Si les ventes de véhicules électriques ont augmenté ces derniers mois, dépassant même les voitures diesel pour la première fois au mois de septembre (lire ci-contre), le marché de l’occasion, lui, semble n’émerger que partiellement.
À Chartres, l’entreprise Les Grandes Occasions, spécialisée dans la vente de véhicules d’occasion, qui propose également un service de location, n’a pas vraiment de voitures électriques à la vente. « On a eu une Renault Zoé à la vente une fois », se rappelle Patrice Quiet, vendeur automobile. « Mais de mémoire, ce n’est arrivé qu’une seule fois. Pour l’instant, il n’y a quasiment que les Zoé sur le marché de l’occasion et la plupart du temps, elles retournent chez Renault donc à notre échelle, nous n’avons pas encore vraiment de retour. »
Du côté du garage AMG Auto, situé à Mainvilliers, la tendance est sensiblement la même. « Je n’ai pas de véhicules électriques d’occasion en ce moment, mais j’en ai eu deux il y a quelque temps, deux Renault Zoé de 2014 », confie Maty Granit, le responsable du garage. « Mais par rapport à l’autonomie, les retours clients que l’on a, ce n’est pas du tout ça, ils n’en sont pas du tout contents. »
Des expériences clients mitigées, auxquelles s’ajoute également le prix de la location de la batterie. « En tant que professionnel, quand je récupère un véhicule électrique, je dois également payer le prix de la location de la batterie et pour cela, on n’est pas toujours prévenu. Entre ça et les retours clients, pour l’instant, ça m’a un peu dégoûté, je n’ai pas trop envie d’en rentrer à nouveau », s’agace le responsable.
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Un problème d’autonomie de batterie récurrent, qui freinerait quelque peu l’émergence du marché des véhicules électriques d’occasion. « La progression constante des technologies dans le domaine de l’électrique fait que l’on a un problème sur le marché de l’occasion. Les premiers modèles que l’on peut trouver sont vite dépassés en termes d’autonomie des batteries », analyse Pierre Chasseray, délégué général de l’association nationale 40 millions d’automobilistes.
« C’est le premier frein au marché de l’occasion : c’est une vraie problématique, les gens sont embêtés à cause de ça puisqu’ils ne veulent pas forcément investir dans des modèles dépassés technologiquement. »
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« Il faut comprendre que tous les Français ne sont pas électrocompatibles »
Pour autant, chez Renault Chartres, le succès des véhicules électriques d’occasion semble être au rendez-vous, malgré l’usure des batteries. « Actuellement, nous avons cinq Zoé à vendre. Dès qu’on les rentre, ce sont des véhicules qui partent très vite, notamment dans ce contexte, avec l’augmentation du prix de l’essence et les difficultés d’approvisionnement », explique Cyril, conseiller automobile de la concession. « Les clients que l’on a sont souvent des habitués de l’électrique, qui choisissent la location avec option d’achat. Ils repartent simplement avec une capacité d’autonomie plus grande, mais sont toujours très satisfaits. »
Clément Molizon, délégué général de l’Avere, une association qui œuvre en faveur du développement de la mobilité électrique, tient à rappeler que ce marché dépend inévitablement de celui du neuf : « Selon qui possède les véhicules et combien de temps, on ne peut évidemment pas avoir un million de véhicules d’occasion d’un coup. Aujourd’hui, il est vrai que le marché des voitures électriques d’occasion est principalement porté par les concessionnaires, qui, en général, récupèrent leurs propres véhicules. Cela va donc mettre un peu de temps avant que le marché de l’occasion en électrique n’abonde. »
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Des offres encore peu nombreuses et assez limitées en termes de modèles proposés, mais aussi un véritable décalage entre la volonté du gouvernement et les habitudes des consommateurs, selon l’association 40 millions d’automobilistes. « Le gouvernement pêche sur le fait que le véhicule électrique ne répond pas aux besoins de tout le monde. Il faut comprendre que tous les Français ne sont pas électrocompatibles », martèle Pierre Chasseray.
« Posséder un véhicule électrique n’est utile que quand on fait de l’urbain ou du périurbain et qu’on peut le recharger chez soi, autrement, cela n’a pas beaucoup d’intérêt et on le sait, ce n’est pas le cas de tous les Français. »
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Des aides peu adaptées au marché de l’occasion
Les aides à l’achat d’un véhicule électrique sont nombreuses : bonus écologique et prime à la conversion représentent très souvent une somme de plusieurs milliers d’euros : jusqu’à 5.000 € de bonus au 1er janvier 2023, notamment. Pour autant, en ce qui concerne les voitures électriques d’occasion, le bonus écologique plafonne à 1.000 €. « Aujourd’hui, avec toutes les aides et les bonus, il est en fait plus intéressant de partir directement sur un véhicule neuf », décrypte Pierre Chasseray. « Cela peut aussi être une des raisons pour lesquelles les consommateurs ne se tournent pas vraiment vers l’électrique d’occasion. »
« Alors que six Français sur sept achètent de l’occasion, les aides sont encore trop faibles. Si l’on veut toucher les classes moyennes avec l’électrique, ce sont elles qu’il va falloir aider davantage, surtout avec la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE) qui va les contraindre à investir », poursuit Clément Molizon.
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Avec la récente augmentation des prix de l’électricité, la crainte est pour l’heure de voir le prix de la recharge s’envoler. « Mais dans tous les cas, l’électrique restera moins cher que l’essence », conclut le délégué général de l’Avere.
Les ZFE font débat. Instaurées dans le cadre de la loi Climat et résilience en août 2021, les zones à faibles émissions (ZFE) sont entrées en vigueur dans onze métropoles françaises. Elles seront, à terme, mises en place dans toutes les agglomérations de plus 150.000 habitants et incitent donc à l’achat d’un véhicule “propre”. Dans les centres-villes de ces zones, les véhicules les plus polluants (vignettes Crit’Air 5, 4, voire 3) sont soumis à des restrictions de circulation, mais la mesure divise. « Tout le monde est concerné, les personnes qui n’habitent pas dans ces agglomérations aussi. Même en cas de déplacement ponctuel, cela reste une contrainte », peste Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 millions d’automobilistes. « Le véhicule électrique n’est pas le véhicule de tout le monde, il faut arrêter de vouloir tordre le bras des Français. »
Laura Alliche