L’industrie des plastiques a connu une évolution spectaculaire au cours du dernier siècle, passant de 1,5 millions de tonnes produites par an en 1950 à plus de 430 en 2022. Cela revient à une progression moyenne de 8,5% par an, du jamais vu pour aucune autre famille de matériaux. Et pour cause: ces matériaux légers, résistants et très polyvalents ont progressivement remplacé le bois et d’autres matériaux naturels, le verre ou les métaux dans nombre d’applications. Mais cette évolution n’est pas sans conséquences et le constat n’est plus à faire: les déchets plastiques éparpillés dans l’environnement sans s’y dégrader représentent une véritable menace pour les écosystèmes et les populations. Plusieurs voies sont donc à l’étude, certaines déjà bien abouties, pour collecter, récupérer, trier et valoriser ces déchets.
Les plastiques sont majoritairement constitués de polymères, longues chaînes macromoléculaires obtenues par la réaction entre elles de plus petites molécules: les monomères. Idéalement, le recyclage des déchets plastiques devrait permettre de revenir au matériau initial – le monomère – pour produire de nouveaux plastiques, ou encore d’autre produits chimiques ou intermédiaires réactionnels à haute valeur ajoutée. Le recyclage chimique par dépolymérisation des polymères en monomères se heurte cependant à un obstacle de taille: le faible coût des monomères vierges issus de la pétrochimie.
L’upcycling des polymères est une autre approche prometteuse qui transforme les polymères issus des déchets plastiques en molécules à plus haute valeur ajoutée. Selon les situations, ce schéma d’upcycling peut offrir une alternative énergétiquement et parfois écologiquement plus favorable que le recyclage chimique traditionnel par dépolymérisation. Pour être économiquement viable, cette approche doit cependant produire des composés plus précieux que les monomères et les polymères vierges.
Dans ce contexte, des chimistes de l’Institut de recherche de chimie Paris (CNRS/Chimie ParisTech/PSL) se sont intéressés à l’upcycling de déchets de caoutchouc nitrile-butadiène (NBR). Ce caoutchouc synthétique très répandu est un copolymère composé de deux monomères différents: l’acrylonitrile (A) et le butadiène (B). Les proportions de A et de B permettent de faire varier à souhait les propriétés de ce caoutchouc résistant à l’huile, au carburant et à d’autres produits chimiques.
Un procédé en une étape de décomposition de déchets de caoutchouc NBR en présence de catalyseurs commerciaux (ruthénium et magnésium) permet de générer de produits à haute valeur ajoutée comme des polyesters insaturés.
© Christophe Thomas
Le NBR est le plus souvent utilisé là où une haute résistance à l’huile est nécessaire, comme dans les joints d’étanchéité automobiles et les joints ou tuyaux pour le transport des produits pétroliers. Le NBR est également utilisé dans le domaine textile, où son application sur des tissus tissés et non tissés améliore la finition et les propriétés d’imperméabilisation. La fin de vie des produits en NBR dépend du produit lui-même. En général, ils sont jetés dans une décharge où ils se dégraderont finalement et libéreront des produits chimiques dans l’environnement.
L’équipe de scientifiques propose une alternative bien plus écologique qui utilise plusieurs catalyseurs commerciaux à base de ruthénium et de magnésium et permet de valoriser en une seule étape les déchets de caoutchouc nitrile-butadiène. Dans ce procédé se forment des petites molécules nitriles directement valorisables ainsi que des oligomères (chaînes très courtes) de butadiène convertis en acides difonctionnels. Ces derniers réagissent avec des alcools biosourcés pour former des polyesters insaturés. Cette méthode très prometteuse permet donc de convertir dans des conditions douces les déchets de caoutchouc en un nouveau polymère dont la structure et les propriétés sont hautement modulables.
Ce travail, paru dans la revue Édition internationale de chimie appliquée, représente une stratégie intéressante pour le développement efficace et durable de nouveaux écomatériaux haute performance qui s’inscrit dans une économie circulaire des matières plastiques.
Rédacteur: AVR
Référence:
Une nouvelle vie pour le caoutchouc nitrile-butadiène : exploiter conjointement la métathèse et la condensation pour les réincorporer dans des matériaux d’origine biologique
Jakhongir Bekmirzaev, Malaury Simon, Sara D’Aniello, Mina Mazzeo, Sander J. Cohen-Janes, Robert T. Mathers, Régis M. Gauvin & Christophe M. Thomas.
Édition internationale de chimie appliquée 2024
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