Voici l’incroyable histoire de ces bonapartistes qui ont fui la France pour fonder un État au Texas – Édition du soir Ouest-France

mardi 22 octobre 2024

Histoires franco-américaines oubliées

Correspondance, Nicolas MONTARD.

Après la chute de Napoléon, certains de ses partisans souhaitent s’installer au Texas pour fonder un État. D’où, dit une des nombreuses rumeurs, ils auraient pu partir livrer Napoléon à Sainte-Hélène. Deuxième épisode de notre série sur des histoires méconnues entre la France et les Etats-Unis.

1815. Napoléon est vaincu à Waterloo. Cette fois, c’est la fin pour l’Empereur revenu de l’île d’Elbe quelques mois plus tôt. Direction Sainte-Hélène où il arrive le 15 octobre en exil forcé.

Certains de ses partisans quittent l’Europe pour les États-Unis, notamment Philadelphie. Parmi eux, Joseph Bonaparte, le frère aîné de Napoléon, le maréchal Grouchy, le général Clauzel… Outre-Atlantique, ils sont plutôt bien accueillis et rapidement, un groupe de Français obtient l’exploitation de terres en Alabama, vaste terre vierge, pour créer le Société Coloniale de la Vigne et de l’Olivier. Aux anciens bonapartistes s’ajoutent des réfugiés français de Saint-Domingue.

François Antoine Lallemand, général d’Empire, devient président de cette association… mais a d’autres ambitions : il convainc plusieurs dizaines d’anciens militaires de vendre leurs terres pour fonder une autre colonie, sur la rivière Trinity au Texas, non loin de la ville de Galveston et Houston actuelle.

La couverture d’un livre écrit sur l’histoire du Champ d’Asile, peu après son abandon. (Crédit : Mme Hartman et Millard, membres du champ d’asile.

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Des motivations qui restent inconnues

Le 21 décembre 1817 marque la naissance officielle de cette colonie. Son nom ? Champ d’asile. Sur quoi reposerait son économie ? Agriculture, dit Lallemand officiellement (il déclare dans une lettre ouverte : « Nous n’attaquons personne, nous n’avons aucune intention hostile. Nous demandons la paix et l’amitié de tous ceux qui nous entourent”), mais on se pose vite des questions sur d’autres designs.

Le Champ d’Asile était une colonie éphémère, elle n’a pas duré un an. (Illustration : Yerenrag, Graveur, CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris)

Cette installation n’aurait-elle pas pour objectif de conquérir le Mexique et de recréer un empire bonapartiste ? Le président des États-Unis est informé, tout comme le vice-roi du Mexique. « Diverses raisons peuvent étayer la probabilité d’une attaque contre le Mexique. Elle (la colonie, NDLR) est gérée comme une base militaire où les colons s’entraînent chaque jour et passent la majorité de leur temps à construire des forts et à collecter des armes et des munitions. » Le fait que les territoires espagnols d’Amérique luttaient pour leur indépendance est une autre raison, d’autant plus qu’il y avait des contacts entre rebelles mexicains et bonapartistes. Mais avec un maximum de 400 hommes au Champ d’Asile, l’opération de conquête laisse planer le doute. A moins que le Champ d’Asile ait eu une autre vocation, rapporte Florian Coppée, s’appuyant sur les thèses d’autres historiens : cette colonie aurait pu être une base militaire pour venir libérer l’empereur à Sainte-Hélène !

Lallemand fut l’instigateur de cette colonie éphémère. (Illustration : domaine public via Wikimedias Commons)

Cette colonie alimente les fantasmes des diplomates et des consuls. D’autant que Lallemand sait les faire prospérer, détaille l’historien Rafe Blaufarb dans Napoléon et les Amériques : « La proclamation a été le début d’une offensive de propagande. Les frères Lallemand n’avaient pas les qualités politiques nécessaires pour lever des fonds ou recruter des hommes et réussir dans leur entreprise. Mais ils envisageaient de compenser ce déficit par d’habiles relations publiques. Même les diplomates officiels, eux-mêmes experts dans l’art de la désinformation, ne pouvaient s’empêcher d’admirer le talent de Lallemand. […] Leur travail de propagande ne se limite pas à la presse. Les Lallemands propagent également les rumeurs de bouche à oreille et agissent pour leur donner de la crédibilité en exagérant leur ampleur et en encourageant leur diffusion. Beaucoup de ces rumeurs ont été rapportées par les autorités consulaires. »

« Il y avait aussi beaucoup de rumeurs dues à l’aura de Napoléon, l’homme des retours inattendus, d’Egypte, de l’île d’Elbe, confie à Florian Coppée l’édition du soir. Les représentants diplomatiques français craignaient son retour et maintenaient ces inquiétudes. »

Une frontière à la place de la colonie

Vrai design ou pas… ça n’arrivera pas ! L’État bonapartiste, auquel n’avaient adhéré ni Grouchy, ni Clauzel, ni Joseph Bonaparte, qui le considéraient comme une aventure, connut un destin particulièrement éphémère.

À l’été 1818, les Espagnols, qui ne voulaient pas qu’un établissement hostile se développe à leur frontière, décidèrent d’en déloger les Français, partis, sans combat, entre août et novembre. L’échec était-il inévitable ? Oui, selon Florian Coppée, qui met en avant la quasi-absence de femmes, le recrutement limité de colons, une région hostile entre marécages et aléas climatiques (dont ouragans) et une cohabitation difficile avec les Indiens. Mais aujourd’hui, il reste quelque chose. En 1819, les États-Unis puis la Nouvelle-Espagne dessinent leur frontière, celle qui délimite aujourd’hui le Texas et la Louisiane. Quant à Lallemand, il n’expliquera jamais ses véritables intentions.

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