Damien Saboundjian, un policier de 36 ans, jugé pour avoir tué d’une balle dans le dos un malfaiteur armé, a été acquitté ce vendredi par la cour d’assises de Seine-Saint-Denis sous les hurlements de manifestants qui ont crié : «pas de justice, pas de paix». A l’annonce de ce verdict, prononcé après six heures de délibération, les cris de «la police tue et la justice acquitte» ont aussi retenti dans la salle d’audience archicomble dans laquelle un impressionnant dispositif de sécurité avait été déployé pour protéger l’accusé.
Contrairement à l’accusation qui avait requis cinq ans de prison avec sursis, la cour a donc estimé que Damien Saboundjian avait agi en état de légitime défense et qu’il n’était donc pas responsable pénalement de la mort d’Amine Bentounsi, tué d’une balle dans le dos lors d’une course-poursuite dans les rues de Noisy-le-Sec, le 21 avril 2012. Le fonctionnaire devait répondre de «violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner», des faits passibles de 20 ans de réclusion car commis, circonstance aggravante, par une personne dépositaire de l’autorité publique.
VIDEO. Affaire Bentounsi : tension au tribunal après le verdict
En début d’après-midi, à 13h45, la Cour d’assises de Bobigny était pleine à craquer pour entendre les derniers mots de l’accusé. «J’ai agi en légitime défense, et j’ai un mort sur la conscience», a dit Damien Saboundjian, à peine audible, à quelques heures de l’épilogue de son procès.
La version de l’accusé n’avait pas convaincu l’accusation qui avait réclamé cinq ans de prison avec sursis mise à l’épreuve, avec une obligation de soins, eu égard à sa «fragilité psychologique», l’interdiction de porter une arme pendant cinq ans â?? la durée maximum légale â?? et l’interdiction d’exercer la fonction de policier.
«Face à un individu dangereux, les policiers devraient se mettre aux abris ?»
«La légitime défense ne se présume pas, c’est à [la défense] de le démontrer», a rappelé Loïc Pageot, l’avocat général, comme l’avait plaidé la veille Me Michel Konitz, pour la partie civile. L’accusé s’est retrouvé finalement seul à soutenir qu’il a été braqué à deux reprises. La première fois, au moment où il arrive en voiture, pour «prendre en sandwich» le fugitif. La seconde, lorsqu’une fois sorti de sa voiture, en haut de la rue, le fugitif le braque à 17 mètres de distance. Le policier dégaine et tire quatre fois.
«Il y a beaucoup d’incohérences», a estimé l’avocat général, qui ne comprend pas pourquoi le policier n’a pas sorti son arme plus tôt, s’il s’est fait braquer une première fois. Il ne comprend pas non plus pourquoi le fugitif, si, comme le policier le prétend, se retourne dans sa fuite pour le braquer, n’aurait pas réagi en voyant le fonctionnaire dégainer.
«C’est sa version à lui seul, contredite par tous les témoins qui ont vu la scène», a insisté l’avocat général qui pense que le policier a «manqué de discernement, agi dans la panique, avec un stress intense qui a induit des réactions inappropriées». L’avocat général avait demandé aux jurés de rendre une «décision qui ne puisse pas être interprétée comme un permis de tuer».
«Face à un individu dangereux, armé sur la voie publique, les policiers devraient se mettre aux abris ? Et attendre de se faire tirer comme des lapins ? Je ne peux pas l’admettre, c’est inacceptable !» a rétorqué Daniel Merchat, l’avocat de Damien Saboundjian, contestant la fiabilité des témoignages. «Ce n’est pas parce que les témoins n’ont pas vu [Amine Bentounsi] braquer Damien Saboundjian que ça ne s’est pas fait», a-t-il dit avant de conclure sa plaidoirie sur «le courage» des policiers.
2016-01-15 11:00:00
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