(Caracas) Plusieurs pays d’Amérique latine ont dénoncé samedi la prestation de serment contestée de Nicolas Maduro pour un troisième mandat à la tête du Venezuela, le Brésil citant notamment “sa grande inquiétude” face aux “violations des droits de l’homme des ‘opposants’.
Publié hier à 19h47
Margioni BERMUDEZ Agence France-Presse
Proclamé vainqueur de l’élection présidentielle de juillet malgré des soupçons de fraude massive, M. Maduro, au pouvoir depuis 2013, a été investi vendredi pour un nouveau mandat de six ans, une cérémonie largement boudée par la communauté internationale.
L’ancien président colombien Alvaro Uribe a appelé samedi à une intervention militaire “pour chasser” M. Maduro tandis qu’à Caracas ses partisans célébraient son investiture avec un grand défilé de motards dans la capitale Caracas.
L’Équateur, le Panama, le Costa Rica et la République dominicaine, qui composent l’Alliance pour le développement en démocratie (ADD), ont rejeté « de la manière la plus énergique l’acte illégitime d’investiture ». […] produit d’une fraude électorale imposée par la terreur d’État contre le peuple vénézuélien », selon un communiqué.
“Même si nous reconnaissons des gestes de détente du gouvernement Maduro, comme la libération de 1.500 détenus ces derniers mois, le gouvernement brésilien déplore les récents épisodes d’arrestations, de menaces et de persécution d’opposants politiques” vénézuéliens, a affirmé le ministère des Affaires étrangères de Le Brésil dans un communiqué.
Le Brésil du président de gauche Luis Inácio Lula da Silva n’a pas officiellement reconnu la victoire du président socialiste, exigeant que le gouvernement vénézuélien publie le procès-verbal des élections de juillet.
Des sit-in pour la « liberté »
M. Maduro a été proclamé vainqueur de l’élection présidentielle du 28 juillet avec 52 % des voix par le Conseil national électoral (CNE), considéré comme aux ordres du pouvoir. La CNE n’a pas rendu public les procès-verbaux des bureaux de vote, se disant victime d’un piratage informatique, jugé peu crédible par de nombreux observateurs.
L’opposition, qui a publié le procès-verbal fourni par ses scrutateurs, assure que son candidat Edmundo González Urrutia a obtenu plus de 67% des voix.
PHOTO ARNULFO FRANCO, ARCHIVES DE L’AGENCE FRANCE-PRESSE
Edmundo González Urrutia
“Le Brésil exhorte les forces politiques vénézuéliennes à dialoguer et à rechercher une entente commune, basée sur le respect des droits de l’homme”, a souligné le gouvernement Lula dans son communiqué. Vendredi, le président brésilien et son homologue français Emmanuel Macron ont appelé M. Maduro à « reprendre le dialogue avec l’opposition ».
En Colombie, l’ancien président de droite Alvaro Uribe a participé à un sit-in pour la « liberté » à Cucuta, à la frontière vénézuélienne, en déclarant : « Faites savoir à cet escroc que ce que nous préconisons est une intervention militaire internationale avec l’armée vénézuélienne pour renverser la dictature […] et convoquer immédiatement des élections libres.
A Caracas, le camp pro-Maduro s’affiche dans un centre-ville encore sillonné par un important dispositif sécuritaire.
“Nous sommes avec toi Maduro, avec toi jusqu’à la mort”, a déclaré un motard, Victor Izarra, à la chaîne publique qui a diffusé samedi les images du défilé dans la capitale.
Un pouvoir « fort »
Sur les réseaux sociaux, M. Maduro a rappelé que l’armée lui avait réaffirmé son soutien. « Ce nouveau mandat est une opportunité de renforcer la paix », a-t-il assuré.
Il a défié l’ancien président colombien Alvaro Uribe, le qualifiant de « triste personnage paramilitaire et trafiquant de drogue », lors de la clôture d’un festival « antifasciste » à Caracas.
“Espèce de lâche, tu te présente devant les troupes d’Alvaro Uribe, je t’attendrai sur le champ de bataille”, a réagi Maduro.
Vendredi, l’opposition a qualifié l’investiture de “coup d’État” et M. González Urrutia a appelé l’armée à “désobéir aux ordres illégaux”.
L’opposant, qui avait envisagé de revenir d’exil pour prêter serment à Caracas et prendre le pouvoir, a finalement renoncé à ce projet de peur d’être arrêté. Sa tête est mise à prix 100 000 dollars.
“Je ne vois aucun moyen de [Maduro] inverse à l’heure actuelle. Le gouvernement est plus fort aujourd’hui qu’il y a quelques années”, a déclaré à l’AFP Rebecca Hanson, spécialiste de l’Amérique latine à l’Université de Floride.
Le pouvoir “n’a pas montré de signes majeurs de faiblesse et le gouvernement de Maduro a pris des mesures ces dernières années pour écarter – dans certains cas en emprisonnant – ceux qui auraient pu constituer une menace”, souligne-t-elle.
« Il n’y a également aucun signe crédible indiquant que l’armée est prête à faire volte-face. Cela ne signifie pas que Maduro restera encore six ans, mais à moins que certains de ces facteurs ne changent, il est très peu probable qu’il soit démis de ses fonctions » à court terme, estime-t-elle.
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