans trois prisons à sécurité maximale différentes en Ontario de janvier 2015 à juillet 2016, même s’il n’était pas considéré comme dangereux. Il était détenu parce qu’il présentait un risque de fuite.
Il a déclaré qu’en prison, il avait été soumis à des dizaines de fouilles à nu.
« J’ai dû me déshabiller, me retourner, me pencher, écarter les fesses et subir une inspection de mon anus par un gardien avec une lampe de poche, ainsi qu’une inspection visuelle sous et à côté de mes parties génitales », a déclaré Richard dans sa déclaration sous serment. « Je décrirais ma vie en prison comme un véritable enfer, où je pleurais presque tous les jours. »
Il n’a pas non plus bénéficié d’une quelconque intimité avec son compagnon de cellule ou ses gardes, a déclaré Richard.
« Les toilettes étaient ouvertes dans la pièce juste à côté de la porte. »
Tyron Richard, un ancien détenu de l’immigration, se dit fier de pouvoir désormais lutter contre cette « pratique inhumaine ». (Soumis par Tyron Richard)
La communication avec les amis et la famille était extrêmement difficile.
« Les visites se faisaient sans contact et se déroulaient dans des cabines vitrées, à l’aide d’un téléphone, et étaient limitées à 15 à 20 minutes seulement », a déclaré Richard.
Il a depuis retrouvé son statut de résident permanent et demande actuellement à devenir citoyen canadien.
« Je suis fier de pouvoir désormais me lever et lutter contre cette pratique inhumaine au nom de la classe pour contribuer à garantir que cela n’arrive à personne d’autre », a déclaré Richard dans une déclaration fournie par ses avocats.
La plupart sont considérés comme un risque de fuite
L’ASFC peut détenir des ressortissants étrangers, y compris des demandeurs d’asile, si leur identité n’a pas été suffisamment bien établie, s’ils sont considérés comme un danger pour le public ou s’ils sont considérés comme un risque de fuite, ce qui signifie que l’agence frontalière estime qu’ils ne se présenteront pas aux processus d’immigration, y compris l’expulsion.
Au fil des ans, plus de 80 % des détenus ont été placés en détention pour risque de fuite.
L’ASFC peut choisir de détenir un détenu de l’immigration soit dans l’un de ses trois centres de détention de l’immigration, soit dans des prisons utilisées en vertu d’accords avec les gouvernements provinciaux.
Depuis 2022, la plupart des provinces se sont retirées de ces accords, certaines affirmant que cette pratique est contraire aux obligations du Canada en matière de droits de la personne.
« Il est difficile d’imaginer vivre dans un endroit où le gouvernement peut incarcérer des personnes qui n’ont été accusées d’aucun crime, dans des prisons à sécurité maximale où elles sont soumises à des conditions cruelles, notamment l’isolement cellulaire et les fouilles à nu », a déclaré l’avocat spécialisé en immigration Subodh Bharati, l’un des avocats à la tête du recours collectif.
« Pourtant, c’est ce que fait l’ASFC aux détenus de l’immigration, qui comptent parmi les personnes les plus vulnérables de notre pays. »
L’avocat spécialisé en immigration Subodh Bharati salue le jugement du tribunal qui autorise le recours collectif contre le gouvernement fédéral. (Evan Mitsui/CBC)
Pour ceux que représente Bharati, la bataille est loin d’être terminée.
La certification signifie que le tribunal estime qu’il y a suffisamment de preuves pour justifier le procès, mais seul un futur procès déterminera si le groupe de détenus de l’immigration ou le gouvernement fédéral remporte le procès.
La demande vise à obtenir 100 millions de dollars de dommages et intérêts, à répartir entre les plaignants s’ils gagnent.
Radio-Canada a contacté les bureaux du ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, responsable de l’ASFC, et du ministre de la Justice, Arif Virani. Aucun des deux n’a fait de commentaires sur la décision du tribunal ontarien.
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