(Agence Ecofin) – Après avoir officialisé leur réconciliation en 2022 suite à une brouille diplomatique, Rabat et Madrid s’efforcent de renforcer les bases de leur nouveau partenariat stratégique et inaugurent un nouveau cycle dans les relations triangulaires entre le Maroc, l’Espagne et l’Afrique en soutenant le projet de gazoduc entre le Royaume Chérifien et le Nigéria.
A Rabat, le roi Mohammed VI et Pedro Sanchez se rencontrent pour la deuxième fois depuis la fin de la crise diplomatique entre le Maroc et l’Espagne en mars 2022. Annoncée par la présidence espagnole, cette visite du responsable espagnol, la première après sa récente réélection, souligne “les liens profonds qui unissent les deux pays”, indique le communiqué du gouvernement espagnol, qualifiant le Maroc de “pays voisin, ami et allié stratégique de l’Espagne dans tous les domaines”. Cela illustre l’engagement pris par Pedro Sanchez dans la lettre adressée au roi du Maroc le 14 mars 2022 en vue d’inaugurer une nouvelle phase dans les relations entre les deux pays.
Accueilli par son homologue marocain Aziz Akhannouch, le Premier ministre espagnol était accompagné de son ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, et de la secrétaire générale des Affaires étrangères, Emma Aparici. A son arrivée au palais royal de Rabat, le roi du Maroc a salué le président du gouvernement espagnol et les membres de la délégation qui l’accompagnent, comme le montrent les premières images officielles. Au menu de cette audience avec le souverain chérifien : le dossier du Sahara, la feuille de route maroco-espagnole et la co-organisation de la Coupe du monde 2030.
Deux ans de coopération à tous les niveaux
En ce qui concerne le dossier du Sahara Occidental, rien n’a changé par rapport au ralliement de l’Espagne à la position marocaine et la fin de la neutralité espagnole, qui a permis ce dénouement dans les relations entre Madrid et Rabat il y a deux ans. Dans ce sens, le roi Mohammed VI a ainsi “remercié l’Espagne pour cette nouvelle position constructive et importante”, indique le communiqué du cabinet royal, ce mercredi 21 février. Il convient de rappeler que Madrid a qualifié le plan marocain de “la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution de ce différend”.
Si les relations entre Alger et Madrid sont qualifiées de tumultueuses par de nombreux observateurs, les rapports entre Rabat et Madrid, eux, sont au beau fixe. En effet, la mise en œuvre de la feuille de route adoptée en 2022 va bon train, de l’aveu du chef de la diplomatie espagnole, qualifiant le premier bilan de “très positif”, dans une interview accordée à l’agence de presse marocaine le 13 décembre 2023, lors de sa visite au Maroc. Une visite qui avait pour but de “relancer” l’agenda en plaçant le Maroc comme “la première priorité” de la politique étrangère espagnole dans cette nouvelle législature.
Avec des échanges commerciaux chiffrés à 20 milliards d’euros, soit une hausse de 40% depuis 2022, l’Espagne est devenue ainsi le premier client et fournisseur du Maroc, qui aujourd’hui est le troisième partenaire économique et commercial de l’Espagne en dehors de l’UE, après le Royaume-Uni et les États-Unis. Pour aller plus loin, l’Espagne s’apprête à porter ses investissements au Maroc à 45 milliards d’euros d’ici 2050. Ce chiffre annoncé par Pedro Sanchez traduit la volonté de la partie espagnole d’explorer les opportunités offertes par cette relation renouvelée, notamment dans les secteurs clés tels que la désalinisation de l’eau, l’agriculture, le tourisme, le transport ferroviaire. Le responsable a saisi cette occasion pour exprimer son satisfecit quant aux résultats de la coopération migratoire, sujet très important pour Madrid. Chiffres à l’appui. Le nombre des entrées illégales en Espagne depuis Ceuta et Melilla a baissé de 80 % au premier trimestre 2023, selon le ministère de l’intérieur espagnol. Au total, le Maroc a empêché 75 184 personnes de migrer illégalement vers l’Europe en 2023, ce qui correspond à une hausse de 6 % par rapport à l’année précédente.
Le rapprochement entre les deux pays s’opère cependant à un autre niveau cette fois-ci, au vu de l’intérêt que porte l’Espagne pour les initiatives stratégiques lancées par le monarque, à savoir, le gazoduc Nigéria-Maroc et l’initiative visant à favoriser l’accès des États du Sahel à l’Atlantique, signe de l’importance que revêt cette rencontre.
Un autre volet des discussions entre Mohammed VI et Pedro Sanchez : l’organisation conjointe – avec le Portugal – de la Coupe du Monde de football 2030, qui constitue pour Rabat “un levier supplémentaire de renforcement des relations bilatérales”. Un défi certes, mais surtout une opportunité notamment pour la partie espagnole, qui souhaite “explorer les possibilités de coopération et d’investissement dans la perspective de concrétiser ce projet passionnant”, souligne le responsable espagnol. Cette édition spéciale marquera le centenaire de l’une des compétitions les plus attendues de la planète. Cette candidature du trio Maroc-Espagne-Portugal, annoncée en mars dernier, a été également au cœur du dernier discours annuel prononcé par Mohammed VI à l’occasion de son accession au Trône. L’ambition du souverain chérifien, qui accorde visiblement une grande importance à ce dossier, est que cette édition “inscrive sa marque dans l’Histoire”. De par sa dimension historique, Mohammed VI y voit “une passerelle entre deux continents et deux civilisations : l’Afrique et l’Europe”. Cette formule intercontinentale nécessitera cependant un montage logistique inédit.
Et si Paris emboîtait le pas à Madrid ?
Alors que les relations unissant le Maroc et l’Espagne vivent aujourd’hui le “meilleur moment de leur histoire”, comme le souligne l’ancien président du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero, la diplomatie française, elle, commence à opérer “un changement d’approche”, après une longue période de froid, laissant présager un réchauffement progressif de la relation entre Rabat et Paris. Et pour preuve : la réception réservée par la première dame française aux princesses Lalla Meryem, Lalla Asmaa et Lalla Hasnaa, qui a suivi un entretien téléphonique entre le Président Macron et le roi Mohammed VI. Cependant, une lettre confidentielle française se fait l’écho d’une prochaine visite de Stéphane Séjourné, chef de la diplomatie française, prévue pour le 25 février. Un enjeu majeur pour ce ministre français chargé de construire un nouvel agenda politique avec le Maroc, qui a de nombreuses attentes, notamment dans le dossier du Sahara, prisme à travers lequel Rabat considère son environnement international.