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Ville de Kokomo : Au-delà des corps et des préjugés, un regard authentique sur la vie de travailleuses du sexe trans

Ville de Kokomo : Au-delà des corps et des préjugés, un regard authentique sur la vie de travailleuses du sexe trans

Le festival du film Champs Élysées a décerné le grand prix du long-métrage américain à un film qui ne s’excuse pas d’exister : Ville de Kokomo. Qu’est-ce qui se passe dans les chambres et dans la vie des travailleuses du sexe trans ? Dans son documentaire, D. Smith nous donne un aperçu de la vie de quatre femmes trans, noires et travailleuses du sexe à New York. On oublie souvent que les femmes trans et noires (ou latinas) sont à l’origine du mouvement LGBTQ+. Sans des militantes telles que Marsha P. Johnson ou Sylvia Riviera, qui ont toutes deux été dans la prostitution pour survivre, les droits des personnes queers n’auraient pas autant évolué. Ville de Kokomo revient à ces origines en dressant le portrait de quatre femmes qui portent cet héritage aujourd’hui : Danielle, Koko, Lyah et Dominique. À travers la caméra de Ville de Kokomo, nous sommes mis à nu par sa sincérité et sa franchise acérée, presque violente. D. Smith pose sa caméra dans les endroits les plus intimes de leur vie : un lit, un canapé, une baignoire. Mais ce sont aussi leurs lieux de travail, où les hommes défilent sans s’intéresser à celles qui se cachent derrière ces corps séduisants. Ici, c’est nous, en tant que spectateurs, qui avons le privilège de nous arrêter et d’écouter le récit de leur vie. On nous est confronté à des corps qui n’ont plus honte d’exister, où le mot “vulgaire” n’a pas sa place, tant une force émane de ces femmes qui soutiennent le regard du monde sans vaciller. Mais D. Smith décide de créer une œuvre où tout le monde est le bienvenu, bien qu’elle n’épargne personne. Ainsi, nous rions avec les personnages, écoutons attentivement leurs histoires et le propos semble plus léger. Mais à certains moments bien choisis, elles s’arrêtent, regardent la caméra dans les yeux et crachent toute la réalité que la société refuse d’entendre. La violence, la survie, le combat constant, la solitude en particulier. Elles interrogent, remettent en question la position de spectateur-voyeur, en brandissant des vérités avec une audace et une franchise percutantes. © Photos de Magnolia Réalisme Populaire D. Smith n’aborde pas ses personnages comme dans un documentaire traditionnel et réaliste : elle recherche un réalisme différent, une autre dimension plus pop et propre au monde mental dans lequel vivent les quatre femmes. Leur franchise est matérialisée par un noir et blanc très particulier, qui va à l’encontre des règles habituelles de l’image. Le contraste est extrêmement élevé, au point où les blancs sont brûlés. Ce style, qui peut rappeler le travail photographique de Zane Muholi (artiste queer), nous présente quelque chose qui n’est pas tout à fait la réalité, contrairement à ce qu’on pourrait attendre d’un documentaire. C’est bel et bien un monde, une ville, “Ville de Kokomo”, que la réalisatrice a créé. Elle a réalisé, filmé et monté son film, ce qui lui donne une liberté de création totale. Son expérience de productrice dans l’industrie musicale fusionne le tout avec un mélange de musiques et de sons qui donnent un coup de poing à chaque nouvelle scène. Ajoutez à cela une image aussi non conventionnelle que l’histoire, et nous voyons le monde tel que ces quatre femmes le perçoivent : sans couleurs, mais terriblement vivant. C’est ainsi un joyeux chaos dans lequel D. Smith nous plonge, ponctuant les témoignages de différents effets de style. Des reconstitutions de leurs anecdotes façon film dramatique, des plans en fish-eye, des dessins, des gros titres stylisés avec un jaune éclatant, et une bande-son tantôt pop, tantôt acoustique… On ne se lasse pas de Ville de Kokomo et de son effervescence.
#CEFF #Kokomo #City #Réalité #crue
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